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Sénégal

La constitution approuvée<br> <br>par 90 % des votants<br>

Près de 90 % des votants ont approuvé le projet de nouvelle constitution. Dimanche, les électeurs ont été près de 60 % à se rendre aux urnes.
De notre correspondant à Dakar

Aux premières heures de la matinée, les populations, détentrices de leur carte s'étaient alignées nombreuses, pour accomplir leur devoir civique. A mi-journée et en début d'après-midi, tout comme d'ailleurs une heure avant la clôture, l'affluence grossissait laissant espérer un fort taux de participation à ce référendum, le troisième du genre dans l'histoire politique du Sénégal après ceux de 1963 et de 1970.

L'issue du scrutin qui s'est déroulé dans le calme et la sérénité ne faisait aucun doute, le «oui» l'ayant emporté largement. Ce résultat très attendu se fonde sur le vaste consensus réalisé autour du projet de nouvelle constitution. En effet, la plupart des partis politiques situés dans la mouvance présidentielle ou dans l'opposition ont appelé à voter massivement en faveur du OUI. S'y ajoute que l'étonnant et interminable état de grâce dont bénéficie le président Wade, au zénith de la popularité, va se traduire concrètement par une vaste adhésion populaire à la nouvelle constitution. Celle-ci est perçue comme un instrument devant lui permettre d'exécuter sa politique alternative, afin de répondre à la forte demande sociale qui n'a pas disparu avec l'alternance.

Ce succès sans surprise qui arbore les caractéristiques d'un véritable plébiscite est le résultat de la démarche consensuelle qu'à adoptée Me Wade sur son projet de la nouvelle loi fondamentale. Celle-ci, en effet, a enregistré, dans son élaboration, les contributions des experts du droit, des partis politiques et de la société civile.

Le «oui» est d'autant plus massif avec un taux de participation avoisinant les 60 % qu'il exprime la volonté des Sénégalais qui sont décidés à donner au nouveau président de la République les moyens de gouverner et de tenir ces promesses électorales. Celles-ci sont d'ailleurs pour bon nombre d'entre elles prises en compte dans le projet de nouvelle constitution. C'est ainsi que le président de la République est désormais soumis à une déclaration de patrimoine dès sa prise de fonction. Son mandat est réduit à cinq ans renouvelable une seule fois. Il peut dissoudre l'Assemblée nationale, à tout moment une fois passée deux années de législature sans que cela soit subordonné au vote d'une motion de censure. Quant au Premier ministre la nouvelle Constitution renforce ses pouvoirs puisqu'il peut décider désormais par décrets dans des domaines expressément délégués par le président de la République. Il dirige le gouvernement qui conduit et exécute la politique déterminée par le président de la République.

S'agissant de l'Assemblée nationale, la création et la mise en £uvre des commissions d'enquête parlementaires en son sein sont désormais consacrés par la Constitution. En revanche, le Sénat, institution impopulaire et dont la mise en place avait suscité une vive controverse dans la classe politique sénégalaise va être supprimé ainsi que le Conseil économique et social.

Par ailleurs l'opposition est consacrée dans la Loi fondamentale en tant que pilier de la démocratie. En plus de ces changements institutionnels et politiques, la nouvelle Constitution, notamment au niveau de son préambule, contient un certains nombre d'innovations à caractère économique et social. Elles touchent les femmes, la jeunesse, les personnes du troisième âge, les agriculteurs, les travailleurs et les handicapés qui ont tous vu leurs droits à l'égalité, à la protection, à la santé, à la propriété, au travail et à la grève, à l'emploi et à la considération renforcés.

Polémique constitutionnelle

La campagne précédant le scrutin a enregistré une vive polémique entre les partis au pouvoir et ceux de l'opposition sur la procédure à adopter pour parvenir au référendum. Pour les premiers, le président a eu raison de s'adresser directement au peuple en vertu de l'article 46 qui dispose qu'il peut soumettre tout projet de loi à référendum sans passer par l'Assemblée nationale. Pour les seconds le passage par l'article 46 est anticonstitutionnel puisque selon eux, il ne s'agit que de simple révision constitutionnelle qui doit donc faire appel à la procédure prévue par l'article 89 et qui fait intervenir le vote préalable des députés.

Aujourd'hui, avec le succès du «oui», Me Wade a désormais tous les moyens et leviers nécessaires pour engager sa politique et traduire l'alternance en actes. Toutefois, un débat important est entrain d' agiter la classe politique sénégalaise. Il porte sur l'opportunité de dissoudre l'Assemblée nationale, afin de procurer au président de République une majorité conforme à sa victoire du 19 mars 2000.

En tout état de cause,tout semble indiquer que la classe politique redoute l'inévitable recomposition politique et un éventuel renversement des rapports de force qui vont interpeller les partis dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Pour l'heure, avec l'adoption massive de la nouvelle constitution qu'il a proposée à ses compatriotes, Me Wade s'impose comme le maître incontournable du jeu politique.



par A Dakar, Pape  TOURE

Article publié le 08/01/2001