Congo démocratique
Laurent-Désiré Kabila, le successeur inattendu
Nationaliste de la première heure et compagnon de Patrice Lumumba, Laurent-Désiré Kabila a vécu près de quarante années durant entre maquis et hôtels internationaux, en Afrique centrale et orientale ou dans les capitales occidentales, où il appris à se méfier de tout le monde. Bon vivant mais fidèle à sa saharienne, il n'a jamais pactisé ni avec les dollars de Mobutu ni avec la mode de la sape kinoise. Révolution oblige, il a été le seul opposant à ne pas participer à la conférence nationale. C'est peut-être pour cela qu'il a été «choisi» par l'Ouganda et le Rwanda pour prendre la route de Kinshasa.
Né à Likasi, une petite ville minière du Katanga (Shaba), au début des années 1940, dans une famille Baluba, Laurent-Désiré Kabila fréquente des écoles chrétiennes avant d'adhérer tout naturellement à la Balubakat, le parti nationaliste du Katanga allié du Mouvement national congolais de Patrice Lumumba. Il est même élu suppléant au parlement local, lors des élections législatives de 1960, et s'oppose à la sécession du Katanga proclamée par Moïse Tschombé un mois plus tard.
Après l'assassinat du Premier ministre Lumumba, Kabila prends fait et cause en compagnie des "jeunesses de la Balubakat" pour le gouvernement lumumbiste d'Antoine Gizenga, basé à Stanleyville (Kisangani), en lutte ouverte contre le président Kasavubu et le chef d'état-major Mobutu, basés à Léopoldville (Kinshasa); en 1961 il devient conseiller provincial dans le Nord-Katanga, à Albertville (Kalemié).
Au lendemain de la création (en septembre 1963) du Conseil national de libération (CNL) par Antoine Gizenga - déjà détenu - Pierre Mulele et Christophe Gbenye, Kabila prend la tête de l'insurrection qui s'installe dans le Nord-Katanga, puis dans le Kivu à partir d'avril 1964, et à laquelle participe de nombreux Tutsi chassés du Rwanda. Parallèlement il fait partie des principaux dirigeants du CNL, en charge notamment des relations avec le président tanzanien Julius Nyerere. C'est dans ce maquis harcelé par les troupes de Mobutu et les mercenaires occidentaux que Kabila accueille en 1965 le chef guérillero latino-américain Ernesto «Che» Guevara, accompagné de 170 maquisards cubains. Mais le courant ne passe guère entre les deux hommes: le «Che» est «invité» quelques mois plus tard à quitter le maquis, alors qu'il vient d'être repéré par les services de renseignement sud-africains et américains. Le maquis de l'est vit en réalité ses derniers jours. La plupart des maquisards se rendent peu après, mais pas Kabila qui part en voyage, en Afrique orientale, en Europe de l'est et en Chine.
Kabila débarque à Kinshasa en vainqueur
Deux ans plus tard l'histoire recommence. Kabila crée le PRP (Parti de la révolution populaire), d'inspiration maoïste, puis traverse le lac Tanganyka à la tête d'une vingtaine d'hommes peu armés, pour installer un nouveau maquis, près de Fizi Baraka, dans le Kivu. Ce deuxième maquis durera près de vingt ans, grâce à l'appui des paysans babembe - parmi lesquels figurent aussi des chercheurs d'or, qui assurent une réelle autonomie aux maquisards - mais aussi en raison de la bienveillance des forces de l'ordre, qui laissent faire.
En réalité, Kabila dirige ce nouveau maquis - qui concerne jusqu'à 300ß000 habitants - mais ne le fréquente pas souvent. Il voyage beaucoup, et se charge notamment d'écouler l'or sur les marchés locaux ou régionaux, jusqu'à Bujumbura, au Burundi. En Europe il participe assez régulièrement à des colloques organisés par des mouvements anti-impérialistes: partout Kabila dénonce le mobutisme et ses alliés occidentaux.
