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Allemagne

Le danger néo-nazi sous-estimé

Alors que les Allemands craignent la résurgence d'un courant néo-nazi, le syndicat de la police estime que la situation est «bien pire» que ne le disent les statistiques officielles, des faits divers pouvant cacher des crimes racistes.

Les criminologues l'appellent le «champ sombre», ou le «chiffre obscur». Il s'agit de la part de la criminalité qui reste inconnue, faute que les victimes déposent plainte ou que les témoins osent parler. Difficilement mesurable par définition, cette part peut néanmoins être estimée. Pour ce qui concerne les exactions de l'extrême droite, la police allemande la juge suffisamment importante pour tirer le signal d'alarme.

Dans un entretien au journal Osnabruecker Zeitung du samedi 25 novembre 2000, le président du syndicat de la police (GdP) affirme que la situation est «bien pire» que ce que révèlent les chiffres officiels. Dans un grand nombre de crimes ou de délits, affirme Konrad Freiberg, les motivations d'extrême droite n'apparaissent pas faute de plaintes, d'aveux, ou de témoins. Mais, selon lui, ces motivations sont bel et bien présentes derrière des vols, des actes de vandalisme, ou des coups et blessures qui passent pour de simples faits divers.

D'où la requête de ce dirigeant syndicaliste, qui réclame du gouvernement qu'on établisse «un rapport annuel de la situation sur l'extrême droite (à) Il faut interroger les gens pour savoir s'ils ont déjà été victimes d'actes racistes». Ce rapport, estime Konrad Freiberg, doit inclure les renseignements collectés par l'Office de protection de la Constitution (les services de renseignement intérieurs) ainsi que des informations de chercheurs qui se penchent sur ce thème. Il devrait être débattu au Bundestag, la chambre basse du Parlement.

Selon lui, c'est seulement quand toutes ces données seront rassemblées et évaluées que l'on pourra se faire une véritable idée des dangers de l'extrémisme de droite en Allemagne. Konrad Freiberg souhaite également une loi interdisant de manifester en certains endroits sensibles, tout en s'indignant que les demandes de la police destinées à faire interdire des manifestations néo-nazies «soient régulièrement rejetées par la justice».

Selon le journal Bild, la noyade d'un enfant en 1997 était en réalité un crime raciste.

La mise en garde de Konrad Freiberg intervient au moment où l'opinion allemande s'indigne d'une affaire révélée vendredi par le quotidien Bild. Selon le journal, un tragique fait divers remontant à 1997 était en réalité un crime raciste. Un enfant germano-irakien de 6 ans, Joseph Abdulla, s'était noyé dans une piscine à Sebnitz (ex-RDA), une région de Saxe où l'extrême droite est fortement implantée. L'enquête avait conclu à un accident, mais selon de nouveaux éléments, il s'agirait d'un assassinat commis par des néo-nazis. Les autorités et les médias allemands se font l'écho du choc ressenti par l'ensemble du pays, le chancelier Schröder exigeant une «clarification sans réserve de ce cas».

Dans ce climat déjà lourd, les propos du policier étaient également illustrés par des échauffourées, samedi à Berlin. 4000 policiers ont été contraints de protéger un défilé d'extrême droite. Environ 10 000 néo-nazis manifestaient dans le centre de la capitale allemande, pour protester contre l'intention des autorités de faire interdire leur mouvement, le Parti national-démocratique (NPD). Cette protection policière n'a pas empêché des heurts violents avec plusieurs centaines de manifestants d'extrême gauche. Les forces de l'ordre ont fait usage de canons à eau pour disperser ces derniers, qui scandaient «Les nazis dehors !».



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 26/11/2000