Europe-États-Unis
Les Européens jugent sévèrement George W. Bush
Selon un sondage réalisé par l'International Herald Tribune dans quatre puissances européennes, les Européens désapprouvent massivement les choix du président américain.
Le premier sondage réalisé en Europe à propos du président américain George Bush est largement négatif pour ce dernier: une large majorité des quelque quatre mille personnes interrogées simultanément en Allemagne, en France, en Italie et au Royaume-Uni pour le compte du quotidien International Herald Tribune désapprouvent la politique étrangère menée par le nouveau président américain (de 46% en Italie à 65% en Allemagne). Entre 53 et 75% d'entre elles estiment qu'il est le président américain dont la compréhension de l'Europe est la plus mauvaise, et les trois quarts qu'il ne se préoccupe que des intérêts américains.
Ces chiffres sont d'autant plus mauvais comparés au jugement des Européens sur la politique de la précédente administration Clinton, soutenue par près des trois quarts des sondés. Enfin, les Européens accordent sensiblement le même confiance à Bush qu'à son homologue russe Vladimir Poutine pour la conduite des affaires mondiales.
Parmi les grandes décisions et orientations adoptées par George Bush depuis son arrivée à la Maison Blanche, c'est le rejet du protocole de Kyoto sur les gaz à effet de serre qui est le plus vivement contesté par les Européens (à plus de 80%). Le projet de bouclier antimissile, en contradiction avec le traité ABM de 1972, est dénoncé par 65% des Anglais et des Italiens interrogés, 75% des Français et 83% des Allemands, historiquement très sensibles à la question du contrôle des armements. Enfin, les positions du président américain en faveur de la peine de mort sont elles aussi loin de faire l'unanimité : elles sont désapprouvées à 70%, sauf au Royaume-Uni où une petite majorité des personnes sondées les soutient. En revanche, les Européens semblent satisfaits de la décision de George W. Bush de maintenir les troupes américaines stationnées en Bosnie et au Kosovo et de sa politique en faveur du libre-échange dans le monde.
L'Europe peut maintenant s'émanciper de la tutelle américaine
Pour l'éditorialiste de l'International Herald Tribune Andrew Johnston, les résultats de ce sondage éclairent le débat sur la nature des relations entre l'Europe et les Etats-Unis, au moment où l'administration Bush fait de plus en plus cavalier seul sur un certain nombre de questions internationales. Selon Johnston, deux écoles de pensée divergentes s'expriment : pour la première, la «crise» entre l'Europe et les Etats-Unis n'est dans une large mesure qu'un mythe construit par les élites. Selon elle, «on exagère souvent le fossé qui les séparerait sur bien des problèmes tels que les OGM, la peine de mort ou le déferlement de la culture populaire américaine». Pour la seconde chapelle, la fin de la Guerre froide, l'évolution européenne et la mondialisation ont changé la donne: «Pour la première fois depuis 1947, un découplage des Etats-Unis et de l'Europe est envisageable», estime ainsi Dominique Moisi, directeur adjoint de l'Institut français des relations internationales (IFRI).
Après la deuxième guerre mondiale, les Etats-Unis avaient renoncé à leur politique isolationniste : avec le plan Marshall, Washington avait aidé à la reconstruction de l'Europe et largement contribué à la mise sur pied de l'ONU ; bien plus, les Etats-Unis s'étaient imposés à la tête de l'Alliance atlantique face à la menace russe. Mais avec l'effondrement de la menace communiste, les Européens sont aujourd'hui libres de s'émanciper de la tutelle américaine. «Se distinguer des Etats-Unis est l'un des moyens de définir une identité européenne», souligne Dominique Moisi.
Conscients du déséquilibre de leur partenariat avec les Etats-Unis qu'ils jugent obsédés par les «Etats voyous» et les armes de destruction de masse, ils comptent de plus en plus sur la diplomatie et la négociation pour assurer l'avenir de la planète mais aussi défendre leurs propres intérêts économiques. Dans ce contexte, le rejet de Washington du protocole de Kyoto a cristallisé le ressentiment contre les Etats-Unis, perçus comme arrogants et totalement indifférents à certains grands problèmes. Pire, selon un professeur de politique internationale à l'Université de Columbia, les Etats-Unis apparaissent aujourd'hui aux yeux de nombreux pays comme «le premier des Etats voyous».
«S'il est bien une inquiétude que partagent les analystes, conclut Andrew Johnston, c'est que le partenariat transatlantique repose sur les épaules d'un homme qui gère assez maladroitement son passage du poste de gouverneur du Texas à celui d'homme le plus puissant du monde». En revanche, les commentateurs ne croient pas, en l'état, à une volonté des Américains de tourner le dos aux Européens. Même si la menace existe : pour Thomas Friedman, l'éditorialiste du New York Times chargé de la politique internationale : «La principale menace aujourd'hui n'est pas l'anti-américanisme des Européens mais l'anti-américanisme des Américains eux-mêmes. Le danger serait que les Etats-Unis se refusent à jouer plus longtemps aux Etats-Unis, c'est à dire le rôle d'une super-puissance qui paye un prix disproportionné pour maintenir un système dont elle est la principale bénéficiaire».
