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Tunisie

L'opposition à l'assaut de Ben Ali

L'opposition au régime policier de Zine El Abidine Ben Ali a profité du 45ème anniversaire de l'indépendance du pays pour se manifester de façon spectaculaire, en lançant trois appels distincts en faveur d'une «démocratisation réelle» et dénonçant le monopole de l'Etat-Parti sur la vie politique et sociale.
Deux jours à peine après une prise de position d'Amnesty international contre «une escalade sans précédent du harcèlement» et des agressions contre les défenseurs des droits de l'homme, deux opposants - le laïc Mohammed Moaada et l'islamiste Rached Ghannouchi - ont appelé lundi dernier à la formation d'un «front» contre le chef de l'Etat. C'est la première fois que Ghannouchi, qui dirige le mouvement islamiste interdit de la Nahda, reçoit le soutien d'un opposant non islamiste. «Nous lançons un appel insistant et urgent à l'ensemble des forces patriotiques et démocratiques, afin d'unifier nos rangs, construire un front patriotique et démocratique et une alternance véritablement pluraliste», ont-ils écrit. Les deux hommes politiques seraient tombés d'accord sur cette démarche lors d'une récente rencontre, à Londres, où Ghannouchi vit en exil ; mais elle aurait aussitôt provoqué quelques remous au sein du Mouvement des démocrates socialistes (MDS), un parti profondément divisé, et dont la tendance dirigée par Mohammed Moaada n'est pas reconnue.

Mercredi, ce sont 272 personnalités fort différentes qui ont signé une pétition en faveur d'une «citoyenneté souveraine», qui s'inspire du Forum démocratique pour le travail et les libertés (un mouvement de centre-gauche). Il s'agit d'intellectuels et activistes tunisiens qui réclament une amnistie générale «pour assainir le climat politique» ; ils demandent que «les prochaines élections apportent un changement à la tête de l'Etat», tout en précisant qu'elles «n'auront aucune signification tant que le monopole de l'Etat-parti de la vie publique se poursuit». Ces personnalités se prononcent aussi pour une «évaluation des 45 dernières années dans le cadre d'une conférence réunissant les forces éprises de démocratie».

Ben Ali président à vie ?

Une troisième pétition intitulée «Manifeste des démocrates progressistes tunisiens» - et signée par près de 90 autres personnalités - dénonce quant à elle «l'absence de liberté de la presse et de garanties d'indépendance de la justice, le clientélisme et la corruption». Les signataire de cet appel semblent viser à dénoncer par avance l'éventuelle tentative de Ben Ali de se faire proclamer président à vie, alors que la Constitution actuelle lui interdit de se briguer un nouveau mandat en 2004. Cet appel a lui aussi suscité quelques polémiques en Tunisie, car l'un des signataire n'est autre que l'ancien ministre de l'Education nationale Mohammed Charfi, Certains opposants craignent que cet appel ne vise d'abord à «recycler Charfi dans l'opposition après avoir été ministre de Ben Ali», au lendemain de son arrivée au pouvoir il y a quatorze ans.

Enfin, le président Ben Ali a indirectement répondu à toutes ces démarches, lors de son discours, en déclarant que la Tunisie est «le pays de la modération, de la tolérance et des droits de l'homme». Une fois de plus il a dénoncé « les ingérences étrangères dans les affaires intérieures du pays, au moment où certains de ses partisans scandaient des slogans contre des figures connues de l'opposition, les qualifiant de «traîtres à la solde de l'étranger».





par Elio  Comarin

Article publié le 22/03/2001