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Le breton refusé dans l'école laïque

Revers pour le ministre de l'Education nationale Jack Lang et pour les autonomistes bretons, mais victoire pour les mouvements éducatifs laïques : l'entrée des écoles bretonnes Diwan au sein de l'école publique a été suspendue par le Conseil d'Etat.
On appelle cela l'enseignement «par immersion». Pratiqué par les 35 écoles bretonnes Diwan, il consiste à plonger les élèves (2000 au total), dès leur plus jeune âge, dans un univers linguistique exclusivement breton. On parle cette langue régionale de l'ouest dans tout l'établissement, que ce soit en classe ou dans la cour de récréation. Ce n'est que progressivement que le français est introduit au cours du cursus scolaire. Au printemps dernier, le ministère de l'Education nationale a signé un accord visant à intégrer ces écoles Diwan au service public. Il a ensuite émis plusieurs textes réglementaires fixant les échéances et les modalités de sa mise en application, ainsi que la possibilité de généraliser ce modèle d'établissement.

Mardi 30 octobre, le Conseil d'Etat a mis un coup d'arrêt au projet en suspendant l'exécution des textes ministériels. Toutefois, ayant statué en référé, autrement dit par la procédure d'urgence, il devra prochainement examiner sur le fond les requêtes déposées par les adversaires du système Diwan. Dans son ordonnance, la plus haute instance juridictionnelle administrative française a jugé qu'«un doute sérieux» pèse «quant à la légalité» des textes du ministère, notamment au regard de la Constitution, laquelle proclame que «la langue de la République est le français».

«Cela aurait conduit à la disparition du français»

Le Conseil avait été saisi, la semaine dernière, par six associations défendant la laïcité, dont des organisations de parents d'élèves et des syndicats. Ces organisations estiment que la méthode des écoles Diwan «porte atteinte au principe d'égalité et d'unité de la République». Dans ces établissements, estime Denis Garreau, l'avocat du Cnal (Comité national d'action laïque), «le français est considéré comme une langue étrangère».

Peu après cette décision, les défenseurs de l'école laïque ont affiché leur satisfaction. Le Syndicat des enseignants (SE-UNSA) a estimé que «le jugement est très sévère pour le ministère». Le Mouvement des citoyens (MDC, proche de l'ancien ministre et candidat à l'élection présidentielle Jean-Pierre Chevènement) s'est également félicité de la suspension du processus, jugeant que «l'enseignement par immersion aurait conduit à la disparition du Français». Au ministère de l'Education, on minimise la portée de la décision en parlant d'un simple «incident de parcours».

En revanche, les milieux indépendantistes bretons disent leur indignation. «L'exaspération est grande en Bretagne car le sentiment qui prédomine est celui d'une confiance trahie», a déclaré l'Union démocratique bretonne, qui a dénoncé «l'insondable mauvaise foi du Conseil d'Etat» et prévenu que «les démocrates de Bretagne vont devoir réinvestir la rue». Pour le président de l'association Diwan, Andrew Lincoln, cette décision «marque le moment où nous devons réagir pour dire que ce dossier doit aboutir définitivement (...) Elle va jeter un grand froid en Bretagne, où l'accord avait été vécu comme un moment historique».



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 31/10/2001