Algérie
Face à face de tous les dangers
En dépit de l'interdiction décidée par le pouvoir, la coordination des comités de village de Kabylie appelle à une nouvelle manifestation ce jeudi à Alger. Les organisateurs veulent se rendre devant la présidence, ce que les autorités feront tout pour empêcher.
De notre correspondant en Algérie
Cinq à sept mille délégués de la coordination des archs et comités de village, représentants sept wilayas (départements) principalement de Kabylie, sont décidés à manifester ce jeudi à Alger, malgré la ferme interdiction du chef du gouvernement Ali Benflis (FLN) et de son ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni (sans étiquette).
Ils entendent se rendre à la présidence de la république pour y remettre une plate-forme de revendications en 15 points. Pour l'essentiel, ils réclament la satisfaction de doléances socio-économiques et démocratiques, le départ des brigades de gendarmerie et la reconnaissance immédiate de tamazight, langue nationale et officielle. C'est cette même liste revendicative qu'ils voulaient transmettre au président Bouteflika lors de la marche d'Alger du 14 juin dernier qui a tragiquement avorté.
Les représentants de ce mouvement d'essence populaire veulent mettre le premier magistrat du pays devant ses responsabilités. «Nous savons que ni M.Benflis, ni son gouvernement n'ont autorité pour trancher», affirme Saïd A., un de ses animateurs. Forte du soutien de la population, la coordination interwilayas a durci le ton. «Si notre plate-forme de revendication ne trouve aucune satisfaction après notre action du 5 juillet 2001, le pouvoir assumera seul les conséquences qui en découleront», indique-t-elle dans une déclaration rendue vendredi 29 juin dernier. Elle proclame aussi son engagement «à redoubler de fermeté de fermeté» dans ses futures actions «qui seront de plus grande envergure et sur tout le territoire national».
Les manifestants ne doivent pas approcher la présidence
Cette menace ne paraît pas inquiéter le gouvernement. Sa priorité est de ne pas permettre à la protestation d'approcher, même symboliquement, la présidence de la république. Le contraire anéantirait sa marge de man£uvre. Il constituerait surtout un précédent qui ouvrirait la voie à d'autres courants politiques ouvertement hostiles au régime. Aussi, en cas de manifestation, le gouvernement est décidé, sans état d'âme, à appliquer la loi. Autrement dit, il l'empêchera en recourant si nécessaire à la force publique. En même temps, il réitère son entière disponibilité «à recevoir toute délégation de citoyens susceptible d'exprimer des préoccupations légitimes». Ce faisant, il feint d'ignorer que les contestataires ne lui reconnaissent pas un statut d'interlocuteur valable. La situation est bloquée. Chacun campe sur sa position tandis que le président Bouteflika semble tabler sur l'essoufflement de ce mouvement inédit enclenché le 22 avril dernier.
Le seul engagement qu'il a pris lors de sa récente visite dans le grand Sud algérien, est d'intégrer la dimension linguistique et identitaire de tamazight dans la prochaine révision constitutionnelle. Cela demeure en deçà de la revendication maximaliste des contestataires qui se résume à «tout et tout de suite».
Ne parlons pas du retrait des brigades de gendarmerie qu'aucun responsable de l'Etat n'est prêt à concéder. «Cela n'est pas envisageable», a souligné le colonel Hellab, chargé de la communication au commandement de ce corps d'armée. Il a indiqué que des sanctions administratives et pénales ont été prises à l'encontre des gendarmes qui ont commis des «dépassements». Il a précisé que les effectifs en Kabylie «ont été changés à presque 100%». Mais tous ces gages de la bonne foi des autorités n'ont pas convaincu les contestataires. En fait, il n'y a plus de relation de confiance entre la population et le pouvoir. Dernièrement, le wali (préfet) de Bejaia a voulu transmettre un message officiel lors d'une réunion de délégués de ce mouvement, il a été éconduit. Des émissaires du gouvernement et de la présidence de la république, notamment le colonel Rachid Aïssat conseiller du président, n'ont pu nouer le contact.
Pourtant, à coups de millions de dinars, Rachid Aïssat, originaire de Petite Kabylie, avait monté l'an dernier l'Association citoyenne de Tizi Ouzou et de Bejaia, mais son réseau relationnel a été vraisemblablement emporté par la lame de fond protestataire. En tout cas, il n'a pas été gagné aux vues du président Bouteflika. Face au radicalisme du mouvement et à l'absence totale de passerelles, le président algérien est déterminé à ne faire aucune concession qui soit «contraire à la constitution et aux lois». Il est soutenu par tous les appareils d'Etat dont le gouvernement de coalition (FLN, RND, MSP, MN) alors que la majorité de la population observe, passive, ce nouvel épisode de la crise algérienne.