En 1975 quatre ressortissants occidentaux sont enlevés et détenus deux mois durant dans le maquis du PRP de Kabila. Ils ne seront libérés qu'après le versement d'une rançon de 450ß000 dollars et la livraison de nombreuses armes. Ce qui permet à Kabila de faire face aux attaques - très sporadiques - de l'armée régulière zaïroise. Les accrochages importants commencent à avoir lieu seulement à la fin de 1984 et surtout l'année suivante, notamment près de Moba, où des villages sont rasés. La plupart des maquisards se laissent peu à peu 'convaincre' par l'amnistie proposée par Kinshasa et surtout par les dollars de Mobutu. Leur reddition permet au président zaïrois de se proclamer maréchal.
Quant à Kabila, une fois de plus il refuse de rallier Kinshasa. Il vit désormais à l'étranger, le plus souvent en Tanzanie; mais il ne perd pas le contact avec les anciens lumumbistes, voire les nationalistes qui s'inspirent de l'exemple tanzanien. Il s'agit notamment de l'ougandais Yoweri Museveni et du sud-soudanais John Garang.
En 1986 ce «professionnel de la révolution» proche des thèses maoïstes est en Libye; il convainc Kadhafi de se ranger à ses côtés et d'appeler au renversement de Mobutu. Il ne croît pas aux méthodes non violentes. Pour cela, en 1992, il refuse de participer à la conférence nationale aux côtés de tous les autres opposants. Finalement, son destin bascule en 1996, le jour où l'ougandais Museveni prend contact avec lui, et lui propose de l'aider à débarrasser le Rwanda des miliciens interahamwe réfugiés au Congo-Zaïre, puis de tenter prendre le pouvoir à Kinshasa. Nul n'y croît, en dehors de Kabila, de Museveni et de Kagame. Mais un an plus tard Laurent-Désiré Kabila débarque à Kinshasa en vainqueur et se proclame président du Congo démocratique, bien protégé par des militaires ougandais et rwandais.
Quelques mois plus tard, une rupture radicale intervient entre Kabila et ses protecteurs: ceux-ci ne supportent plus le nationalisme farouche de Kabila, qui, de plus, refuse de se battre contre les milices hutues. Ils auraient même tenté de l'éliminer physiquement. Mais Kabila, qui a appris sa vie durant à se méfier de tout le monde, s'en sort une fois de plus et met fin à la «coopération militaire» avec l'Ouganda et le Rwanda. Ceux-ci mettent sur pied plusieurs oppositions armées qui vont jusqu'à menacer la capitale Kinshasa. Kabila doit alors faire appel aux armées angolaise et zimbabwéenne qui sauvent le nouveau régime et parviennent à arrêter la progression des rebelles et des armées ougandaise et rwandaise. Quelques mois plus tard, les accords de Lusaka consacrent le statu quo, à Kinshasa comme ailleurs.
Après l'assassinat du Premier ministre Lumumba, Kabila prends fait et cause en compagnie des "jeunesses de la Balubakat" pour le gouvernement lumumbiste d'Antoine Gizenga, basé à Stanleyville (Kisangani), en lutte ouverte contre le président Kasavubu et le chef d'état-major Mobutu, basés à Léopoldville (Kinshasa); en 1961 il devient conseiller provincial dans le Nord-Katanga, à Albertville (Kalemié).
Au lendemain de la création (en septembre 1963) du Conseil national de libération (CNL) par Antoine Gizenga - déjà détenu - Pierre Mulele et Christophe Gbenye, Kabila prend la tête de l'insurrection qui s'installe dans le Nord-Katanga, puis dans le Kivu à partir d'avril 1964, et à laquelle participe de nombreux Tutsi chassés du Rwanda. Parallèlement il fait partie des principaux dirigeants du CNL, en charge notamment des relations avec le président tanzanien Julius Nyerere. C'est dans ce maquis harcelé par les troupes de Mobutu et les mercenaires occidentaux que Kabila accueille en 1965 le chef guérillero latino-américain Ernesto «Che» Guevara, accompagné de 170 maquisards cubains. Mais le courant ne passe guère entre les deux hommes: le «Che» est «invité» quelques mois plus tard à quitter le maquis, alors qu'il vient d'être repéré par les services de renseignement sud-africains et américains. Le maquis de l'est vit en réalité ses derniers jours. La plupart des maquisards se rendent peu après, mais pas Kabila qui part en voyage, en Afrique orientale, en Europe de l'est et en Chine.
