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Ukraine

Le Premier ministre censuré

Le parlement ukrainien a adopté à une large majorité, jeudi 26 avril, une motion de censure contre le Premier ministre Viktor Iouchtchenko, dont la politique pro-occidentale était notamment contestée par les partis centristes, proches de la présidence et dominés par des clans financiers liés à la Russie.
«Je pars pour revenir. Je ne vais pas abandonner la politique. Je vais me battre». Les larmes aux yeux, face à quelque 15 000 personnes venues le soutenir devant le parlement, à Kiev, Viktor Iouchtchenko a voulu rassurer ses partisans en colère, après la motion de censure votée par 263 députés sur 409 (69 ont voté contre, 24 ont voté blanc et 53 se sont abstenus). «Je serai toujours avec vous et je vous appelle à rester calme. Je remercie ceux qui ont soutenu mon gouvernement pendant un an et demi», a lancé le Premier ministre, sous les acclamations de ses partisans.

Menés par les dirigeants des partis nationalistes, brandissant des drapeaux ukrainiens et des pancartes «Ne touchez pas à Iouchtchenko!», les manifestants s'étaient regroupés dès le début de la matinée jusqu'à former, au moment du vote, le plus gros rassemblement de ces derniers mois. Sur les marches du bâtiment, les organisateurs avaient disposé un cercueil frappé du nom des partis ayant provoqué la chute du gouvernement. «L'élite politique n'est pas prête à travailler pour mettre en place une économie et une politique transparentes», a déploré le Premier ministre, avant de conclure en annonçant qu'il allait bientôt présenter sa démission au président Léonid Koutchma. Selon la constitution, un vote de défiance entraîne le limogeage du gouvernement dans les deux mois.

En coulisses, le président a soutenu la censure

Très populaire dans l'opinion ukrainienne, le Premier ministre l'est beaucoup moins au sein d'un parlement dominé par deux grandes tendances: les communistes, hostiles aux réformes libérales qu'il a entamées, et les nombreux partis centristes. Ces derniers, fidèles au président, sont également, pour la plupart, sous la coupe d'une oligarchie financière puissante, liée à des groupes énergétiques russes ou à l'ancienne nomenklatura soviétique. C'est sur ces clans que Léonid Koutchma a assis son pouvoir. Selon un proche de Viktor Iouchtchenko, le chef de l'Etat, bien qu'ayant officiellement appelé à soutenir son Premier ministre, a appuyé, en coulisses, le vote de la motion de censure.

Depuis plusieurs mois, les deux hommes entretiennent des relations tendues. Le chef de l'Etat, épaulé par le grand voisin russe, n'apprécie guère la politique anti-corruption menée par le Premier ministre, tandis que celui-ci, réputé intègre et appuyé par les Occidentaux, voit d'un mauvais oeil la dérive autoritaire du président. De la petite ville de Slavoutitch, où il commémorait le 15ème anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, Léonid Koutchma a déclaré qu'il fallait «décider de toute urgence» de la nomination d'un nouveau cabinet. Viktor Iouchtchenko, quant à lui, n'exclut pas de passer à l'opposition au président. Il a annoncé qu'il se présenterait aux élections législatives du printemps 2002.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 26/04/2001