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Proche-Orient

L'inquiétude de la Jordanie

Les idées proposées par le président Clinton pour lªinstauration dªune paix définitive entre Israéliens et Palestiniens nªont pas suscité un enthousiasme débordant en Jordanie. Amman redoute notamment que le droit au retour des réfugiés palestiniens ne soit sacrifié sur lªautel du réalisme.
De notre correspondant à Amman

Le plan de paix du président américain Bill Clinton pour arracher aux forceps un accord de paix israélo-palestinien a fait lªeffet dªune douche froide en Jordanie. «Ces propositions sont un piège pour nous, affirme sans détour un diplomate du ministère jordanien des Affaires étrangères. En cas dªéchec des négociations, nous risquons de le payer cher sur le plan populaire, car avec lªEgypte, on nous accuse déjà de faire pression sur les Palestiniens pour les amener à des concessions.»

Le point du plan américain qui suscite le plus dªinquiétude est sans conteste celui relatif aux réfugiés palestiniens. Le président américain a proposé à Yasser Arafat un contrôle des lieux saints musulmans de Jérusalem en échange duquel lªAutorité palestinienne renoncerait au droit au retour des réfugiés de 1948 en Israël, seule une poignée dªentre eux pourrait bénéficier de mesures de regroupement familial. Bref, Jérusalem contre lªextinction du droit au retour.

Or, pour le royaume hachémite, le dossier des réfugiés palestiniens est crucial. En effet, la Jordanie accueille sur son sol plus dªun million et demi de ces exilés palestiniens sur un total de près de 4 millions au Moyen-Orient. Répartis dans 13 camps (10 officiels gérés par lªUNRWA, lªagence des Nations Unies en charge de lªaide aux réfugiés, et trois non-officiels), plus de 300 000 de ces déracinés de Palestine vivent actuellement dans conditions dªhygiène déplorables, un chiffre que lªon peut porter à 500 000 si lªon tient compte des réfugiés vivant à la périphérie des camps.

Risques sécuritaires

«Si on ne trouve pas de solution, les risques de déstabilisation politique sont grands, poursuit ce diplomate jordanien. Les réfugiés ont pu vivre dans des camps pendant cinquante ans parce quªils gardaient lªespoir du retour. Si cet espoir disparaît, alors ils seront prêts à toutes les extrémités. Il faut donc éviter à tout prix de créer un vide qui engendrerait le désespoir et la violence.»

Dans les camps, les gens nªont jamais été aussi anxieux et inquiets de leur sort. «Ils sentent quªils sont à la croisée des chemins, explique un responsable de lªUNRWA. Même si la situation est calme en surface, toutes les options restent ouvertes» Au début de lªIntifada, des heurts violents se sont dªailleurs produits dans les camps de Baqaa et dªAl-Wahdate entre forces anti-émeutes et manifestants palestiniens, démontrant ainsi que des dérapages sécuritaires étaient possibles.

Le scénario le plus redouté par les milieux officiels serait lªoctroi de compensations financières limitées aux réfugiés et pas de retour, ou alors au compte-gouttes. Cªest pourquoi, des voix de plus en plus nombreuses sªélèvent dans le royaume, notamment de la part de parlementaires ou dªanciens ministres, pour critiquer le profil bas adopté jusquªici par le gouvernement jordanien. «Dans toute cette affaire, la Jordanie a joué un rôle très limité et nªa pas eu une grande influence sur le cours des événements», regrette Jawad Anani, sénateur et ex-ministre des Affaires étrangères. Pour le député de Balqa, Salameh Hiyari, «ignorer la Jordanie dans de telles discussions aura des répercussions négatives sur le royaume.» Tous redoutent que le fragile équilibre entre Palestiniens et Jordaniens de souche entre dans une zone de turbulences, au moment où lªéconomie jordanienne sªenfonce dans un profond marasme

Dans tous les cas de figures, la Jordanie a bien lªintention dªobtenir des compensations financières pour avoir accueilli sur son territoire ces cohortes de déracinés de Palestine. Les autorités dªAmman affirment dépenser 325 millions de dollars par an directement et indirectement pour la fourniture de services publics et sociaux aux habitants des camps.



par Christian  Chesnot

Article publié le 05/01/2001