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Proche-Orient

La politique d'assassinats d'Israël

En publiant une «liste noire» de sept Palestiniens, Israël officialise sa politique d'assassinats, rebaptisés «opérations ciblées» par l'Etat hébreu.
Dimanche, le gouvernement israélien a publié la liste des sept Palestiniens les plus recherchés par ses services. A en juger par la recrudescence des «opérations ciblées» menées ces derniers jours contre des militants palestiniens, c'est davantage morts que vifs qu'Israël souhaite retrouver ceux qui figurent sur sa liste noire.

Mardi 31 juillet, l'assassinat à Naplouse de deux responsables du Hamas (et six autres personnes, dont deux enfants) a été vigoureusement condamné, notamment par les Etats-Unis. Samedi, près de Ramallah, des hélicoptères israéliens ont tiré des missiles contre le convoi dans lequel se trouvait Marwan Barghouti, le chef du Fatah pour la Cisjordanie que les Israéliens tiennent pour l'un des principaux responsables de l'Intifada. Au total,depuis novembre 2000, ce sont près de 60 Palestiniens qui ont ainsi été les victimes d'opérations de meurtres ciblés.

La guerre sur le terrain se double d'ailleurs d'une bataille sémantique. Dans son édition de samedi, le quotidien britannique The Independent, indiquait, sous la plume de son spécialiste du Proche-Orient Robert Fisk, que la BBC avait donné pour consigne de remplacer le terme «assassinat» par l'expression de «meurtres ciblés» pour décrire l'élimination physique de Palestiniens. La BBC a démenti, notant cependant qu'elle réservait le mot «assassinat» à l'élimination de responsables politiques ou religieux.

Cette stratégie d'assassinats, vivement critiquée à l'étranger, est désormais ouvertement assumée par les dirigeants israéliens. Dimanche, le Premier ministre Ariel Sharon, sur une chaîne de télévision américaine, a justifié cette politique par la nécessité de «prendre des mesures d'autodéfense antiterroristes». Le vice-président américain, Dick Cheney, a manifesté sa compréhension en soutenant, vendredi, qu'il y avait «quelque justification à essayer de se protéger en devançant» les auteurs d'attentats. Malgré les démentis embarrassés de la Maison-Blanche, affirmant que l'administration Bush refusait la politique d'assassinats politiques, les propos de Cheney ont provoqué une vague d'indignation dans le monde arabe. L'utilisation d'armes américaines, et notamment d'hélicoptères Apache, dans ces opérations renforce le sentiment dans le monde arabe qu'Israël a le feu vert de Washington pour tuer les dirigeants palestiniens.

Des kamikazes pères de famille

Outre les menaces de représailles de la part du Hamas et du Jihad islamique, qui ont annoncé leur intention de s'en prendre personnellement au Premier ministre israélien Ariel Sharon, au ministre des Affaires étrangères Shimon Peres, et au chef d'état-major Shaul Mofaz, le président du conseil législatif palestinien, Ahmed Qoreï (Abou Alaa), l'un des artisans des accords d'Oslo et farouche défenseur du processus de paix, vient d'avertir que les responsables de l'Autorité palestinienne étaient prêts à repasser à la clandestinité.

A l'état-major de l'armée israélienne, où l'on demande depuis longtemps une intensification de ces opérations, on souligne que le meurtre des activistes a pour effet de désorganiser les terroristes, qui, privés d'encadrement, sont moins efficaces dans la confection des bombes et la coordination de leurs actions. Cependant, d'autres analystes israéliens sont beaucoup moins optimistes sur l'effet bénéfique pour Israël de cette stratégie. Ils soulignent notamment que les auteurs des derniers attentats-suicide ne présentent plus tout-à-fait le même profil qu'auparavant. Il ne s'agit plus seulement de jeunes militants ayant à peine vingt ans, endoctrinés et prêts à mourir pour la cause. Dans plusieurs cas, les auteurs d'attentats ou de tentatives se sont avérés être des pères ou mères de famille de 30 ou 40 ans, sans attache connue avec des organisations politiques ou religieuses. Autrement dit, soulignent ces analystes, la désespérance de tout un peuple fait désormais de chaque Palestinien un terroriste en puissance.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 06/08/2001