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Comores

Une gestion économique au jour le jour

A leur arrivée au pouvoir en 1999, les militaires s'étaient engagés à assainir les finances publiques. Au programme : redressement du budget de l'Etat, réorganisation de l'administration, restructuration des entreprises publiques, relance du dossier des privatisations et récupération de biens détournés appartenant à l'Etat. Des décisions qui n'ont concerné que la Grande Comore, dans la mesure où les autres îles se situaient dans la tourmente séparatiste.
La junte a commencé par réduire le train de vie des hautes autorités de l'Etat. A "près de 50%", déclare-t-on à la présidence, un chiffre largement contesté aujourd'hui par l'opposition. Le régime pense cependant avoir réduit le nombre de postes politiques. Ainsi, l'Assemblée nationale a été remplacé par un conseil d'Etat moins "budgétivore". Le Conseil des Ulémas et le Haut Conseil de la République n'existent plus. Le nombre des ambassadeurs itinérants a été réduit. Les salaires ministériels ont subi une coupe de près de 25%. Plusieurs agents de l'Etat auraient été rayés des fichiers, y compris des agents ayant bénéficié d'avantages "acquis abusivement", excepté dans les rangs de l'armée. Des décisions, suivis par toute une série d'autres actions spectaculaires, qui devaient permettre de résoudre notamment la question de l'irrégularité des salaires à partir de janvier 2000. Des économies ont certes été effectuées, reconnaissent certains observateurs locaux, mais le résultat se situe loin des promesses du gouvernement, d'autant plus qu'aucun chiffre ne fuse du ministère des Finances pour l'heure.

Des entreprises nationales bradées

Les arriérés de salaire, malgré toutes ces mesures, sont loin d'être résorbés entièrement. Des retards sont quand même enregistrés et les conditions de travail ne se sont guère améliorés depuis, d'où l'organisation d'une opération ville morte à la fin du mois de mars dernier par l'Union des Syndicats Autonomes des Travailleurs Comoriens (USATC). Une opération d'une journée qui aurait pu prendre une ampleur différente, si ses organisateurs avaient été en mesure de s'allier en cette période de réconciliation nationale avec les fonctionnaires anjouanais, qui eux, accusent dix mois d'arriérés de salaires. Du coup, la gestion des finances publiques par le régime est lourdement indexée. On parle ainsi de "la poudre aux yeux" des premiers jours et surtout on pointe du doigt la tendance affairiste qui s'est emparée de certains proches du pouvoir. C'est ainsi que l'on explique le non-aboutissement les opérations de restructuration des entreprises publiques par des arrangements en faveur des protégés de la junte. Les procédures engagées par l'Onicor, société nationale chargée de l'importation du riz, pour recouvrir ses impayés, n'ont par exemple concerné que sept personnes, sur la centaine de créanciers mis en cause. Du coup, le manque à gagner n'a jamais été rétabli (on avançait le chiffre de 800 millions de francs comoriens à l'époque). Autre cas pointé du doigt, les opérations de démolition des maisons de particuliers, construits illégalement sur des terrains appartenant à l'Etat. Plusieurs dizaines de maisons devaient subir le même sort. Dans la pratique, six seulement ont été touchés par cette décision finalement. Qu'en est-il des autres maisons? Le gouvernement ne s'est pas prononcé.

La vente du patrimoine national provoque elle aussi des polémiques. Deux affaires, sur lesquelles l'opinion publique espérait que le pouvoir se positionnerait de façon radicale, reviennent en permanence dans les débats. La première est relative à la vente de la compagnie nationale de l'eau et de l'électricité (EEDC), qui a été "bradée aux étrangers", aux dires de certains pour "une bouchée de pain". Déficitaire en 1996, cette société n'était plus en mesure, avec ses installations vétustes, de continuer sa mission. Le pays vécut donc dans l'obscurité totale durant près d'une année. En avril 1997, un contrat de concession de gestion est signé avec Vivendi, par l'intermédiaire de sa filiale (la SOGEA). Mais pour convaincre, l'Etat "apporte une dot", qui consiste en une aide matérielle en provenance de pays arabes et en un prêt de 60 millions de Francs contracté auprès de l'Agence Française de Développement (AFD). Quatre années après la signature du contrat, qui n'est pas une cession des actifs de la société, l'électricité vient toujours à manquer ("le rationnement d'électricité"). Les infrastructures défaillantes n'ont pas été remplacées et les clients se plaignent de la façon dont ils sont traités par le fournisseur. Alors que celui-ci se déclare déficitaire, à cause des branchements sauvages et de la hausse du gazole. Seconde affaire, c'est la cession exclusive de l'indicatif du pays à Comor-Tel, une société dont le capital réunit la Société Nationale des Télécommunications (SNPTà hauteur de 23%) et une société américaine d'investissement immobilier (EJR Investments). Sachant qu'il s'agit d'une première sur le plan international, l'opération selon l'opinion aurait dû respecter certaines procédures de mise en concurrence et non se dérouler "en catimini", selon Ismaël Saadi, un jeune analyste économique, ce qui aurait peut-être intéressé "l'actionnariat comorien". Point commun entre les deux affaires : des accords qui méritent, selon l'opinion, d'être reconsidérés au nom de la dignité nationale. Une opinion partagée à Anjouan et à Mohéli.



par Soeuf  Elbadawi

Article publié le 09/05/2001