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Kosovo

Kosovo - Etat des lieux<br> <br>

Les Albanais rentrent, les Serbes s'en vont

Plus d'un demi-million de réfugiés kosovars ont regagné le Kosovo, depuis la fin des bombardements de l'OTAN contre la Yougoslavie, le 10 juin dernier, en dépit des mises en garde du HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), et plus de deux cent mille se trouvent toujours dans les pays limitrophes: Albanie, Macédoine, Monténégro et Bosnie-Herzégovine. Mais, en même temps, plus de 70¯000 Serbes, par crainte de représailles de la part des Albanais de retour chez eux, ont quitté le Kosovo pour la Serbie, dans les jours qui ont suivi le départ des soldats et des policiers serbes. Toutefois quelques milliers d'entre eux sont restés au Kosovo et d'autres sont revenus, poussés par le gouvernement de Belgrade, et ont trouvé refuge dans des monastères et des centres d'accueil.


La KFOR face à la violence.


Les troupes de la KFOR continuent de faire face à des violences quasi quotidiennes, dans les différentes secteurs qu'elles tentent de contrôler et de sécuriser, avant l'arrivée d'une véritable administration civile, qui sera dirigé par le français Bernard Kouchner. Celui-ci devrait être à pied d'oeuvre dès la mi-juillet. Il a aussitôt déclaré qu'il «ne faut pas recruter des membres de l'UCK pour former la police (du Kosovo), qui doit être au service du gouvernement à construire et non pas d'une faction». De son côté, le chef politique de l'Armée de libération du Kosovo, Hashim Thaçi, a déclaré l'exacte contraire, à savoir qu'il fallait «créer une police du style de la garde nationale américaine, l'UCK». Autant dire que la tâche politique et administrative du Haut Représentant des Nations Unies pour le Kosovo ne s'annonce guère facile.

Pendant ce temps, les enquêteurs du Tribunal pénal international(TPI) continuent de découvrir des massacres perpétrés par les forces militaires serbes. Un nouveau charnier contenant douze cadavres - dont plusieurs enfants - a été mis à jour par les enquêteurs britanniques à Bela Crkva, un village situé au sud-ouest de la province. Ce qui confirmerait les témoignages d'habitants de la localité selon lesquels, au lendemain du début de la guerre, le 25 mars, une patrouille serbe a arrêté un groupe de treize hommes, femmes et enfants avant de les conduire dans un champ et d'ouvrir le feu sur eux.

L'UCK a de son côté commencé à tenir la promesse faite à la KFOR de déposer les armes et d'organiser des points de stockage d'armes sécurisés. En principe, uniformes et insignes de l'Armée de libération sont désormais interdits hors des points de rassemblement et seuls les leaders de l'UCK et leurs gardes du corps sont autorisés à porter des armes individuelles. Toutefois, on craint que l'UCK ne se soit débarrassée que d'une partie de ses armes légères, et que l'essentiel de son stock d'armement continue d'être gardé, probablement en Albanie, par des alliés locaux.

De plus, l'organisation américaine Human Rights Watch a recueilli des preuves formelles impliquant certains membres de l'UCK dans des exactions violentes contre des Serbes, des Roms, voire des Albanais: une semaine d'enquête dans trois villes (Orahovac, Prizren et Pec) a révélé que de soldats de l'UCK étaient impliqués dans cinq meurtres, quatre enlèvements, un viol et quatorze détentions, dont douze comprenant des violences physiques.


Règlements de compte au sein de l'UCK.