[Sondage effectué pour l'International Herald Tribune entre le 2 et le 9 août 2001 en coopération avec le Conseil américain des affaires étrangères par le Pew Research Center auprès de 967 personnes en France, 944 en Allemagne, 1 000 en Italie et 1 000 au Royaume-Uni, tous majeurs et sélectionnés selon la méthode des quotas.]
Ces chiffres sont d'autant plus mauvais comparés au jugement des Européens sur la politique de la précédente administration Clinton, soutenue par près des trois quarts des sondés. Enfin, les Européens accordent sensiblement le même confiance à Bush qu'à son homologue russe Vladimir Poutine pour la conduite des affaires mondiales.
Parmi les grandes décisions et orientations adoptées par George Bush depuis son arrivée à la Maison Blanche, c'est le rejet du protocole de Kyoto sur les gaz à effet de serre qui est le plus vivement contesté par les Européens (à plus de 80%). Le projet de bouclier antimissile, en contradiction avec le traité ABM de 1972, est dénoncé par 65% des Anglais et des Italiens interrogés, 75% des Français et 83% des Allemands, historiquement très sensibles à la question du contrôle des armements. Enfin, les positions du président américain en faveur de la peine de mort sont elles aussi loin de faire l'unanimité : elles sont désapprouvées à 70%, sauf au Royaume-Uni où une petite majorité des personnes sondées les soutient. En revanche, les Européens semblent satisfaits de la décision de George W. Bush de maintenir les troupes américaines stationnées en Bosnie et au Kosovo et de sa politique en faveur du libre-échange dans le monde.
L'Europe peut maintenant s'émanciper de la tutelle américaine
Pour l'éditorialiste de l'International Herald Tribune Andrew Johnston, les résultats de ce sondage éclairent le débat sur la nature des relations entre l'Europe et les Etats-Unis, au moment où l'administration Bush fait de plus en plus cavalier seul sur un certain nombre de questions internationales. Selon Johnston, deux écoles de pensée divergentes s'expriment : pour la première, la «crise» entre l'Europe et les Etats-Unis n'est dans une large mesure qu'un mythe construit par les élites. Selon elle, «on exagère souvent le fossé qui les séparerait sur bien des problèmes tels que les OGM, la peine de mort ou le déferlement de la culture populaire américaine». Pour la seconde chapelle, la fin de la Guerre froide, l'évolution européenne et la mondialisation ont changé la donne: «Pour la première fois depuis 1947, un découplage des Etats-Unis et de l'Europe est envisageable», estime ainsi Dominique Moisi, directeur adjoint de l'Institut français des relations internationales (IFRI).
Après la deuxième guerre mondiale, les Etats-Unis avaient renoncé à leur politique isolationniste : avec le plan Marshall, Washington avait aidé à la reconstruction de l'Europe et largement contribué à la mise sur pied de l'ONU ; bien plus, les Etats-Unis s'étaient imposés à la tête de l'Alliance atlantique face à la menace russe. Mais avec l'effondrement de la menace communiste, les Européens sont aujourd'hui libres de s'émanciper de la tutelle américaine. «Se distinguer des Etats-Unis est l'un des moyens de définir une identité européenne», souligne Dominique Moisi.
Conscients du déséquilibre de leur partenariat avec les Etats-Unis qu'ils jugent obsédés par les «Etats voyous» et les armes de destruction de masse, ils comptent de plus en plus sur la diplomatie et la négociation pour assurer l'avenir de la planète mais aussi défendre leurs propres intérêts économiques. Dans ce contexte, le rejet de Washington du protocole de Kyoto a cristallisé le ressentiment contre les Etats-Unis, perçus comme arrogants et totalement indifférents à certains grands problèmes. Pire, selon un professeur de politique internationale à l'Université de Columbia, les Etats-Unis apparaissent aujourd'hui aux yeux de nombreux pays comme «le premier des Etats voyous».
«S'il est bien une inquiétude que partagent les analystes, conclut Andrew Johnston, c'est que le partenariat transatlantique repose sur les épaules d'un homme qui gère assez maladroitement son passage du poste de gouverneur du Texas à celui d'homme le plus puissant du monde». En revanche, les commentateurs ne croient pas, en l'état, à une volonté des Américains de tourner le dos aux Européens. Même si la menace existe : pour Thomas Friedman, l'éditorialiste du New York Times chargé de la politique internationale : «La principale menace aujourd'hui n'est pas l'anti-américanisme des Européens mais l'anti-américanisme des Américains eux-mêmes. Le danger serait que les Etats-Unis se refusent à jouer plus longtemps aux Etats-Unis, c'est à dire le rôle d'une super-puissance qui paye un prix disproportionné pour maintenir un système dont elle est la principale bénéficiaire».
[Sondage effectué pour l'International Herald Tribune entre le 2 et le 9 août 2001 en coopération avec le Conseil américain des affaires étrangères par le Pew Research Center auprès de 967 personnes en France, 944 en Allemagne, 1 000 en Italie et 1 000 au Royaume-Uni, tous majeurs et sélectionnés selon la méthode des quotas.]
par Nicolas Sur
Article publié le 16/08/2001