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Réchauffement climatique

Climat: Bush cède devant les lobbies

Deux mois après sa prise de fonction, George W. Bush revient sur une promesse de campagne : réduire les émissions de dioxyde de carbone, accusées du réchauffement de la planète. Les lobbies du charbon et du pétrole, arguant d'une crise énergétique, ont arraché ce revirement, au risque d'anéantir les efforts mondiaux de réduction des gaz à effet de serre.
De notre correspondant à New York

La Maison blanche l'a reconnu sans pudeur : George W. Bush est revenu sur sa promesse de campagne. Il s'était engagé à promouvoir une régulation des émissions de dioxyde de carbone, accusées par les spécialistes de participer au réchauffement de la planète. La mesure, courageuse, aurait frappé en premier les centrales électriques au charbon, qui fournissent plus de 56% de l'électricité américaine.

Selon une étude du département de l'énergie, une réduction des émission de CO2 aurait entraîné une «augmentation significative du prix de électricité. Alors que la Californie connaît déjà des pénuries d'énergie et que d'autres états de l'ouest sont inquiets du prix et de la disponibilité de l'électricité cet été, nous devons faire très attention à ne pas faire de tort aux consommateurs» a écrit George Bush. «D'autant plus que les connaissances scientifiques des causes du changement climatique global sont incomplètes».

Jusqu'à maintenant, les producteurs ont montré davantage d'inquiétudes que les consommateurs. Les lobbies du pétrole, du charbon et de leurs dérivés avaient beaucoup à perdre. Car la seule solution connue pour réduire les émissions de dioxyde de carbone est pour l'instant de réduire la production des centrales fonctionnant à l'énergie fossile. La mobilisation des groupes de pression industriels, relayés au sein de l'administration Bush par le vice-président Dick Cheney et le secrétaire à l'Energie Spencer Abraham, expliquent le revirement brutal du président américain. La Maison blanche a tout bonnement estimé que la promesse initiale avait été une erreur, incompatible avec le souci d'augmenter la production d'énergie.

Le coût de la réduction du carbone

Des dents ont grincé jusque dans le camp républicain. Des modérés travaillaient sur un projet de loi destiné à rendre les centrales électriques plus propres. Ils n'ont plus qu'à revoir leur copie. Quant aux mouvements de défense de l'environnement, ils s'estiment trahis. Ils avaient naïvement affiché leur satisfaction face à la promesse du candidat Bush, plus progressiste dans ce domaine que son concurrent Al Gore. C'était beaucoup trop pour l'aile la plus conservatrice du Parti républicain, attachée à rejeter toute acceptation, même implicite, du protocole de Kyoto. Le traité avait été signé par l'administration Clinton, mais non ratifié. Il s'agissait pour trente-huit pays industrialisés de s'engager à réduire leurs émissions de dioxyde de carbone. Plusieurs sénateurs républicains s'y étaient opposés, au prétexte de défendre l'énergie américaine contre les puissances extérieures. Ils faisaient valoir que le coût de la ratification pour les Etats-Unis serait bien plus élevé que pour d'autres pays comme la France, dont les centrales nucléaires n'émettent pas de carbone.

Les négociations sur la mise en oeuvre du protocole de Kyoto avaient échoué en novembre dernier, mais elles devaient reprendre fin juillet. Sauf que la plupart des spécialistes sont désormais plus que sceptiques sur les chances d'aboutir à un accord. La ministre française de l'Environnement, Dominique Voynet a réagi vigoureusement : «Les Etats-Unis, principal pays émetteur de gaz à effet de serre, prendraient une très lourde responsabilité en remettant en cause un accord unanimement approuvé par la communauté internationale pour combattre le changement climatique.» L'Union européenne demande aux Etats-Unis de ne pas se retirer de la négociation à venir, et le chancelier allemand Gerhard Schroeder entend bien demander des explications lors de sa venue à Washington fin mars. Certains évoquent la possibilité de ratifier l'accord sans les Etats-Unis, au moins dans un premier temps. C'est faire abstraction du fait que le pays représente seulement 4% de la population mondiale, mais 25 % des émissions de CO2.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 17/03/2001