Partenaire précieux durant les frappes aériennes, l'Armée de libération du Kosovo ressemble plus que jamais à un ensemble de groupes armés plus ou moins autonomes et divisés tant par le passé idéologique et l'origine géographique. Ces milices villageoises ont profité de la fin des frappes pour s'installer là où cela a été possible, en attendant l'arrivée de la KFOR et, plus tard, de la MINUK. La personnalité de son leader, le jeune Hashim Thaçi, auto-proclamé chef du gouvernement provisoire, ne cesse d'intriguer les observateurs, surtout aux Etats-Unis, qui ont pourtant été ses principaux alliés, lors de sa prise de pouvoir. A l'origine de l'UCK on retrouve un noyau d'extrémistes proches du régime marxiste-léniniste d'Enver Hodja, qui ont été aidés dans les années 80 à mettre sur pied cette petite armée dans le but de réaliser le rêve de la «Grande Albanie»¯: regrouper tous les albanophones des Balkans, vivant en Albanie, au Kosovo, en Macédoine et même au Monténégro. D'autres se sont joints par la suite¯: il s'agit de jeunes patriotes sincères, ayant parfois quitté leur pays d'asile (Allemagne, Italie, Etats-Unis) mais aussi de criminels et des trafiquants en tous genres, en partie liés à la mafia dite 'albanaise', mais composée essentiellement de kosovars, qui contrôle de nombreux milieux (prostitution, trafic d'armes et de drogue). Au lendemain de la guerre, ces différentes factions se sont livrées à une véritable course contre la montre pour le contrôle de la province. Thaçi et ses fidèles ont bénéficié de l'aide des Etats-Unis mais aussi de l'Albanie, tandis que l'aile modérée, représentée par Ibrahim Rugova - plutôt silencieux ces dernières semaines - et «son» premier ministre Bukoshi semblent être aidés par l'ancien président albanais Berisha, qui rêve de revenir au pouvoir.

Selon différentes sources, Thaçi n'a pas hésité ces derniers mois à éliminer une demi-douzaine de leaders de l'UCK - des rivaux potentiels - pour asseoir son pouvoir et être le seul interlocuteur de la KFOR et de la communauté internationale.

La confrontation OTAN-Russie continue.

Après le coup de force de l'armée russe, qui a pris de court les troupes de l'OTAN et est parvenue à s'installer à l'aéroport de Pristina au lendemain de la guerre du Kosovo, une nouvelle crise a éclaté début juillet entre Moscou et Washington: deux avions cargos russes ont été empêchés de décoller de Russie pour transporter au Kosovo des renforts destinés à épauler le contingent déjà présent à Pristina. En réalité Moscou voulait ainsi revoir en sa faveur l'accord signé à Helsinki sur la répartition des tâches entre les différents contingents, et surtout ne pas dépendre directement du commandement de la KFOR. Cette deuxième crise a été finalement surmontée, mais elle montre que la sécurité dans les Balkans est dé facto assurée par trois «gendarmes» - USA, Europe et Russie - chacun jouant son propre rôle. L'omnipotente américaine reste, bien entendu, incontestée, et Washington a même pu faire triompher sa (nouvelle?) doctrine qui consiste à remplacer un engagement au sol (toujours très coûteux) par un bombardement aérien classique ayant pour objectif la capitulation pure et simple de l'ennemi.

De son côté, la Russie a pu effectuer à cette occasion un retour plutôt inattendu sur la scène internationale, grâce surtout aux démarches des Européens, et en dépit de sa dépendance financière vis-à-vis du Fonds monétaire international (FMI). «La Russie est un partenaire politique majeur. Nous marchons la main dans la main, Russes et Occidentaux; c'est un grand progrès», a déclaré à ce sujet le président Jacques Chirac.


L'opposition serbe réclame le départ de Milosevic


Depuis l'arrêt des frappes de l'OTAN différents manifestations ont eu lieu à Belgrade, à Novi Sad et à Cacak pour réclamer le départ de Slobodan Milosevic, mais celui-ci demeure à sa place et continue de jouer sur les divisions - et la soif de pouvoir- des différents opposants. Ainsi, le nationaliste Vuk Draskovic pourrait accepter de faire de nouveau partie du gouvernement, tandis que le chef du parti démocrate Zoran Djindjic a décidé de rentrer en Serbie, après s'être réfugié Monténégro au lendemain de l'assassinat d'un journaliste. «Notre première tâche, a-t-il déclaré à son arrivée à Belgrade, est le départ de Milosevic et de son régime, car c'est la condition de la survie de la Serbie».



Article publié le 14/08/2000