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Grande-Bretagne

Le silence des agneaux

Le ministère de l'Agriculture a décidé la semaine dernière d'abattre systématiquement un demi million d'animaux sains, dans une tentative désespérée de contenir l'épizootie de fièvre aphteuse au grand dam des éleveurs qui commencent à se désolidariser du gouvernement. (voir aussi le dossier agriculture européenne)
De notre correspondante en Grande Bretagne

Avec plus de 300 foyers d'infection, la Grande Bretagne est désormais rentrée dans une logique de guerre contre le virus, mais le pays déjà frappé de plein fouet par la crise de la vache folle se trouve plongé dans une atmosphère des plus sombres. «Le silence des agneaux pour les élections de Blair ?» Voilà le genre de panneaux qui ont accueilli en ce début de semaine l'expert-vétérinaire du gouvernement, Jim Scudamore, venu dans le nord du pays expliquer aux éleveurs pourquoi le ministère de l'Agriculture a opté pour une politique d'abattage drastique de leurs bêtes, même saines.

Les fermiers sont à bout et ne veulent plus entendre de justifications scientifiques ou même économiques; après bientôt un mois de crise, la révolte gronde dans les campagnes en quarantaine, où brûlent quotidiennement d'impressionnants bûchers d'animaux... Ils ont d'abord soutenu l'action radicale du gouvernement, acceptant les restrictions de mouvement de leurs troupeaux, l'isolement dans leurs fermes en état de siège, la tenue à distance des citadins, l'annulation de la plupart des événements sportifs, les tapis de désinfectants installés un peu partout à travers le pays et surtout le triste spectacle de l'abattage de milliers de bêtes infectées ou en passe de l'être.

Inquiétudes des défenseurs des droits de l'homme

Mais devant l'impuissance de Londres à endiguer la fièvre aphteuse la frustration et l'amertume ont pris le pas sur la confiance qu'accordaient jusqu'ici les fermiers aux officiels, de plus en plus les langues se délient et accusent le Premier ministre d'avoir des arrière-pensées électorales. De nombreux éleveurs ont prévenu qu'ils accueilleraient les vétérinaires avec le fusil pour défendre leurs troupeaux indemnes, certains estiment que la politique de Nick Brown, le ministre de l'Agriculture, est disproportionnée et qu'il ferait mieux d'accélérer l'incinération des bêtes déjà abattues, dont les cadavres restent pendant des jours entassés dans les hangars des fermes sans être évacuées.

Pour les fermiers qui ont déjà perdu leur cheptel, la colère n'est plus de mise, l'heure est à l'abattement, la semaine dernière on a appris qu'un éleveur s'était pendu, désespéré de voir les ravages causés par cette maladie après avoir déjà tout perdu pendant la crise de la vache folle. Et ce sont ces coups du sort répétés qui rendent l'atmosphère générale morose et pessimiste. Plus -pour l'instant- que des préoccupations économiques.

Les citadins, relativement épargnés, sont solidaires du monde rural. Ils sont aussi inquiets de voir la suspicion gagner leurs voisins européens et leur pays terni par une réputation de producteur de viande malsaine. Il y a quelques jours, un ministre irlandais devait déclarer que la Grande Bretagne était désormais le «lépreux de l'Europe»à



par A Londres, Muriel  Delcroix

Article publié le 19/03/2001