Algérie
La surprenante résurrection des assemblées tribales de Kabylie
Tout le monde les tenait pour moribondes ou définitivement reléguées aux oubliettes : ces assemblées locales ou «djemaa» kabyles, dont chaque décennie annonçait le chant du cygne, ont connu une surprenante résurrection à la faveur des dernières émeutes qui ont secoué la région.
En révélant au grand jour la perte d'influence des partis politiques implantés localement (le Front des forces socialistes (FFS) de Hocine Ait-Ahmed et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) du Dr Said Saadi), les émeutes de Kabylie ont, du même coup, permis l'irruption de la «Djemaa» ou «Tadjemaat», sur la scène kabyle. Cette assemblée, composée généralement de notables et d'hommes du commun réputés pour leur sagesse, présidait aux destinées de la tribu (arch) et du village (thadarth) kabyles avant la colonisation. Structure fortement tribale s'appuyant sur le droit coutumier et la tradition orale, la djemaa a longtemps incarné, cependant, le modèle de «Démocratie kabyle» mis en exergue par les ethnologues et les sociologues et revendiqué comme héritage ancestral par les mouvements berbéristes.
Réduites à la portion congrue par les structures administratives mises en place durant la colonisation et après l'indépendance, les «Djemaa» semblaient vouées à la disparition. Avec des pouvoirs de plus en réduits, elles ont survécu essentiellement en initiant des actions en faveur de la collectivité dans les villages (chantiers d'intérêt commun, actions de solidarité). On les trouve encore très présentes dans les communautés kabyles exilées en France qui ont calqué leur modèle d'organisation sur celui de la «Djemaa» d'origine.
Un tournant dans l'histoire de la Kabylie
Le retour de ces «Djemaa», ou de leur forme d'organisation, au premier plan du mouvement de contestation marque un tournant dans l'histoire de la Kabylie et de ses relations avec le pouvoir central, selon la presse algérienne indépendante. Cette dernière a été présente en force lors de la première assemblée générale de coordination de ces «Djemaa» qui s'est tenue jeudi 11 mai 2001 à Beni Douala, en hommage au lycéen de la région tué par balles à l'intérieur d'un poste de gendarmerie le 24 avril 2001. Cette première réunion qui ambitionnait, au départ, de réunir les délégués des 1500 villages kabyles a du, en raison de divergences sur l'ordre du jour, se contenter de la présence de délégués de «comités de coordination» d'une vingtaine de dairas (sous-préfectures).
Réfutant les arguments de ceux qui les accusent de vouloir se constituer en alternative aux partis politiques et de discuter avec le pouvoir, les animateurs du mouvement réclament essentiellement le démantèlement des brigades de gendarmerie mises en cause dans la répression et la libération des manifestants encore détenus.
Une deuxième réunion de coordination regroupant l'ensemble des «Djemaa» est programmée pour ce jeudi 17 mai mais d'ores et déjà des comités de village se structurent au niveau de certaines communes pour s'installer dans la durée et redonner du souffle à la contestation. Le «Conseil confédéral» des Ait Iraten (ex Fort-National) a décidé que, jusqu'à la fin de l'année scolaire, les élèves porteraient un bandeau noir autour de la tête en signe de deuil. De plus, tous les samedis (premier jour de la semaine en Algérie), sera déclenché un concert de klaxons durant un quart d'heure avec retentissement des sirènes des écoles.
Dans une Kabylie aux divisions chroniques et proverbiales (comme l'atteste la sempiternelle rivalité FFS-RCD qui n'arrivent même pas à organiser une marche unitaire), ces efforts de coordination des «Djemaa», dont le précédent remonte à l'insurrection d'El-Mokrani en 1871, peuvent préfigurer des formes d'action politique plus radicales.
Réduites à la portion congrue par les structures administratives mises en place durant la colonisation et après l'indépendance, les «Djemaa» semblaient vouées à la disparition. Avec des pouvoirs de plus en réduits, elles ont survécu essentiellement en initiant des actions en faveur de la collectivité dans les villages (chantiers d'intérêt commun, actions de solidarité). On les trouve encore très présentes dans les communautés kabyles exilées en France qui ont calqué leur modèle d'organisation sur celui de la «Djemaa» d'origine.
Un tournant dans l'histoire de la Kabylie
Le retour de ces «Djemaa», ou de leur forme d'organisation, au premier plan du mouvement de contestation marque un tournant dans l'histoire de la Kabylie et de ses relations avec le pouvoir central, selon la presse algérienne indépendante. Cette dernière a été présente en force lors de la première assemblée générale de coordination de ces «Djemaa» qui s'est tenue jeudi 11 mai 2001 à Beni Douala, en hommage au lycéen de la région tué par balles à l'intérieur d'un poste de gendarmerie le 24 avril 2001. Cette première réunion qui ambitionnait, au départ, de réunir les délégués des 1500 villages kabyles a du, en raison de divergences sur l'ordre du jour, se contenter de la présence de délégués de «comités de coordination» d'une vingtaine de dairas (sous-préfectures).
Réfutant les arguments de ceux qui les accusent de vouloir se constituer en alternative aux partis politiques et de discuter avec le pouvoir, les animateurs du mouvement réclament essentiellement le démantèlement des brigades de gendarmerie mises en cause dans la répression et la libération des manifestants encore détenus.
Une deuxième réunion de coordination regroupant l'ensemble des «Djemaa» est programmée pour ce jeudi 17 mai mais d'ores et déjà des comités de village se structurent au niveau de certaines communes pour s'installer dans la durée et redonner du souffle à la contestation. Le «Conseil confédéral» des Ait Iraten (ex Fort-National) a décidé que, jusqu'à la fin de l'année scolaire, les élèves porteraient un bandeau noir autour de la tête en signe de deuil. De plus, tous les samedis (premier jour de la semaine en Algérie), sera déclenché un concert de klaxons durant un quart d'heure avec retentissement des sirènes des écoles.
Dans une Kabylie aux divisions chroniques et proverbiales (comme l'atteste la sempiternelle rivalité FFS-RCD qui n'arrivent même pas à organiser une marche unitaire), ces efforts de coordination des «Djemaa», dont le précédent remonte à l'insurrection d'El-Mokrani en 1871, peuvent préfigurer des formes d'action politique plus radicales.
par Sadek LEKDJA
Article publié le 14/05/2001