Sida
Le président malien brandit des préservatifs<br>
A la veille de la journée mondiale de lutte contre le sida, devant les maires du Mali, le président Alpha Oumar Konaré a prôné la prévention et l'utilisation du préservatif en joignant le geste à la parole.
De notre correspondant au Mali
Surprise ! A l'occasion de la journée des maires du Mali célébrée la semaine dernière, le chef de l'Etat malien Alpha Oumar Konaré a fait l'une des sorties qu'il affectionne. Cette fois pour insister sur «la nécessité» de la lutte contre la pandémie du sida. Devant les 702 maires du Mali médusés, M. Konaré a brandi deux préservatifs : «Le sida est là. Il tue. Ceux qui ne peuvent pas s'abstenir n'ont qu'à utiliser les préservatifs». Tonnerre d'applaudissements dans la salle. Comme s'il était fier de l'effet produit par son geste, le numéro un malien enfonce le clou, toujours avec deux préservatifs dans une main : «Je n'encourage pas à la débauche, mais la réalité est là. d'ailleurs je vais vous donner des préservatifs pour vos communes».
Ce geste osé dans un pays certes laïc, mais à plus de 90% musulman a été diversement apprécié par le citoyen lambda. Un entretien entre Konaré et un «islamiste» dans la rubrique «interview imaginaire» d'un confrère malien résume bien les opinions.
- C'est vraiment la fin du monde. Du jamais vu. Un président de la République ose exhiber une capote, met dans la bouche du supposé islamiste notre confrère L'Observateur.
-Oh ! Pas d'excès les présidents ont une grande responsabilité face à toutes ces maladies.
-Les préservatifs pour un musulman ?
-Certes je suis président, mais avant tout aussi musulman. Mais des hommes ne sont pas souvent maîtres de leur passion, et de leur désir. Or il n'y a pas pour le moment de vaccin contre la sida. s'abstenir, c'est un souhait. Mais ceux qui ne le peuvent pas, je les encourage à utiliser les préservatif.»
Informer, sensibiliser, prévenir
Dans les grins de Bamako (un grin est au Mali un regroupement quotidien d'amis où on se retrouve autour d'un verre de thé) , la majorité des personnes rencontrées approuvent plutôt le geste présidentiel.«C'est un président moderne, affirme Alioun. «Mes deux frères qui vivaient à Abidjan sont morts de la maladie. Si l'on ne fait pas campagne comme ça, c'est toute une génération qui sera sacrifiée» confie de son côté un quadragénaire. Seul sur une dizaine de personnes, Thiam rouspète : «Je ne suis pas d'accord avec Konaré. Il encourage la fornication».
L'organisation non gouvernementale Plan international a publié cette semaine, les résultats d'une enquête sur la pandémie. Le taux d'infection parmi la population malienne dans son ensemble est d'environ de 3%.Comparé à plusieurs autres pays de l'Afrique subsaharienne, le Mali n'est certes pas en tête du «peloton». Néanmoins, le taux de prévalence chez les femmes enceintes, précise le rapport fait partie «des plus élevés de l'Afrique de l'ouest» dépassant même celui de la Gambie et du Sénégal par exemple.
Au total, on a déjà recensé 136 00 séropositifs au Mali et 62 000 personnes décédées de la maladie. Les mouvements de personnes à la recherche de travail notamment vers la Côte d'Ivoire, pays dont le taux de prévalence est le plus élevé en Afrique de l'Ouest n'arrange pas les choses. Dans la région de Sikasso (sud du Mali) qui fait frontière avec la Côte d'Ivoire, le taux de prévalence tourne autour de 5%. Dans cette région, plusieurs initiatives de prévention sont organisée : saynètes jouées dans les maisons de prostituées vantant les «mérites» des préservatifs, chauffeurs routiers «volages» sensibilisés, et autre émissions radio.
Ce sont 50 ONG locales qui ont bénéficié ces cinq dernières années d'un financement de Plan International pour lutter contre la propagation de la maladie. Ainsi, deux millions de personnes réparties dans plus de 2 000 villages et hameaux maliens ont été informées non seulement sur la maladie, mais également sur les moyens de prévention et de guérison des maladies sexuellement transmissibles (MST).
L'opération «sensibilisation» porte ses fruits. En cinq ans, le pourcentage des jeunes maliens entre 15 et 24 ans ayant entendu parler du sida a augmenté de 90% et de 95% chez les femmes. Résultat : il y a une nette prise de conscience, même si des jeunes pensent toujours que le SIDA est un «Syndrome pour Décourager les Amoureux».
«Le geste du président Konaré (largement diffusé dans les médias nationaux) est très fort. Les ONG seules ne peuvent pas faire le travail. A l'intérieur du Mali, les citoyens sont plus réceptifs quand un ordre vient de l'autorité», confie un maire. «Désormais je dirai dans mon village : vous voyez, il n'y a pas de honte. Même le président de la République a touché à la capote, pourquoi pas vous», ajoute un autre maire du nord Mali. Plus de 60 000 préservatifs ont été remis aux maires. «Ce n'est pas pour vous, mais pour vos administrés» a conclu, ironique, le président Alpha Oumar Konaré.
Vaccin contre le sida: où en est-on?
