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Algérie

Menace sur la liberté de la presse

La presse algérienne risque de perdre sa liberté de ton. Le Parlement vient d'adopter des amendements qui durcissent les sanctions contre les médias. Les délits de presse peuvent «coûter» de 2 à 12 mois de prison.
Les amendements au code pénal votés mercredi dernier par le parlement algérien resserrent un peu plus l'étau autour de la presse indépendante en aggravant les peines prévues pour les délits de presse. Ces amendements, proposés par le ministre de la justice, Ahmed Ouyahia, et régulièrement dénoncés par la presse depuis qu'ils ont été soumis au parlement, ont été adoptés grâce aux voix des députés du FLN et du RND (Rassemblement national démocratique, dirigé par Ahmed Ouyahia). Les partis de, l'ancienne coalition gouvernementale comme le RCD (rassemblement pour la culture et la démocratie de Said Saadi) ou les islamistes du MSP (Mouvement pour une société de paix-Hamas) et de la Nahdha ont voté contre le projet. Le FFS (Front des forces socialistes d'Ait-Ahmed), qui s'est prononcé publiquement contre les nouveaux textes, boycotte les travaux de l'assemblée depuis plusieurs semaines.

Votés dans une atmosphère houleuse ponctuée par des échauffourées et des incidents de séance, les nouveaux articles prévoient des peines de deux mois à deux ans de prison assorties d'amendes de 10000 DA (1000FF) à 500000 DA (50000FF) pour les écrits considérés comme injurieux ou diffamatoires. Un article est spécialement consacré au délit d'atteinte au Président de la république a été introduit. Il dispose, et c'est une nouveauté, que le parquet entamera automatiquement les démarches de poursuites pénales en cas de délit d'insulte ou d'outrage au chef de l'Etat «par un écrit, un dessin, une déclaration ou par tout moyen de diffusion de son et d'image, ou support électronique, informatique ou autre».

Un coup de semonce pour Dilem l'irrévérencieux

Cette disposition qui a valu au projet son appellation d' «amendement Dilem», du nom du caricaturiste algérien le plus irrévérencieux et le plus caustique du moment, reflète vraisemblablement la mauvaise humeur du cercle présidentiel, régulièrement ciblé par le dessinateur du quotidien Liberté. Ce coup de semonce à destination du quotidien, proche du RCD et propriété de l'industriel kabyle Issad Rebrab, est également lourd de menaces pour les autres éditeurs qui encourent des amendes pouvant aller jusqu'à 2 500 000 DA (250 000FF), en plus des suspensions qui frappent régulièrement certains titres.

Outre cet arsenal juridique et répressif, les autorités disposent d'autres moyens de pression comme les rotatives détenues par les sociétés d'impression, propriété de l'Etat. Ces sociétés tiennent toujours une épée de Damoclès suspendue au dessus de la tête des éditeurs. Elles peuvent, comme elles l'ont fait déjà, refuser d'imprimer un journal pour le moindre arriéré de paiement, ce qui est le cas de la majorité des titres indépendants.

Les journalistes qui ont organisé un sit-in le mois dernier devant le siège du parlement pour protester contre le projet d'amendement ont beau jeu de dénoncer ce «coup bas» porté à la presse indépendante et à la liberté d'expression, en général. Les quotidiens ont estimé, au lendemain du vote de la loi, que «Bouteflika a assassiné les libertés» et ont montré du doigt le FLN et le RND qui «ont imposé leur code pénal» et se sont comportés comme «les fossoyeurs de la démocratie». Pour cet avocat, spécialisé dans les délits de presse, les nouvelles dispositions s'ajoutent à «un arsenal très répressif » contenu dans la loi sur l'information. «Le texte vient donc renforcer cet arsenal et procède d'une volonté délibérée de contenir les libertés et les droits fondamentaux en Algérie».




par Sadek  LEKDJA

Article publié le 18/05/2001