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Réchauffement climatique

Farce et impuissance

L'échec cuisant de la conférence de la Haye sur le réchauffement climatique met au grand jour une écologie à deux vitesses. Deux semaines de débat pour rien auront vu le triomphe des lobbies et l'impuissance des pays riches à trouver un terrain d'entente pour enrayer leur pollution. Tout cela devant l'£il ironique des pays du Sud et dans un contexte plus qu'alarmant.
Quelle image retenir de la conférence de La Haye ? La tarte à la crème qu'a reçue en plein visage Frank Loy, le chef de la délégation américaine des mains d'une manifestante en colère ? Les banderoles d'organisations écologistes criant au scandale en se demandant «comment nos petits-enfants vous pardonneront ?». La piètre querelle franco-britannique Prescott-Voynet, le premier reprochant à la seconde d'être à l'origine de l'échec des négociations en raison d'une « fatigue et d'une incompréhension », la seconde l'accusant d'être un « macho invétéré » ?

Voilà où en était le débat û c'est-à-dire nulle part - au lendemain de cette conférence fiasco qui a réuni quelque 180 pays chargés de se pencher sur l'avenir de la planète Terre et de mettre un frein au réchauffement climatique ! L'enjeu était pourtant de taille. Il s'agissait, rappelons le, de finaliser le protocole de Kyoto (1997) qui prévoyait la réduction des gaz à effet de serre. Avant d'entrer en vigueur, l'accord devait être ratifié par au moins 55 pays d'ici à 2002. Mais dès la première semaine de discussions à La Haye, de nettes divergences ont clairement laissé entendre que la signature d'un accord était fort compromise.

Dialogue de sourd

Dans un premier temps, le clivage Europe-Etats-Unis a semblé prendre le dessus. Les Américains, considérés comme le plus gros pollueur de la planète, avaient été vivement invités, par le président de l'Union européenne Jacques Chirac, à prendre leurs responsabilités. Dans un discours ferme, le président français avait exhorté les Etats-Unis à lutter contre le réchauffement climatique, aux côtés des Européens. Mais dès la seconde semaine, il semblait que l'incertitude autour de l'élection américaine, qui donnait selon les dernières estimations, l'avantage au candidat texan Bush (adversaire déclaré au protocole de Kyoto et proche des lobbies pétroliers) ait fait la différence dans le camp européen. Certains souhaitaient obtenir un accord à l'arraché, avant l'arrivée du prochain locataire de la Maison Blanche, d'autres, à l'instar de Dominique Voynet, préféraient un réel engagement américain, noir sur blanc.

Le ministre français de l'Environnement, à la tête de la délégation française, a préféré, dit-elle la théorie « Mieux vaut rien du tout qu'un mauvais accord ». Cette conférence a été officiellement « suspendue » et c'est le dialogue de sourd qui semble l'avoir emporté. Lundi la presse britannique a fustigé Dominique Voynet, prenant fait et cause pour le vice-Premier ministre Prescott qui souhaitait obtenir un accord. Mais la France n'était pas la seule à être insatisfaite. A ses côtés, l'Allemagne, le Danemark et la Suède.

Dans le camp américain, on retrouve le Canada et le Japon. Le marchandage qui portait notamment sur la formule des « puits de carbone », semble avoir fait échouer les discussions. Cette proposition de Washington visait à comptabiliser dans les réductions de gaz à effet de serre la quantité de carbone absorbée par les forêts et les cultures agricoles. Washington avait proposé d'inclure non seulement les plantations d'arbres et le déboisement, mais toute une série d'activités forestières et agricoles pouvant stocker du carbone et ainsi réduire les rejets de CO2 (dioxyde de carbone), à l'origine du réchauffement planétaire. Mais les Européens sont restés intransigeants sur cette question même si au fil des jours, les Américains se sont montrés plus souples.

Echec cuisant

Autre point qui a fait échouer l'accord, les « permis de polluer », un système défendu par les Etats-Unis. Ce principe autoriserait un pays n'ayant pas rempli ses engagements à racheter des permis d'émission, appelés « permis de polluer » (par les écologistes) à des pays, qui, comme la Russie, devraient pouvoir facilement respecter les leurs. L'Europe a toujours demandé qu'au moins 50% des efforts de réduction des émissions soient fournis par des mesures nationales d'économie d'énergie. La question de la mise en place d'une sorte de tribunal mondial pour l'environnement a également suscité les divergences, certains ne souhaitant pas l'intervention d'un arbitre.

Autant de divergences qui ont fait la différence et échouer un processus de sauvegarde de la planète. Un échec d'autant plus cuisant qu'il s'est joué sous le regard ébahi, voire ironique du G77, le groupe qui représente les 133 pays en développement et la Chine, restés aux portes de la négociation. Les organisations écologistes ont annoncé la victoire et le triomphe des lobbies, regrettant la farce et l'impuissance de cette conférence.
Pendant ce temps, comme l'a rappelé le Forum des peuples indigènes qui avaient demandé à s'asseoir à la table des négociations, la pollution se poursuit, le trou dans la couche d'ozone s'agrandit. Les indigènes ont expliqué que le réchauffement planétaire s'exprimait chez eux sous la forme de famine, exode, pauvreté et pénurie des ressources naturelles. Faute d'accord, la conférence est donc reportée. Pour la planète Terre, vous avez demandé le service des urgences, veuillez rappeler ultérieurement.



par Sylvie  Berruet

Article publié le 27/11/2000