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Ouganda

Museveni, président omnipotent

Marquées par la présence de l'armée autour de certains bureaux de vote et par un faible taux de participation, ces élections parlementaires ont confirmé la mainmise quasi-absolue du président Museveni sur la vie politique ougandaise. Yoweri Museveni a lui-même participé à la campagne électorale, soutenant les candidats de son mouvement, le Mouvement de Résistance Nationale.
De notre correspondant en Ouganda

Peu d'électeurs se sont rendus aux urnes. Ces nouvelles élections parlementaires, les secondes depuis la prise de pouvoir de Yoweri Museveni, en 1986, auront paru sans grands enjeux. Elles interviennent après une élection présidentielle, en mars dernier, marquée par de nombreux cas de tricheries et de violences, où le président sortant, avait obtenu près de 70% des suffrages.

Cette fois encore, la violence a endeuillé le scrutin. Au moins 8 personnes ont été tuées durant l'exercice électoral, quelque 150 personnes ont été arrêtées et 12 armes à feu confisquées par la police. De hautes personnalités politiques ont été directement impliquées dans ces violences. Ainsi de Vincent Nyanzi, le ministre de la Condition féminine, de la Jeunesse et de la Culture, dont le garde du corps a tiré sur les occupants d'un véhicule avec lequel il venait d'avoir un accident, faisant un blessé.

Lors d'un second incident, un ancien ministre des Eaux, Othieno Akika, a été arrêté après avoir tiré sur un homme à l'issue d'une altercation. Othieno Akika avait perdu son poste de ministre il y a deux ans pour avoir tabassé un policier.

Mais l'incident le plus meurtrier a eu lieu dans le district de Mbale, dans l'Est du pays, peu avant la fermeture des bureaux de vote. Il implique le représentant du Gouvernement et candidat parlementaire, Simon Mulongo. Son garde du corps a été lynché par la foule après qu'il ait tiré sur un rival de Mulongo. Quatre autres personnes sont mortes durant les affrontements et une dizaine ont été blessées.

Ces incidents témoignent de l'âpreté du combat politique au sein du mouvement au pouvoir, dans un pays où les partis politiques sont exclus. Quelque 800 candidats ont fait campagne pour les 214 sièges du prochain parlement accessibles par le suffrage direct; 78 autres députés avaient déjà été élus lors d'élections indirectes. Il s'agit des représentants de l'armée, qui, en Ouganda constituent un groupe à part, ainsi que des femmes, des jeunes, des handicapés et des travailleurs.
Le président Museveni a fait personnellement campagne pour les candidats du Mouvement de Résistance Nationale au pouvoir. Dans bien des cas ces derniers ont pu bénéficier des fonds du «Mouvement», lui-même financé par l'Etat. Les autres candidats ont dû se débrouiller seuls, les partis politiques en Ouganda n'ayant pas le droit de participer aux élections.

Le parlement entre les mains de l'exécutif

Les résultats ont été sans grande surprise : le prochain parlement comme le dernier sera entre les mains de l'exécutif. Le Mouvement de résistance nationale au pouvoir y obtient une majorité absolue. Mais cette victoire doit être nuancée. Plus de 50 députés parmi lesquels une dizaine de ministres ont perdu leur siège et les opposants du système en place sont deux fois plus nombreux que dans le dernier parlement : les partisans d'un retour au multipartisme n'étaient que 14, ils seront 34 sur 292 dans le prochain parlement. La plupart ont été élus à Kampala ou au Nord du pays. En effet, pour contrer les rebelles de l'Armée de résistance du Seigneur, le gouvernement a déployé l'armée dans le Nord où elle a poussé la majorité des populations dans des camps de déplacés. Elles y sombrent dans l'alcoolisme, désertent l'école et sont soumises à de fréquentes agressions sexuelles, selon un rapport des Nations Unies.

C'est également dans cette région qu'est passée l'épidémie d'Ebola, l'année dernière, qui a fait environ 150 victimes. Selon une étude, la guerre et le sida ont transformé un enfant sur six en orphelins. Quant aux habitants de la capitale, ils sont confrontés de plein fouet aux politiques d'ajustement structurel préconisées par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Le chômage y est devenu endémique.

La nouvelle opposition à l'assemblée reste cependant très marginale. Le prochain parlement, tout comme le dernier, devrait essentiellement faire figure de chambre d'enregistrement des décisions prises par l'exécutif. Ces dernières porteront, encore une fois, sur l'application des programmes du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, et en particulier leurs programmes de lutte contre la pauvreté. Car, si la marge de man£uvre du président Museveni demeure très large sur la scène politique ougandaise, elle l'est bien moins vis à vis de ses bailleurs de fonds qui financent, après tout, plus de la moitié du budget de l'Etat.



par Gabriel  Kahn

Article publié le 29/06/2001