Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Congo démocratique

Kabila a succombé à un attentat

Le président de la République démocratique du Congo (RDC), Laurent-Désiré Kabila est mort dans l'avion qui l'évacuait vers Harare. Mardi après-midi il avait été victime d'un attentat au cours d'une violente dispute avec l'état-major de son armée, vraisemblablement par un de ses gardes du corps, sinon par son propre vice-ministre de la défense. Son fils, le général Joseph Kabila, le remplace désormais à la tête du pays, selon un communiqué officiel publié mercredi à Kinshasa.
Après Laurent, Joseph Kabila. Quelques heures à peine après la mort - annoncée par l'agence de presse zimbabwéenne - de Laurent-Désiré Kabila, le ministre de l'information Dominique Sakombi a annoncé, à l'issue d'une réunion extraordinaire : « le gouvernement de salut public a décidé de confier la direction gouvernementale et le commandement militaire au général-major Joseph Kabila », en remplacement de son père Laurent-Désiré, qui a été abattu « à bout portant par l'un de ses gardes du corps ». Et le ministre d'ajouter : « quand (le garde corps) a fui, les militaires l'ont poursuivi et malheureusement ils ont tiré sur lui, et il est mort. On ne saura jamais qui était le commanditaire ou s'il agi seul ». Dominique Sakombi a ajouté que le gouvernement a décidé « la réouverture de l'aéroport et du trafic aérien sur toute l'étendue du territoire » et réduit la durée du couvre-feu.

Ces déclarations ne répondent pour autant pas à toutes les questions à propos d'un attentat que les autorités congolaises ont passé sous silence près de 24 heures durant. D'autres informations ont circulé depuis mardi après-midi, dans différentes capitales africaines et européennes. L'assassinat de Laurent Kabila a été d'abord annoncé, puis démenti à plusieurs reprises, et des hypothèses parfois contradictoires ont été avancées.

C'est le ministre belge des Affaires étrangères, Louis Michel, qui, après plusieurs heures d'incertitudes et de rumeurs non confirmées sur une éventuelle tentative de putsch, avait confirmé la nouvelle de l'assassinat du président congolais Laurent Kabila. « Il est mort abattu par un de ses gardes du corps, qui semble-t-il, a tiré deux balles, en présence de généraux » des FAC (Forces armées congolaises), que le président Kabila venait de limoger, a précisé le ministre belge, avant d'ajouter qu'il ne pouvait parler de tentative de putsch, mais plutôt « d'un différend qui a débouché sur une certaine violence ».

L'annonce de l'assassinat du président Kabila a néanmoins été faite d'abord à Kampala (Ouganda), de sources proches des services de renseignement de Yoweri Museveni, autrefois allié de Kabila ; mais qui, aux côtés du Rwanda et du Burundi, aide ouvertement la rébellion et occupe depuis deux ans et demi une grande partie du Congo démocratique. Cette information a été ensuite confirmée par les gouvernements français et britanniques.

Un règlement de compte plus qu'un coup d'Etat

Selon l'agence de presse Belga, c'est le colonel Eddy Kapend, originaire comme Kabila du Katanga (sud-est du Congo démocratique) qui aurait aussitôt assumé le pouvoir, avec l'accord d'un important allié : l'Angola de Eduardo Dos Santos, qui aurait ainsi voulu éviter qu'un vide politique ne s'installe à Kinshasa. Cette même agence affirme mercredi matin que Laurent Kabila n'a pas été assassiné par un de ses gardes du corps, mais par le vice-ministre de la défense, le colonel Kayembe, qui venait d'être limogé en même temps que d'autres officiers supérieurs de l'armée, à cause des récentes défaites subies par les FAC, notamment à l'est du pays, dans le Kivu. Kabila aurait d'abord demandé à son fils Joseph d'arrêter le colonel Kayembe, mais celui-ci aurait aussitôt sorti son revolver et ouvert le feu sur le président, ainsi d'ailleurs que sur son fils Joseph, qui n'a été que blessé. Hospitalisé d'urgence par hélicoptère dans l'un des rares hôpitaux équipés d'un service de réanimation, à Kinshasa, Laurent Kabila aurait succombé peu après aux blessures subies dans le « Palais de Marbre », la résidence présidentielle chère à son prédécesseur : Mobutu Sese Seko. Au même moment, une source médicale kinoise interrogée par nos soins affirmait quant à elle que Kabila n'était pas mort et avait été évacué d'urgence vers la capitale zimbabwéenne, Harare.

Toujours selon l'agence Belga, le colonel Kayembe, soutenu par une partie de l'armée congolaise, n'aurait même pas été inquiété par ses pairs. Des affrontements ont tout de même éclaté peu après entre militaires fidèles à Kabila et ceux qui ont soutenu le colonel Kayembe : des tirs ont été entendus en effet autour du Palais de Marbre. Ce qui confirmerait que ce qui s'est passé mardi après-midi à Kinshasa ressemble plus à un règlement de compte entre officiers supérieurs qu'à une véritable tentative de coup d'Etat. A l'image de ce qui s'était passé quelques heures avant la fuite précipitée de l'ancien président Mobutu.

Quelques heures après, le colonel Eddy Kapend, aide de camp et chef d'état-major particulier de Kabila, a ordonné aux chefs de l'armée de fermer toutes les frontières du pays et de « maîtriser leurs unités », dans un message retransmis plusieurs fois à la télévision. Le colonel Kapend a également déclaré, à l'adresse des différentes unités des FAC (Forces armées congolaises) : « il n'est pas question de paniquer la population et d'agiter les garnisons. J'en appelle à votre sens de la discipline et de la loyauté aux institutions de la République". Par ailleurs, un couvre-feu a été instauré mardi soir, à Kinshasa, par « le gouvernement », selon son porte-parole, Dominique Sakombi, également ministre de l'information.

Alors que des coups de feu étaient toujours entendus dans un quartier proche de la résidence de Laurent Kabila, l'accès aux quartiers de cette partie de la ville a été bloqué en début de soirée par des barrages de l'armée. Mais, bizarrement, les véhicules diplomatiques étaient autorisés à franchir ces barrages. De son côté le porte-parole de l'ONU déclarait, en début de soirée, que des combats avaient bien été signalés mardi après-midi, qu'« il y avait des indications que quelque chose s'est produit dans la zone du palais présidentiel », mais que la situation était de nouveau calme vers 17 GMT.

En réalité, l'ONU était quasiment en état d'alerte depuis plusieurs jours, au Congo démocratique. Le commandant de la MONUC, le général Mountaga Diallo avait mis en garde dès vendredi 12 janvier contre des « menaces d'embrasement général des fronts », après deux ans et demi de guerre civile, avec la participation directe de nombreux pays limitrophes. « Depuis quelques temps nous assistons à une multiplication d'accusations et de contre accusations sur des violations du cessez-le-feu entre les parties en conflit. Il est à craindre que cela ne vienne intensifier le cycle infernal d'attaques et de contre-attaques, et que toute nouvelle offensive venant s'ajouter aux combats dans l'Equateur et au Katanga ne conduise à un embrasement généralisé des fronts ».

Deux coalitions se font face au Congo démocratique depuis 1998: le gouvernement de Kinshasa avec l'Angola, le Zimbabwe et la Namibie, et les « rebelles » de l'est et du nord aidés par le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda qui occupent près de la moitié du pays.




par Elio  Comarin

Article publié le 17/01/2001