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Corse

Jospin défend son projet

Face aux nombreuses objections venues parfois de son propre camp, le Premier ministre défend son projet pour la Corse dans un texte à paraître jeudi 17 août 2000 dans Le Nouvel Observateur. «Jamais d'amnistie pour les assassins du préfet Erignac», garantit Lionel Jospin, qui fait «le pari» qu'on peut, en Corse, «conjuguer unité et diversité».

Lionel Jospin a estimé qu'il devait prendre la plume. Depuis que le projet gouvernemental sur la Corse a été avalisé par les élus de l'Ile, le 28 juillet dernier, une vague de critiques grossit, débordant largement les rangs de l'opposition pour gagner certains partisans du Premier ministre. Ainsi, depuis quelque temps, Le Nouvel Observateur, hebdomadaire de gauche, tire à boulets rouges sur la politique corse du gouvernement, parlant notamment de «politique de Gribouille». C'est donc dans les colonnes de ce magazine que le Lionel Jospin choisit de répliquer. Sous le titre «Mon pari pour la Corse», il signe une tribune qui vise d'abord à régler une question cruciale, soulevée par les nationalistes et largement commentée par les médias français, celle de l'amnistie des crimes et délits «politiques». «L'amnistie évoquée dans certaines déclarations publiques ne saurait être discutée car elle n'est pas à l'ordre du jour», affirme le chef du gouvernement, soulignant qu'elle «ne sera jamais posée pour les assassins du préfet Claude Erignac». Plus largement, il voit dans le vote de l'Assemblée de Corse en faveur de son projet, le 28 juillet dernier, «une chance pour la Corse et un atout pour la République». Admettant que «ce tournant positif n'a pas dissipé les doutes, les scepticismes, les méfiances accumulés», Lionel Jospin réaffirme son objectif: «trouver pour la Corse un chemin de concorde, de solidarité et de prospérité conforme à l'intérêt général».

«Un dialogue ouvert et transparent»

Le Premier ministre ne manque pas de répliquer aux attaques de l'opposition, coupable d'avoir en son temps «oscillé avec un égal insuccès entre une stratégie de répression sans perspective politique et des négociations occultes avec les seuls nationalistes». «J'ai ouvert un vrai dialogue (à) de façon ouverte et transparente, sans aucun contact occulte avec quiconque».
A ceux qui lui reprochent d'avoir capituler face aux bombes, il souligne que le processus d'évolution du statut de l'Ile est soumis à des conditions (la fin de la violence politique), et qu'il comporte ses «propres garanties» contre une éventuelle dérive. Ce projet, qui vise à concéder à terme à l'Assemblée de Corse un pouvoir d'adapter les lois, nécessiterait une révision constitutionnelle qui «apparaîtrait aventurée et pour tout dire injustifiée (à) si la violence persistait». Le texte met-il en cause l'unité de la République? Lionel Jospin fait le «pari» qu'après «une expérience probante de plusieurs années», il sera «largement reconnu que l'unité n'est pas forcément l'uniformité, que l'insularité et la spécificité corses peuvent justifier d'explorer des voies nouvelles permettant de conjuguer unité et diversité». Y a-t-il des risques de contagion? Le Premier ministre estime qu'il n'est pas possible «d'assimiler à la situation singulière de la Corse celle d'autres régions françaises comme la Bretagne, l'Alsace, ou encore celle du pays Basque». Enfin, concédant «qu'il n'y a pas aujourd'hui de consensus politique pour mener» la révision constitutionnelle nécessaire, le chef du gouvernement juge qu'«on peut envisager une situation différente dans trois ou quatre ans si, d'ici là, les élus de la Corse ont fait bon usage de leurs nouvelles responsabilités administratives», si l'Etat fait les efforts promis, et «si la paix civile s'est installée durablement dans l'Ile».




par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 16/08/2000