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Algérie

Festival sous haute tension

A la veille de l'ouverture à Alger du Festival mondial de la jeunesse et de l'étudiant, la pression monte en Algérie. Cette XVe édition doit accueillir du 8 au 16 août prochain quelque 15 000 jeunes, originaires de 140 pays. Les Kabyles appellent à manifester malgré l'interdiction du gouvernement.
L'organisation de ce festival, dans le contexte récent de troubles, est diversement perçue par l'opinion qui craint de nouvelles violences. Le printemps kabyle, dont la vague de contestation avait gagné plusieurs villes algériennes, ne s'est pas totalement éteint, malgré une sévère répression. La rue continue même de gronder en Kabylie et les Kabyles appellent à manifester le jour même de l'ouverture du festival, malgré l'interdiction du gouvernement.

Le comité de coordination de la marche de ce 8 août a peaufiné ces dernières 48 heures les détails de cette marche qui se veut pacifique, bravant de nouveau l'interdiction du ministère de l'Intérieur. Celui-ci a rappelé jeudi dernier que «l'organisation et le déroulement de ce type de manifestation sont interdits dans la capitale», comme il l'avait fait lors de la sanglante manifestation du 14 juin dernier.

Cette marche, qualifiée d'historique, avait drainé un million de personnes venues de tout le pays, en train, en bus ou à pied, défiler dans la capitale. Cette démonstration de force avait montré que le malaise kabyle avait gagné le reste de la population.

«Pouvoir assassin», «Halte au mépris», les manifestants avaient crié leur colère, en brandissant le portrait du symbole de la lutte berbère, le chanteur assassiné Matoub Lounès. Six personnes sont mortes au cours de cette marche violemment dispersée par les forces de l'ordre, et des centaines d'autres ont été blessées. Le 5 juillet dernier, pour éviter de nouveaux débordements, les autorités avaient barré les routes menant vers la capitale et empêché une marche des délégués kabyles.

Impunité des responsables

La Coordination interwilaya (départements), des archs (tribus), daïras (sous-préfectures) et communes de Kabylie, appelant à la marche du 8 août, ont demandé aux participants de boycotter ce festival. Les opposants au régime reprochent au président Bouteflika de vouloir utiliser cette manifestation de jeunes pour redorer son blason et proposer une vitrine à l'occident. Dans un message adressé aux participants, la Coordination a affirmé que «le pouvoir tente de se procurer une caution internationale pour occulter sa nature génocidaire et brutale». Des milliers de Kabyles ont donc prévu de manifester le jour de l'ouverture du festival et de marcher en direction de la Présidence de la république.

Les organisateurs du festival ont mis les bouchées doubles pour accueillir la manifestation : d'importants travaux de rénovation et de réfection ont été entrepris. Les chaussées et les trottoirs ont été refaits et les bâtiments sentent la peinture fraîche. Toutes les cités universitaires d'Alger et des villes voisines ont été réaménagées pour accueillir les festivaliers. La cérémonie d'ouverture se déroulera au stade olympique du 5 juillet, sur les hauteurs d'Alger, lieu choisi par les Kabyles pour se rassembler.

Il y a une dizaine de jours, la commission Isaad, du nom du juriste qui la préside, mise en place par Bouteflika, a conclu à la responsabilité de la gendarmerie dans la répression en Kabylie. Depuis avril dernier, début du soulèvement, les événements ont fait officiellement 60 morts et plus de 2000 blessés.

Le rapport a mis en cause la légalité de l'action des gendarmes. Alors que la presse accueillait de façon mitigée ces conclusions, attendant des sanctions et regrettant l'impunité des responsables, le chef de l'Etat a procédé samedi dernier à des remaniements au sein des préfectures. Résultat : tous les walis (préfets) des régions gagnées par la violence ont été limogés. L'opposition parle de « subterfuge ». Reste qu'à la tête de l'exécutif et parmi les proches de l'équipe Bouteflika, rien n'a changé. L'opinion, épuisée par dix années de terreur civile, réclame entre autres des explications du ministre de l'Intérieur et du patron de la gendarmerie.






par Sylvie  Berruet

Article publié le 07/08/2001