Angolagate
Ventes ou trafics d'armes? <i>La chronique défense de Philippe Leymarie</i>
La mise en examen, en France, du fils d'un ancien président, Jean-Christophe Mitterrand, impliqué dans une vente illégale d'armes à l'Angola, pose à nouveau la question du contrôle d'un secteur d'autant plus «sensible» que s'y mélangent volontiers - comme le prouve également l'affaire des «frégates de Taiwan» - des raisons d'Etat, des intérêts privés et bien sûr - au passage - quelques recherches tout à fait individuelles de profits.
La France, en dépit des difficultés de son secteur industriel d'armement, reste le troisième exportateur du monde, derrière les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, avant la Russie et l'Allemagne : entre 12 et 15 % du marché mondial, avec un montant moyen de commandes d'environ 35 milliards de francs par an.
Longtemps, comme d'autres grands pays producteurs, elle a pratiqué une politique commerciale agressive, sa prospection de contrats s'appuyant d'une part sur l'Etat français et ses alliances, avec une politique étrangère qui déclarait reconnaître surtout les Etats, et non les régimes, selon le vieux principe de la diplomatie gaullienne ; et d'autre part, sur un système de sociétés d'assistance ou de courtage spécialisées, et - le cas échéant - de commissions versées à des intermédiaires, ou à des autorités locales, pour s'assurer de leur bienveillance face aux inévitables concurrents.
C'est dans ces conditions qu'a été réalisée, par exemple, la vente par Thomson de six frégates «furtives» à la République de Taïwan : des commissions avaient été versées, des intermédiaires avaient approché, influencé, voire soudoyé des autorités, à Paris comme à Taïpeh. Et, dix ans après, le scandale est là ; les enquêtes se poursuivent, des procès sont annoncés.
Un contrat à destination de l'Etat angolais a fait plonger, dans l'affaire qui conçerne Jean-Christophe Mitterrand, l'homme d'affaires Pierre Falcone, qui était «consultant» d' un des offices français officiels de ventes d'armes, la Sofremi : société française d'exportation de matériels et services, qui dépend du ministre de l'Intérieur- à l'époque, Charles Pasqua, membre du RPR, le parti de Jacques Chirac, qui lui était chef du gouvernement.
C'est apparemment Jean-Christophe Mitterrand qui, profitant de l'imposant carnet d'adresses composé lorsqu'il était le conseiller pour les affaires africaines de son père, à l'Elysée, avait mis Pierre Falcone sur la piste des contrats angolais, en 1993 : des armes d'origine russe - chars, canons, lance-roquettes, avions de combat, et autres - pour une valeur de 500 millions de dollars. Mais un proche de M. Pasqua, Jean-Charles Marchiani, aurait également bénéficié des largesses de l'homme d'affaires.
La Commission interministérielle pour l'étude de l'exportation des matériels de guerre (CIEEMG), qui doit être obligatoirement consultée pour tout négoce légal de ce genre, transitant par le territoire ou des sociétés françaises, n'avait pas été consultée dans ce cas. Elle avait en revanche repoussé quatre ans plus tard, un autre contrat, plus modeste, du même Falcone, portant sur des radars et des caméras thermiques.
Les restrictions à la vente d'armement sont aujourd'hui plus nombreuses : la grande vague de «moralisation» est passée par là, après les campagnes anti-corruption menées par des Ong comme Transparency international, relayées jusqu'à l'ONU. Il y a deux ans, les Quinze européens avaient adopté, sur une initiative franco-britannique , un «code de bonne conduite» : les gouvernements se sont engagés à ne pas autoriser les marchés conclus avec des pays qui ne respecteraient pas les traités internationaux, qui nuiraient gravement aux droits de l'homme qui seraiet en guerre civile, ou encourageraient le terrorisme, qui auraient dans le passé déjà détourné les matériels livrés en direction d'autres pays, ou qui seraient dans l'incapacité de financer leurs achats. La règle est que l'Etat qui refuse la commande, en informe ses partenaires, afin qu'il soit en mesure de repousser une offre provenant du même client.
