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Sénégal

Une femme à la primature<br>

Le nouveau chef du gouvernement sénégalais est loin d'être un second couteau. Première femme à occuper un poste politique aussi élevé au Sénégal, Mame Madior Boye était déjà ministre de la Justice. En faisant appel à elle, à deux mois des législatives, Abdoulaye Wade met fin au duel feutré qui l'opposait au sortant Moustapha Niasse et fait un appel du pied à l'électorat féminin.
En sortant de chez le président Wade, samedi 3 mars, Mame Madior Boye n'a pas manqué de commenter sa nomination à la tête du gouvernement sénégalais comme une «marque de confiance à l'égard de la femme». Première femme à accéder à un poste politique aussi élevé au Sénégal, et sans doute aussi en Afrique subsaharienne, elle n'a, de plus, rien d'une figurante. Déjà Garde des Sceaux dans le premier gouvernement de l'alternance, responsabilité qu'elle conserve d'ailleurs, elle a occupé son poste dans une période sensible. Le Sénégal a connu une réforme constitutionnelle qui, bien que votée à une très forte majorité, au mois de janvier, avait donné lieu à une discrète mais réelle passe d'armes entre le chef de l'Etat et le Premier ministre sortant Moustapha Niasse.

Juriste chevronnée, elle a fait la plus grande partie de sa carrière dans la magistrature. Elle a été, tour à tour, substitut du procureur de la République, première vice-présidente du tribunal régional de première classe de Dakar, présidente de chambre à la Cour d'appel de la capitale sénégalaise, puis conseillère à la Cour de cassation. Après un passage à la Compagnie bancaire de l'Afrique Occidentale (CBAO), elle a accepté le poste de ministre de la justice au mois de mai 2000.

Un Premier ministre de transition ?

Sa désignation n'en met pas moins fin à une collaboration de plus en plus difficile entre son prédécesseur et le président. Moustapha Niasse ne s'est guère exprimé durant ces derniers mois, mais ses différences de vues avec Abdoulaye Wade et ses ambitions politiques n'étaient plus un secret pour personne. D'autant que le leader de l'Alliance des forces de progrès (AFP) avait opéré une première rupture avec le Front pour l'Alternance (FAL), formé avec le PDS de Wade avant la présidentielle de février 2000, en décidant que son parti irait seul au législatives.

Issue de la société civile, mais considérée comme proche du chef de l'Etat, Mame Madior Boye devrait permettre à un gouvernement débarrassé de ces conflits internes, d'entamer plus sereinement sa dernière ligne droite avant les législatives du mois de mai. En acceptant cette responsabilité, cette dernière est consciente qu'elle ne pourrait être qu'un premier ministre de transition. D'ici deux mois, la configuration du parlement, toujours largement dominé le Parti socialiste, ancien parti dirigeant, sera fortement bouleversée. Et rien ne dit que le nouveau chef du gouvernement sera reconduit.

«Nous allons nous atteler à la tâche», répond Mame Madior Boye qui se dit décidée à travailler de son mieux pour son pays, que ce soit «pour deux mois, pour un an ou pour dix ans». En la choisissant pour succéder à Moustapha Niasse, Abdoulaye Wade fait quand même d'une pierre deux coups. Il se débarrasse d'une personnalité à l'évidence trop imposante et à la veille d'un scrutin crucial, il fait un bel appel du pied aux Sénégalaises, qui représentent 52% de l'électorat.



par Christophe  Champin

Article publié le 05/03/2001