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Justice

Mata Hari, un procès à revoir ?

La mémoire de Mata Hari l'espionne pourrait bien être lavée. Une requête a été déposée lundi 15 octobre auprès du ministère de la Justice français pour la révision de sa condamnation à mort prononcée le 25 juillet 1917 par un tribunal militaire. Danseuse, elle charma et choqua le Tout-Paris par ses spectacles dénudés et ses aventures amoureuses avec des officiers allemands et français. Elle a été exécutée le 15 octobre 1917, a l'âge de 41 ans, pour intelligence avec l'ennemi.
La décision revient à Marylise Lebranchu, ministre de la Justice. Elle seule décidera de la suite à donner à la requête déposée lundi par la fondation néerlandaise Mata Hari et par la ville natale de la danseuse, Leeuwarden (Pays-Bas). Lorsque les descendants d'un condamné ne sont pas à l'origine, ni même associés à la demande de révision d'un procès, le ministre de la Justice est seul habilité à saisir la Cour de cassation pour enclencher le processus de révision.

Les nouveaux éléments, nécessaires pour réviser un procès, sont apportés par un retraité passionné de procès controversés, Léon Schirmann. Depuis près de dix ans il épluche les archives françaises, allemandes et hollandaises, et apporte plusieurs faits nouveaux à l'affaire. D'abord, ce sont les Allemands qui auraient trahi Mata Hari -pour ne pas avoir à l'éliminer eux mêmes- parce qu'elle travaillait pour les services secrets français.

Un major allemand, se rendant compte qu'elle était passée au service des Français, aurait envoyé des messages à ses supérieurs, désignant Mata Hari comme espionne pour le compte de l'Allemagne. Et les services secrets français d'intercepter ces messages, de les déchiffrer, et de tomber dans le piège tendu par le major Kalle.

Condamnée pour servir la «campagne antiboche»

Ensuite, preuve serait faite que plusieurs membres du contre-espionnage français auraient délibérément menti sous serment pendant le procès, car «elle avait une attitude qui pouvait révolter les Français» en temps de guerre, estime Jean-Pierre Turbergue, éditeur du livre de Léon Schirmann, Mata Hari, autopsie d'une machination (Editions Italiques), qui sort fin octobre. Finalement, la demande de révision insiste sur le fait que les droits de la défense auraient été bafoués par la justice militaire.

Selon Léon Schirmann, Mata Hari, née Margaretha Geertruida Zelle, a été condamnée pour servir «la campagne antiboche» organisée par la propagande française. Elle aurait commencé l'espionnage pour l'argent sans se rendre compte de ce qu'elle risquait. «Ce n'était qu'une femme qui aimait profiter de la vie. Et qui ne s'est pas rendu compte qu'avec la guerre plus rien ne serait comme avant», confie Léon Schirmann. Ce vieux monsieur de 82 ans semble bien connaître son affaire. Et pour cause, il étudie le sujet depuis 1992, date a laquelle il a découvert cette histoire de procès militaire à huis clos, qui lui a tout de suite paru louche. Quand il a commencé à s'y intéresser, il s'est alors «rendu compte que ce qui avait été écrit sur Mata Hari était inexact dans 90 % des cas. Il a fallu repartir de zéro».

La danseuse espionne a été fusillée au nom de la raison d'Etat au polygone de tir de Vincennes le 15 octobre 1917, après plusieurs mois en passés en prison, vieillie par la maladie et la détention. En refusant le bandeau devant le peloton d'exécution, elle a donné naissance à sa réputation de femme courageuse, interprétée au cinéma tour à tour par Greta Garbo, Marlène Dietrich et Jeanne Moreau.




par Romain  ZAMORA

Article publié le 19/10/2001