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Koweït

Un embargo de plus en plus contesté<br>

Depuis dix ans, les Nations Unies imposent à l'Irak un embargo qui s'avère meurtrier. Selon l'Unicef, près de 500 000 enfants irakiens en sont morts. «C'est la faute de Saddam Hussein», dit Washington. «C'est une entreprise d'étouffement», répondent des médecins occidentaux.
L'Irak n'a pas le droit d'importer de crayons à papier, les mines de graphite pouvant être utilisées dans l'industrie nucléaire. La trinitrine lui est également interdite, ce médicament contre les affections cardiaques pouvant servir à fabriquer des explosifs. Et la liste des produits proscrits est longue: balles de tennis, vêtements, dentifrice, lampes, ambulances, etc. Depuis son invasion du Koweit en 1990, l'Irak se voit imposer par l'ONU un embargo économique très sévère. Il s'agissait, à l'origine, d'empêcher le réarmement de l'Irak pour neutraliser le régime de Saddam Hussein. En 1995, la résolution 986 de l'ONU, dite «Pétrole contre nourriture», assouplissait les sanctions en autorisant Bagdad à vendre une certaine quantité de brut pour acheter des vivres et des médicaments. Mais l'application du texte est si stricte que trois hauts fonctionnaires des Nations unies ont démissionné pour protester contre ce qui ressemble fort à une tragédie. L'un d'eux, l'Irlandais Denis Halliday, coordinateur humanitaire de l'ONU en Irak, a claqué la porte en septembre 1998, parlant de «génocide», car, selon lui, «il y a une politique délibérée visant à détruire le peuple d'Irak». Alors que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) émet des statistiques alarmantes, des médecins français ont effectué dans ce pays, en avril dernier, une mission d'évaluation.

«Des hôpitaux délabrés»

Leur constat est accablant. Des hôpitaux délabrés, un manque de matériel et de médicaments, la résurgence de maladies qui avaient disparu comme la tuberculose, une mortalité infantile en forte hausse. Le professeur Jean Bardet, chef du service de cardiologie à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, voit dans l'embargo «une entreprise d'étouffement et de massacre d'une population». Ces médecins admettent que les rapports de l'Unicef, même s'ils sont établis à partir de données fournies par Bagdad, sont tout à fait crédibles. Selon eux, on ne meurt certes pas de faim en Irak («L'Irak n'est pas l'Ethiopie»). Mais la mortalité infantile aurait été multipliée par trois pour la période 1994-1999 par rapport à 1984-1989, époque à laquelle l'Irak était pourtant en guerre avec l'Iran. 500 000 enfants seraient morts depuis 1990.

Le maintien de cet embargo est contesté par certains membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, comme la France, la Chine et la Russie. Mais les Etats-Unis et la Grande Bretagne estiment que la faute revient à Saddam Hussein, coupable à leurs yeux d'organiser la pénurie pour obtenir la suppression de l'embargo. Ces arguments sont réfutés par l'Allemand Hans von Sponeck, ex-coordinateur humanitaire de l'ONU en Irak qui a démissionné en avril 2000. Selon lui, la distribution de la nourriture et des médicaments est satisfaisante. Et compte tenu des pressions médiatiques et politiques, il se dit relativement optimiste sur une levée des sanctions au cours de l'année 2001.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 01/08/2000