Kabila débarque à Kinshasa en vainqueur
Deux ans plus tard l'histoire recommence. Kabila crée le PRP (Parti de la révolution populaire), d'inspiration maoïste, puis traverse le lac Tanganyka à la tête d'une vingtaine d'hommes peu armés, pour installer un nouveau maquis, près de Fizi Baraka, dans le Kivu. Ce deuxième maquis durera près de vingt ans, grâce à l'appui des paysans babembe - parmi lesquels figurent aussi des chercheurs d'or, qui assurent une réelle autonomie aux maquisards - mais aussi en raison de la bienveillance des forces de l'ordre, qui laissent faire.
En réalité, Kabila dirige ce nouveau maquis - qui concerne jusqu'à 300ß000 habitants - mais ne le fréquente pas souvent. Il voyage beaucoup, et se charge notamment d'écouler l'or sur les marchés locaux ou régionaux, jusqu'à Bujumbura, au Burundi. En Europe il participe assez régulièrement à des colloques organisés par des mouvements anti-impérialistes: partout Kabila dénonce le mobutisme et ses alliés occidentaux.
En 1975 quatre ressortissants occidentaux sont enlevés et détenus deux mois durant dans le maquis du PRP de Kabila. Ils ne seront libérés qu'après le versement d'une rançon de 450ß000 dollars et la livraison de nombreuses armes. Ce qui permet à Kabila de faire face aux attaques - très sporadiques - de l'armée régulière zaïroise. Les accrochages importants commencent à avoir lieu seulement à la fin de 1984 et surtout l'année suivante, notamment près de Moba, où des villages sont rasés. La plupart des maquisards se laissent peu à peu 'convaincre' par l'amnistie proposée par Kinshasa et surtout par les dollars de Mobutu. Leur reddition permet au président zaïrois de se proclamer maréchal.
Quant à Kabila, une fois de plus il refuse de rallier Kinshasa. Il vit désormais à l'étranger, le plus souvent en Tanzanie; mais il ne perd pas le contact avec les anciens lumumbistes, voire les nationalistes qui s'inspirent de l'exemple tanzanien. Il s'agit notamment de l'ougandais Yoweri Museveni et du sud-soudanais John Garang.
En 1986 ce «professionnel de la révolution» proche des thèses maoïstes est en Libye; il convainc Kadhafi de se ranger à ses côtés et d'appeler au renversement de Mobutu. Il ne croît pas aux méthodes non violentes. Pour cela, en 1992, il refuse de participer à la conférence nationale aux côtés de tous les autres opposants. Finalement, son destin bascule en 1996, le jour où l'ougandais Museveni prend contact avec lui, et lui propose de l'aider à débarrasser le Rwanda des miliciens interahamwe réfugiés au Congo-Zaïre, puis de tenter prendre le pouvoir à Kinshasa. Nul n'y croît, en dehors de Kabila, de Museveni et de Kagame. Mais un an plus tard Laurent-Désiré Kabila débarque à Kinshasa en vainqueur et se proclame président du Congo démocratique, bien protégé par des militaires ougandais et rwandais.
Quelques mois plus tard, une rupture radicale intervient entre Kabila et ses protecteurs: ceux-ci ne supportent plus le nationalisme farouche de Kabila, qui, de plus, refuse de se battre contre les milices hutues. Ils auraient même tenté de l'éliminer physiquement. Mais Kabila, qui a appris sa vie durant à se méfier de tout le monde, s'en sort une fois de plus et met fin à la «coopération militaire» avec l'Ouganda et le Rwanda. Ceux-ci mettent sur pied plusieurs oppositions armées qui vont jusqu'à menacer la capitale Kinshasa. Kabila doit alors faire appel aux armées angolaise et zimbabwéenne qui sauvent le nouveau régime et parviennent à arrêter la progression des rebelles et des armées ougandaise et rwandaise. Quelques mois plus tard, les accords de Lusaka consacrent le statu quo, à Kinshasa comme ailleurs.
par Elio Comarin
Article publié le 16/01/2001