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Sénégal

Wade-Niasse : la rupture

Au Sénégal, le limogeage du Premier ministre Moustapha Niasse et son remplacement par Mame Madior Boye (première femme à accéder à ce poste) témoigne de la mise en ordre de bataille des partis politiques en vue des élections législatives du 29 avril.
De notre correspondant à Dakar

C'est avec surprise que les Sénégalais ont appris le samedi 3 mars le limogeage de Moustapha Niasse, Premier ministre depuis onze mois du gouvernement né de l'alternance intervenue le 19 mars 200 au Sénégal. Les Sénégalais ont été d'autant plus étonnés par la nouvelle que le président Abdoulaye Wade rentrait à peine de Syrte où il a assisté à la réunion des chefs d'Etat sur l'Union Africaine.

Il est vrai cependant qu'avant de se rendre à cette rencontre le président sénégalais était soumis à de rudes épreuves politiques et avait laissé au sein de son gouvernement un climat tout à fait délétère du fait de vives rivalités entre son parti et celui du Premier ministre Moustapha Niasse.

L'élection, la semaine dernière à Mbour, du nouveau maire de cette bourgade située dans la région de Thiès a débouché sur la victoire du candidat socialiste soutenu par l'AFP (Alliance des forces de progrès) de Moustapha Niasse au détriment du candidat du PDS (Parti démocratique sénégalais). Autre épreuve c'est le vote du budget de Conseil Régional de Kaolack présidé par un membre de l'AFP. Le budget régional a été adopté grâce au vote des socialistes contre les libéraux qui s'y opposaient.

Entente tacite entre l'AFP et le PS

A travers ces deux événements politiques est apparue une entente tacite entre l'AFP et le PS (Parti socialiste) bouté du pouvoir le 19 mars 2000. Aux yeux d'Abdoulaye Wade et des responsables du PDS, c'est une ligue qui est entrain de se nouer entre les partis d'obédience socialiste contre le nouveau régime. Ce qui conduit le chef de l'Etat à consommer la rupture avec son Premier ministre. La collusion entre le PS et l'AFP, selon lui, est d'autant plus grave que la classe politique se dirige vers des élections législatives anticipées pleines d'incertitudes. S'y ajoute que Moustapha Niasse est accusé d'inertie dans la conduite de l'action gouvernementale.

Se considérant élu pour mettre un terme au régime PS, le président Wade qui a réactivé la procédure des audits et qui a saisi la Justice sur des affaires dans lesquelles seraient impliqués des barons socialistes entend faire face. Il engage une bataille bloc contre bloc : d'une part le camp de l'alternance incarné par le FAL (Front pour l'Alternance regroupant plusieurs partis sous la bannière du PSD), et d'autre part le camp de tous les socialistes représentés par Moustapha Niasse, le leader de l'AFP ancien du PS, Ousmane Tanor Dieng, premier secrétaire du PS et Djibo Ka, secrétaire général de l'URD.

En se séparant de son Premier ministre, dont le parti était en permanence en bisbille avec le FAL, le président Wade recentre son action en faveur de ce front. Et quoiqu'en dise Moustapha Niasse qui parle de «départ concerté», sa rupture avec le chef de l'Etat provient bien d'un limogeage décidé de façon discrétionnaire par le président. Ce dernier, compte rassembler ses militants et les Sénégalais derrière lui sur le thème de la défense du régime de l'alternance contre le retour de socialistes accusés de tous les maux. Et le choix porté sur le magistrat Mame Madior Boye comme femme Premier ministre cumulativement avec ses fonctions de Garde des Sceaux, Ministre de la Justice pour remplacer Moustapha Niasse montre bien que les «affaires» seront au centre de la campagne électorale.



par A Dakar, Pape  TOURE

Article publié le 05/03/2001