Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Algérie

Emeutes pour un toit

Les émeutes et affrontements à caractère politique qui secouent la Kabylie et plusieurs communes de l'est algérien ont permis à plusieurs centaines de sans-logis de faire irruption sur la scène de la protestation avec un objectif : se loger.
Ils sont apparus sept semaines après le début de cette sanglante agitation. Profitant de la confusion créé par les émeutes et surtout de l'absence de l'autorité publique, les sans-logis ont squatté plusieurs centaines de logements construits par l'Etat. A Bouira, chef lieu de wilaya à quatre vingt kilomètres à l'est d'Alger, plusieurs dizaines d'appartements ont été occupé la nuit. «Vers 23 h, ils sont venus par petits groupes. Ils ont commencé par fracturer les entrées principales des immeubles vides. Puis, leurs familles sont venus et ils ont commencé à ramener de la literie et leurs affaires. On a compris qu'ils s'installaient lorsqu'on a vu la lueur des bougies à l'intérieur des chambres car les branchements d'électricité ne sont pas encore faits», raconte un témoin. En quelques heures, cette nouvelle cité était peuplée. «Mais, tous les appartements n'ont pas été occupés. Des pillards sont passés, ils ont pris les portes, les lavabos, les installations électriquesà Je crois que ceux-la n'ont pas de problème de logement», raconte un autre habitant de la ville.

En effet, les pillards en ont profité à Bouira et ailleurs, mais la majorité de ces squatters étaient en attente d'attribution d'un logement social. Ou bien ils n'espéraient rien des pouvoirs publics et vivaient dans les nombreux bidonvilles qui ceinturent plusieurs grandes agglomérations algériennes. Lassés de vivre dans de mauvaises conditions et désespérés, ces familles démunies, ou aux revenus bas, ont tenté également leur chance dans la région des Aurès à Khenchela, El Mahmel, Aïn M'lila ainsi qu'à Bejaia et Tazmalt en Petite Kabylie.

La population aide les squatters à s'installer

A Tazmalt, les appartements sociaux occupés étaient en attente d'attribution par la mairie. Fait inédit, la population a aidé les squatters à s'installer. «Les gens savent que ce sont des nécessiteux et que les élus locaux ne leur auraient rien donné. Nous, nous savons qui est dans le besoin.», affirme un vieil habitant de cette sous préfecture située à l'entrée de la vallée de la Soummam sur la route de Bejaia. Et la loi ? «Lorsque les élus locaux rendront des comptes, nous la respecteront», rétorque cet homme sur un ton déterminé.

Si à Tazmalt, rien pour l'instant n'est venu contrarier cette justice sociale expéditive, à Khenchela la gendarmerie a évacué les indus occupants. Sans aucun ménagement, elle a fait place nette. Admonestations, interpellations, meubles et effets personnels jetés par les fenêtres, la force publique y a rétabli l'autorité de l'Etat. Et après ? La demande en habitat social est très forte. Elle tourne autour d'un million d'unités tandis que l'Etat construit, bon an mal an, 50 000 logements.

En même temps, indépendamment du taux de la démographie ( 1,8% en 2000), tous les sans logis n'ont pas les moyens financiers d'accéder à ce type d'habitat à loyer modéré. C'est un véritable casse tête chinois, lorsque l'on sait aussi que ces logements sociaux sont souvent détournés par la nomenklatura pour loger leurs proches ou simplement pour les revendre.

Pour essayer de mettre un terme à cette situation, qui profite aux rentiers de l'immobilier comme les appelle la presse indépendante algérienne, le précédent gouvernement dirigé par Ahmed Benbitour a proposé l'an dernier un projet de loi. «L'Etat a le devoir d'aider ceux qui ne peuvent accéder au logement du fait de la faiblesse de leurs revenus. L'Etat doit s'organiser pour déterminer avec le maximum de précision qui est éligible au logement social et veiller à ce qu'il y accède effectivement, et enfin l'Etat doit sanctionner tout détournement du logement social de sa vocation ou de sa destination», soulignait l'exposé des motifs. Son texte n'a pas franchi l'étape de la chambre basse du parlement dominé par les députés du Front de Libération Nationale (FLN) et du Rassemblement National Démocratique (RND).



par Belkacem  Kolli

Article publié le 21/06/2001