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Iran

La cagnotte pétrolière

De notre correspondant en Iran

Le gouvernement avait présenté pour l'année fiscale en cours (20 mars 2000-20 mars 2001) un budget calculé sur la base d'un prix du baril à 14 dollars. Il est aujourd'hui à plus de trente dollars. A ce prix, l'Iran devrait avoir plus de dix milliards de dollars de devises supplémentaires, ce qui représente une augmentation de plus de 60 % de ces recettes pétrolières. Après trois années de vaches maigres en raison de la chute du prix du pétrole (descendu à moins de dix dollars le baril), le pays respire désormais de nouveau. Une situation d'autant plus alléchante qu'à partir de l'année prochaine le remboursement de la dette extérieure du pays va se monter à seulement deux milliards de dollars par an. En effet, depuis 1993, l'Iran devait rembourser chaque année entre cinq et six milliards. Un lourd fardeau encore plus difficile à porter depuis 1997 en raison de la baisse des prix du brut qui s'est poursuivie jusqu'à mars 2000. Dès lors, la somme de dix milliards de dollars en fait rêver plus d'un. Certains proposent d'autoriser de nouveau les importations de voiture pour répondre à la demande. Depuis 1995, l'Iran a interdit les importations de véhicules étrangères pour soutenir l'industrie automobile nationale qui doit produire cette année un peu plus de 300 000 voitures, notamment des Peugeot.

Cette situation de monopole a pour résultat des prix très élevés et une qualité en baisse continuelle. Les importations de voitures étrangères devraient obliger les constructeurs à améliorer leurs produits, estiment les spécialistes. Mais le gouvernement résiste pour l'instant et devrait autoriser seulement l'importation de 30 000 voitures par ans à partir de mars prochain. Plus généralement, cette manne tombée du ciel a attisé la lutte entre les réformateurs et les conservateurs, qui accusent le gouvernement du président Khatami d'être incapable de gérer le pays. En fait, le gouvernement a dû faire voter une loi par le parlement afin de pouvoir utiliser le surplus des recettes pétrolières dès cette année sans attendre mars septembre 2001, comme le prévoyait le troisième plan quinquennal. Certains réformateurs ne cachent pas leur désir de distribuer immédiatement une partie de cet argent pour soulager la population, en particulier les milieux défavorisés, qui ont supporté depuis cinq une baisse continuelle de leur pouvoir d'achat. Premier effet de cet argent inespéré, la monnaie nationale, le rial, s'est renforcé face aux principales devises étrangères, en particulier le dollar. En un mois, le dollar est passé de 8 150 rials à 7 900 rials, soit une baisse de 250 rials. Sur les douze derniers mois, la valeur de la monnaie nationale a augmenté de près de 17% face au dollar, passant de 9 500 rials pour un dollars à 7 900 rials aujourd'hui.

L'élection présidentielle de mai 2001

C'est la première fois depuis la révolution islamique que cette tendance s'inverse. Certains amis du président Khatami veulent faire glisser le dollar à 6 000 rials. Pour ces derniers, la revalorisation de la monnaie nationale va permettre de faire baisser l'inflation et de soulager la population. L'approche des élections présidentielles, prévues en mai 2001, n'est bien sûr pas étrangère à cette analyse. En effet, le président Khatami doit se présenter à un second et dernier mandat en mai prochain. Même s'il est certain de gagner le scrutin faute d'adversaire sérieux à droite, l'économie constitue indéniablement le talon d'Achille de son gouvernement. Mais il y a un grand risque : certains spécialistes prévoient en effet une baisse des cours à partir de janvier. Surtout, si le dollar baisse face au rial, cela va défavoriser les exportations mais aussi toutes les industries qui ont acheté leurs produits de base alors que le dollar était élevé. Les conservateurs quant à eux proposent tout simplement de placer cette somme dans des bourses à l'étranger pour en recueillir les dividendes. Ils ne voudraient pas que le président Khatami profite lors des élections d'une amélioration de la situation économique. Ce qui renforcerait encore leur défaite.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 25/11/2000