Développement
René <i>«je-l'avais-bien-dit»</i> Dumont est mort
René Dumont, agronome, tiers-mondiste, écologiste, est mort à l'âge de 97 ans. Depuis les années 30 il n'a cessé de dénoncer le mal-développement, attribuant les responsabilités tant aux pays industrialisés et anciennement colonisateurs qu'aux hommes politiques des pays devenus indépendants. Certains saluent le «visionnaire», d'autres le «Prophète de mauvaise augure». Il reste que beaucoup de ses mises en garde sont devenues des problèmes d'actualité brûlante.
Celui que l'on appelle parfois, dans la presse africaine, René «je-l'avais-bien-dit» pour ses sombres prédictions largement réalisées, vient de quitter cette terre dont il dénonçait le réchauffement et l'appauvrissement. Au cours de sa longue vie, il est progressivement devenu l'agronome de la famine, un théoricien du développement durable dans les pays du sud, le père de l'écologie politique en France. La révolution agricole, la bombe à retardement démographique, la place des femmes dans le processus de développement économique et social, le réchauffement de la planète et la désertification : autant de thèmes novateurs lancés par René Dumont il y a quelques décennies, devenus dominants dans les discours et les préoccupations.
L'intérêt de René Dumont pour le développement ne date pas d'hier. En 1935 il publiait «La culture du riz dans le delta du Tonkin», réédité en 1996 pour l'intérêt qu'il présente encore dans ses analyses. Mais le livre qui l'a fait connaître «L'Afrique noire est mal partie», en 1962, n'est pas l'£uvre seulement d'un agronome soucieux de développement agricole. Pacifiste, (il a signé le Manifeste des 121 appelant à la désertion pendant la guerre d'Algérie), anticolonialiste, il n'en affirme pas moins que «l'indépendance n'est pas toujours la décolonisation » et pose la question : «L'Afrique cliente de l'Europe ou se développant pour elle-même ?». Il dénonce l'imitation servile des institutions politiques et éducatives de l'ex-colonisateur et estime que pour se développer «l'Afrique doit repenser son école, ses cadres, sa structure...et se mettre au travail». Ouvrant la voie à un autre livre-choc en 1991 «Démocratie pour l'Afrique», René Dumont disait, dès les années 60, «Socialisme et démocratie exigent plus de moralité que capitalisme et fascisme».
Interdépendance Nord-Sud
Conseiller des «princes» des pays ayant accédé à l'indépendance, Ben Bella, Bourguiba, Senghor, Nyerere, René Dumont n'est guère écouté quand il plaide pour un développement agricole centré sur les besoins des populations, avant les cultures d'exportation et les investissements de prestige. On dit que le président sénégalais Senghor a regretté, au moment où il quittait le pouvoir, de ne pas avoir suivi ses avis. En 1997, alors que le Sommet mondial de l'alimentation venait de recenser 900 millions de sous-alimentés dans le monde, René Dumont estimait que les grands responsables de l'échec à nourrir la population de la terre, notamment en Afrique, étaient, d'abord, les pays développés. Mais il ajoutait aussitôt que les gouvernements africains avaient leur part.
L'interdépendance entre pays du nord et du sud est devenue le combat de la dernière partie de sa vie. Dès 1993 il soutient que l'effet de serre et le réchauffement de la planète sont directement à l'origine de la famine en Somalie. Il prédisait une multiplication des guerres pour l'accès à l'eau devenue l'or bleu, plus précieuse que l'or noir lui-même. L'épuisement des ressources naturelles, l'eau, la terre, le bois, les espèces végétales et animales touchent, au premier chef, les plus pauvres dans les pays les plus pauvres. D'où son engagement dans l'écologie politique qui le poussa à se présenter en 1974 à l'élection présidentielle en France. Il était encore une fois en avance car à cette époque l'écologie n'était pas un passage obligé des discours électoraux des candidats de tous bords. D'ailleurs, il n'avait obtenu que 1,32% des suffrages.
L'intérêt de René Dumont pour le développement ne date pas d'hier. En 1935 il publiait «La culture du riz dans le delta du Tonkin», réédité en 1996 pour l'intérêt qu'il présente encore dans ses analyses. Mais le livre qui l'a fait connaître «L'Afrique noire est mal partie», en 1962, n'est pas l'£uvre seulement d'un agronome soucieux de développement agricole. Pacifiste, (il a signé le Manifeste des 121 appelant à la désertion pendant la guerre d'Algérie), anticolonialiste, il n'en affirme pas moins que «l'indépendance n'est pas toujours la décolonisation » et pose la question : «L'Afrique cliente de l'Europe ou se développant pour elle-même ?». Il dénonce l'imitation servile des institutions politiques et éducatives de l'ex-colonisateur et estime que pour se développer «l'Afrique doit repenser son école, ses cadres, sa structure...et se mettre au travail». Ouvrant la voie à un autre livre-choc en 1991 «Démocratie pour l'Afrique», René Dumont disait, dès les années 60, «Socialisme et démocratie exigent plus de moralité que capitalisme et fascisme».
Interdépendance Nord-Sud
Conseiller des «princes» des pays ayant accédé à l'indépendance, Ben Bella, Bourguiba, Senghor, Nyerere, René Dumont n'est guère écouté quand il plaide pour un développement agricole centré sur les besoins des populations, avant les cultures d'exportation et les investissements de prestige. On dit que le président sénégalais Senghor a regretté, au moment où il quittait le pouvoir, de ne pas avoir suivi ses avis. En 1997, alors que le Sommet mondial de l'alimentation venait de recenser 900 millions de sous-alimentés dans le monde, René Dumont estimait que les grands responsables de l'échec à nourrir la population de la terre, notamment en Afrique, étaient, d'abord, les pays développés. Mais il ajoutait aussitôt que les gouvernements africains avaient leur part.
L'interdépendance entre pays du nord et du sud est devenue le combat de la dernière partie de sa vie. Dès 1993 il soutient que l'effet de serre et le réchauffement de la planète sont directement à l'origine de la famine en Somalie. Il prédisait une multiplication des guerres pour l'accès à l'eau devenue l'or bleu, plus précieuse que l'or noir lui-même. L'épuisement des ressources naturelles, l'eau, la terre, le bois, les espèces végétales et animales touchent, au premier chef, les plus pauvres dans les pays les plus pauvres. D'où son engagement dans l'écologie politique qui le poussa à se présenter en 1974 à l'élection présidentielle en France. Il était encore une fois en avance car à cette époque l'écologie n'était pas un passage obligé des discours électoraux des candidats de tous bords. D'ailleurs, il n'avait obtenu que 1,32% des suffrages.
par Francine Quentin
Article publié le 19/06/2001