L'application de ces critères commence à donner des résultats. L'an dernier, la France a autorisé les commandes venant de 91 pays, dont 17 en Afrique ; mais refusait de vendre des armes à 28 pays , dont 13 pays africains - soit une augmentation notable des refus par rapport à l'année précédente.
Longtemps, comme d'autres grands pays producteurs, elle a pratiqué une politique commerciale agressive, sa prospection de contrats s'appuyant d'une part sur l'Etat français et ses alliances, avec une politique étrangère qui déclarait reconnaître surtout les Etats, et non les régimes, selon le vieux principe de la diplomatie gaullienne ; et d'autre part, sur un système de sociétés d'assistance ou de courtage spécialisées, et - le cas échéant - de commissions versées à des intermédiaires, ou à des autorités locales, pour s'assurer de leur bienveillance face aux inévitables concurrents.
C'est dans ces conditions qu'a été réalisée, par exemple, la vente par Thomson de six frégates «furtives» à la République de Taïwan : des commissions avaient été versées, des intermédiaires avaient approché, influencé, voire soudoyé des autorités, à Paris comme à Taïpeh. Et, dix ans après, le scandale est là ; les enquêtes se poursuivent, des procès sont annoncés.
Un contrat à destination de l'Etat angolais a fait plonger, dans l'affaire qui conçerne Jean-Christophe Mitterrand, l'homme d'affaires Pierre Falcone, qui était «consultant» d' un des offices français officiels de ventes d'armes, la Sofremi : société française d'exportation de matériels et services, qui dépend du ministre de l'Intérieur- à l'époque, Charles Pasqua, membre du RPR, le parti de Jacques Chirac, qui lui était chef du gouvernement.
C'est apparemment Jean-Christophe Mitterrand qui, profitant de l'imposant carnet d'adresses composé lorsqu'il était le conseiller pour les affaires africaines de son père, à l'Elysée, avait mis Pierre Falcone sur la piste des contrats angolais, en 1993 : des armes d'origine russe - chars, canons, lance-roquettes, avions de combat, et autres - pour une valeur de 500 millions de dollars. Mais un proche de M. Pasqua, Jean-Charles Marchiani, aurait également bénéficié des largesses de l'homme d'affaires.
La Commission interministérielle pour l'étude de l'exportation des matériels de guerre (CIEEMG), qui doit être obligatoirement consultée pour tout négoce légal de ce genre, transitant par le territoire ou des sociétés françaises, n'avait pas été consultée dans ce cas. Elle avait en revanche repoussé quatre ans plus tard, un autre contrat, plus modeste, du même Falcone, portant sur des radars et des caméras thermiques.
Les restrictions à la vente d'armement sont aujourd'hui plus nombreuses : la grande vague de «moralisation» est passée par là, après les campagnes anti-corruption menées par des Ong comme Transparency international, relayées jusqu'à l'ONU. Il y a deux ans, les Quinze européens avaient adopté, sur une initiative franco-britannique , un «code de bonne conduite» : les gouvernements se sont engagés à ne pas autoriser les marchés conclus avec des pays qui ne respecteraient pas les traités internationaux, qui nuiraient gravement aux droits de l'homme qui seraiet en guerre civile, ou encourageraient le terrorisme, qui auraient dans le passé déjà détourné les matériels livrés en direction d'autres pays, ou qui seraient dans l'incapacité de financer leurs achats. La règle est que l'Etat qui refuse la commande, en informe ses partenaires, afin qu'il soit en mesure de repousser une offre provenant du même client.
L'application de ces critères commence à donner des résultats. L'an dernier, la France a autorisé les commandes venant de 91 pays, dont 17 en Afrique ; mais refusait de vendre des armes à 28 pays , dont 13 pays africains - soit une augmentation notable des refus par rapport à l'année précédente.
par Philippe Leymarie
Article publié le 23/12/2000