Il ne reste aux autorités que la répression tout en misant sur l'isolement du mouvement et à terme, sur son usure. Après deux semaines de calme, cette situation de blocage complet risque fort de déboucher sur un nouveau face à face sanglant.
Cinq à sept mille délégués de la coordination des archs et comités de village, représentants sept wilayas (départements) principalement de Kabylie, sont décidés à manifester ce jeudi à Alger, malgré la ferme interdiction du chef du gouvernement Ali Benflis (FLN) et de son ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni (sans étiquette).
Ils entendent se rendre à la présidence de la république pour y remettre une plate-forme de revendications en 15 points. Pour l'essentiel, ils réclament la satisfaction de doléances socio-économiques et démocratiques, le départ des brigades de gendarmerie et la reconnaissance immédiate de tamazight, langue nationale et officielle. C'est cette même liste revendicative qu'ils voulaient transmettre au président Bouteflika lors de la marche d'Alger du 14 juin dernier qui a tragiquement avorté.
Les représentants de ce mouvement d'essence populaire veulent mettre le premier magistrat du pays devant ses responsabilités. «Nous savons que ni M.Benflis, ni son gouvernement n'ont autorité pour trancher», affirme Saïd A., un de ses animateurs. Forte du soutien de la population, la coordination interwilayas a durci le ton. «Si notre plate-forme de revendication ne trouve aucune satisfaction après notre action du 5 juillet 2001, le pouvoir assumera seul les conséquences qui en découleront», indique-t-elle dans une déclaration rendue vendredi 29 juin dernier. Elle proclame aussi son engagement «à redoubler de fermeté de fermeté» dans ses futures actions «qui seront de plus grande envergure et sur tout le territoire national».
Les manifestants ne doivent pas approcher la présidence
Cette menace ne paraît pas inquiéter le gouvernement. Sa priorité est de ne pas permettre à la protestation d'approcher, même symboliquement, la présidence de la république. Le contraire anéantirait sa marge de man£uvre. Il constituerait surtout un précédent qui ouvrirait la voie à d'autres courants politiques ouvertement hostiles au régime. Aussi, en cas de manifestation, le gouvernement est décidé, sans état d'âme, à appliquer la loi. Autrement dit, il l'empêchera en recourant si nécessaire à la force publique. En même temps, il réitère son entière disponibilité «à recevoir toute délégation de citoyens susceptible d'exprimer des préoccupations légitimes». Ce faisant, il feint d'ignorer que les contestataires ne lui reconnaissent pas un statut d'interlocuteur valable. La situation est bloquée. Chacun campe sur sa position tandis que le président Bouteflika semble tabler sur l'essoufflement de ce mouvement inédit enclenché le 22 avril dernier.
Le seul engagement qu'il a pris lors de sa récente visite dans le grand Sud algérien, est d'intégrer la dimension linguistique et identitaire de tamazight dans la prochaine révision constitutionnelle. Cela demeure en deçà de la revendication maximaliste des contestataires qui se résume à «tout et tout de suite».
Ne parlons pas du retrait des brigades de gendarmerie qu'aucun responsable de l'Etat n'est prêt à concéder. «Cela n'est pas envisageable», a souligné le colonel Hellab, chargé de la communication au commandement de ce corps d'armée. Il a indiqué que des sanctions administratives et pénales ont été prises à l'encontre des gendarmes qui ont commis des «dépassements». Il a précisé que les effectifs en Kabylie «ont été changés à presque 100%». Mais tous ces gages de la bonne foi des autorités n'ont pas convaincu les contestataires. En fait, il n'y a plus de relation de confiance entre la population et le pouvoir. Dernièrement, le wali (préfet) de Bejaia a voulu transmettre un message officiel lors d'une réunion de délégués de ce mouvement, il a été éconduit. Des émissaires du gouvernement et de la présidence de la république, notamment le colonel Rachid Aïssat conseiller du président, n'ont pu nouer le contact.
Pourtant, à coups de millions de dinars, Rachid Aïssat, originaire de Petite Kabylie, avait monté l'an dernier l'Association citoyenne de Tizi Ouzou et de Bejaia, mais son réseau relationnel a été vraisemblablement emporté par la lame de fond protestataire. En tout cas, il n'a pas été gagné aux vues du président Bouteflika. Face au radicalisme du mouvement et à l'absence totale de passerelles, le président algérien est déterminé à ne faire aucune concession qui soit «contraire à la constitution et aux lois». Il est soutenu par tous les appareils d'Etat dont le gouvernement de coalition (FLN, RND, MSP, MN) alors que la majorité de la population observe, passive, ce nouvel épisode de la crise algérienne.
Il ne reste aux autorités que la répression tout en misant sur l'isolement du mouvement et à terme, sur son usure. Après deux semaines de calme, cette situation de blocage complet risque fort de déboucher sur un nouveau face à face sanglant.
par Belkacem Kolli
Article publié le 04/07/2001