Débat en direct sur internet le 1er décembre
de 13h à 22h (temps universel) avec l'ANRS
(agence nationale de recherche sur le sida)
Surprise ! A l'occasion de la journée des maires du Mali célébrée la semaine dernière, le chef de l'Etat malien Alpha Oumar Konaré a fait l'une des sorties qu'il affectionne. Cette fois pour insister sur «la nécessité» de la lutte contre la pandémie du sida. Devant les 702 maires du Mali médusés, M. Konaré a brandi deux préservatifs : «Le sida est là. Il tue. Ceux qui ne peuvent pas s'abstenir n'ont qu'à utiliser les préservatifs». Tonnerre d'applaudissements dans la salle. Comme s'il était fier de l'effet produit par son geste, le numéro un malien enfonce le clou, toujours avec deux préservatifs dans une main : «Je n'encourage pas à la débauche, mais la réalité est là. d'ailleurs je vais vous donner des préservatifs pour vos communes».
Ce geste osé dans un pays certes laïc, mais à plus de 90% musulman a été diversement apprécié par le citoyen lambda. Un entretien entre Konaré et un «islamiste» dans la rubrique «interview imaginaire» d'un confrère malien résume bien les opinions.
- C'est vraiment la fin du monde. Du jamais vu. Un président de la République ose exhiber une capote, met dans la bouche du supposé islamiste notre confrère L'Observateur.
-Oh ! Pas d'excès les présidents ont une grande responsabilité face à toutes ces maladies.
-Les préservatifs pour un musulman ?
-Certes je suis président, mais avant tout aussi musulman. Mais des hommes ne sont pas souvent maîtres de leur passion, et de leur désir. Or il n'y a pas pour le moment de vaccin contre la sida. s'abstenir, c'est un souhait. Mais ceux qui ne le peuvent pas, je les encourage à utiliser les préservatif.»
Informer, sensibiliser, prévenir
Dans les grins de Bamako (un grin est au Mali un regroupement quotidien d'amis où on se retrouve autour d'un verre de thé) , la majorité des personnes rencontrées approuvent plutôt le geste présidentiel.«C'est un président moderne, affirme Alioun. «Mes deux frères qui vivaient à Abidjan sont morts de la maladie. Si l'on ne fait pas campagne comme ça, c'est toute une génération qui sera sacrifiée» confie de son côté un quadragénaire. Seul sur une dizaine de personnes, Thiam rouspète : «Je ne suis pas d'accord avec Konaré. Il encourage la fornication».
L'organisation non gouvernementale Plan international a publié cette semaine, les résultats d'une enquête sur la pandémie. Le taux d'infection parmi la population malienne dans son ensemble est d'environ de 3%.Comparé à plusieurs autres pays de l'Afrique subsaharienne, le Mali n'est certes pas en tête du «peloton». Néanmoins, le taux de prévalence chez les femmes enceintes, précise le rapport fait partie «des plus élevés de l'Afrique de l'ouest» dépassant même celui de la Gambie et du Sénégal par exemple.
Au total, on a déjà recensé 136 00 séropositifs au Mali et 62 000 personnes décédées de la maladie. Les mouvements de personnes à la recherche de travail notamment vers la Côte d'Ivoire, pays dont le taux de prévalence est le plus élevé en Afrique de l'Ouest n'arrange pas les choses. Dans la région de Sikasso (sud du Mali) qui fait frontière avec la Côte d'Ivoire, le taux de prévalence tourne autour de 5%. Dans cette région, plusieurs initiatives de prévention sont organisée : saynètes jouées dans les maisons de prostituées vantant les «mérites» des préservatifs, chauffeurs routiers «volages» sensibilisés, et autre émissions radio.
Ce sont 50 ONG locales qui ont bénéficié ces cinq dernières années d'un financement de Plan International pour lutter contre la propagation de la maladie. Ainsi, deux millions de personnes réparties dans plus de 2 000 villages et hameaux maliens ont été informées non seulement sur la maladie, mais également sur les moyens de prévention et de guérison des maladies sexuellement transmissibles (MST).
L'opération «sensibilisation» porte ses fruits. En cinq ans, le pourcentage des jeunes maliens entre 15 et 24 ans ayant entendu parler du sida a augmenté de 90% et de 95% chez les femmes. Résultat : il y a une nette prise de conscience, même si des jeunes pensent toujours que le SIDA est un «Syndrome pour Décourager les Amoureux».
«Le geste du président Konaré (largement diffusé dans les médias nationaux) est très fort. Les ONG seules ne peuvent pas faire le travail. A l'intérieur du Mali, les citoyens sont plus réceptifs quand un ordre vient de l'autorité», confie un maire. «Désormais je dirai dans mon village : vous voyez, il n'y a pas de honte. Même le président de la République a touché à la capote, pourquoi pas vous», ajoute un autre maire du nord Mali. Plus de 60 000 préservatifs ont été remis aux maires. «Ce n'est pas pour vous, mais pour vos administrés» a conclu, ironique, le président Alpha Oumar Konaré.
Vaccin contre le sida: où en est-on?
Débat en direct sur internet le 1er décembre
de 13h à 22h (temps universel) avec l'ANRS
(agence nationale de recherche sur le sida)
par Serge Daniel
Article publié le 30/11/2000