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Réchauffement climatique

Etat d'urgence sur la Terre

On est passé de l'état des lieux à l'état d'urgence. Aujourd'hui plus que jamais la Terre va devoir livrer une véritable course contre la montre pour sauver sa peau û et la nôtre. C'est ce qui ressort de deux études scientifiques, l'une réalisée par des chercheurs américains, l'autre pour le compte de l'ONU. Les neiges ne sont plus éternelles.
Lundi noir pour la planète bleue ce 19 février. Simultanément, deux informations, l'une en provenance de San Francisco, l'autre de Genève, ont fait l'effet d'une douche froide et sonné le glas d'un alarmisme conventionnel. On nous l'annonçait depuis plusieurs années déjà : la Terre va mal, les conséquences du changement climatique sont redoutables, l'incapacité des Etats à réduire l'effet de serre est inquiétante. Mais cette fois, c'est le caractère inéluctable d'une destruction annoncée qui nous laisse interdits.

En Californie d'abord. L'incroyable a été annoncé par un chercheur américain, Lonnie Thompson, du centre Byrd de recherches polaires de l'Université de l'Ohio, lors du congrès annuel de l'Association pour la promotion de la science (AAAS), à San Francisco : les sommets neigeux et les glaciers d'Afrique et d'Amérique du Sud auront très certainement fondu dans les 15 prochaines années si rien n'est fait pour réduire les émissions de gaz carboniques. Pour étayer cette thèse, un exemple suffit, tellement il est à la fois symbolique et révélateur : le Kilimandjaro qui culmine en Tanzanie à 5963 mètres. Selon Lonnie Thompson, un tiers de la couverture glaciaire du «toît de l'Afrique» a fondu ces douze dernières années, soit un total de 82% depuis le premier relevé connu, en 1912. Ainsi les neiges ne seraient-elles plus éternellesà De même, la calotte glaciaire des Andes péruviennes a diminué d'au moins 20% depuis 1963. L'un des glaciers de cette région, Qori Kalis, a diminué 32 fois plus vite au cours des trois dernières années qu'entre 1963 et 1978. On sait que les glaciers des Andes représentent une ressource essentielle en eau potable.

Au cours des vingt dernières années, Lonnie Thompson et ses collègues ont étudié les calottes neigeuses et glaciaires des montagnes tropicales d'Amérique du Sud, d'Afrique de Chine et du Tibet. A San Franciso, le chercheur a exhorté les responsables à «prendre des mesures pour réduire les émissions de gaz carbonique. Il y a longtemps que nous avions prédit que les premiers signes de changement causé par le réchauffement de la planète apparaîtraient sur quelques calottes glaciaires et glaciers fragiles situés aux tropiques».

Poursuivant sa démonstration, Lonnie Thompson a également cité le cas de la calotte glaciaire du Mont Kenya qui a rétréci de 40 % depuis 1963. Selon lui, deux glaciers sur les sommets montagneux de Nouvelle Guinée auront disparu d'ici dix ans. Au Vénézuela, il ne reste plus que deux glaciers aujourd'hui, contre six en 1972.

Les pays du sud en première ligne

Parallèlement à ces informations atterrantes, le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), un groupe de scientifiques chargés par l'ONU d'étudier le réchauffement planétaire, publiait son nouveau rapport. Intitulé «Changement climatique 2001 : impacts, adaptation et vulnérabilité», ce pavé de mille pages, en ligne en anglais sur le site web du GIEC, donne des sueurs froides. Menaces pour l'eau, l'agriculture et la santé publique : les conséquences du réchauffement climatique n'épargnent personne, encore moins les pays du sud. On s'attend à la fois à des inondations et à des pénuries d'eau, à une diminution des rendements agricoles, et au délabrement de la situation sanitaire.

Selon James McCarthy, un des dirigeants du groupe de travail du GIEC, «la majeure partie de la population mondiale sera du côté des perdants. Ces changements climatiques devraient toucher de façon disproportionnée les pauvres, disposant de moins de capacités pour s'adapter», a-t-il dit. Vagues de chaleur, sécheresse, intensité des cyclones tropicaux, recrudescence d'inondationsà les pays subtropicaux pâtiront particulièrement des pénuries d'eau. Par ailleurs, la hausse du niveau de la mer menace les deltas et les petits états insulaires, des régions qui hébergent des dizaines de millions d'habitants.

Les régions tropicales et subtropicales doivent s'attendre à une baisse du rendement agricole et, concernant la santé, les maladies tropicales (malaria et choléra) devraient étendre leur aire géographique.

Les chercheurs de l'IPCC tirent une nouvelle fois la sonnette d'alarme mais ils sont plus catégoriques que dans leur précédent rapport de 1995. Les hausses de température du XXe siècle ont déjà provoqué des effets néfastes : recul des glaciers, modification du comportement des animaux et une floraison plus précoce de certains arbresà

Ces dernières informations n'auront sans doute pas échappé aux responsables politiques qui doivent se retrouver à la mi-juin pour tenter de trouver un accord sur la réduction des émissions de gaz a effet de serre, après le retentissant échec de la conférence de La Haye en novembre dernier. Chacun avait campé sur ses positions. Mais cette fois, il ne s'agira plus de tergiverser.



par Sylvie  Berruet

Article publié le 20/02/2001