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Commerce mondial

Menaces sur les médicaments génériques

Au programme du sommet de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) qui vient de s'ouvrir au Qatar figure l'adoption d'un projet de déclaration sur la propriété intellectuelle dans le domaine de l'accès aux médicaments et de la santé publique. Selon le dossier soumis à l'approbation des membres de l'organisation, «chaque Etat aura le droit d'accorder des licences obligatoires...» Pour les ONG (dont principalement Médecins sans frontières, Oxfam, Thirld world network), ces dispositions, si elles étaient adoptées, constituent de véritables freins pour un accès des pays en développement aux médicaments essentiels génériques. Céline Charveriat, du bureau d'Oxfam à Genève tire la sonnette d'alarme.
De notre envoyé spécial à Doha

RFI : Quels sont les risques que fait courir aux pays en développement le projet de déclaration sur la propriété intellectuelle et l'accès aux médicaments ?

Céline Charveriat :
Nous notons que ce projet d'accord ne prend pas en compte les intérêts des pays les plus pauvres notamment en santé publique. C'est complètement scandaleux parce qu'il s'agit de la vie de millions d'Africains, d'Asiatiques et de Latino-Américains qui est en jeu. Nous reprochons à cet accord de mettre en avant les intérêts commerciaux des grandes industries pharmaceutiques plutôt que de reconnaître que ce qui est important, c'est de sauver la vie des gens en permettant d'acheter des médicaments à des prix modiques pour faire face à de graves maladies comme le sida et le paludisme. Nous constatons dans plusieurs pays africains où nous travaillons un accès difficile des populations aux médicaments essentiels. Chaque jour des gens meurent de maladies infectieuses que l'on peut guérir. Sur le terrain, on entend toujours, des parents que nous côtoyons, dire «mon enfant est mort de palu parce nous n'avions pas l'argent pour lui payer son traitement.» Et c'est vrai, les médicaments sous licence coûtent en général dix à trente fois plus cher que les produits génériques. Cela est valable aussi pour le sida que pour d'autres maladies infectieuses.

RFI : Que préconisez alors pour les pays en voie de développement ?

C.C. :
Nous estimons que les PVD doivent avoir la possibilité réelle d'importer des produits génériques pour faire face, aux catastrophes sanitaires qui frappent tous les jours leurs populations. Or, l'accord qui est en train d'être négocié, donne un brevet, pour une période de vingt ans, aux industries pharmaceutiques alors que celles-ci pratiquent des prix prohibitifs pour maximiser leurs profits. En clair, cet accord va empêcher des millions de gens d'accéder aux médicaments dont ils ont besoin. Nous demandons alors une révision de l'accord pour permettre une flexibilité qui garantira aux Etats du sud des médicaments à moindre coût.

RFI : Y a-t-il des chances que vous soyez entendus par les Etats membres de l'OMC ?

C.C. :
Nous essayons de parler aux gouvernements qui ne partagent pas cet avis. Ce sont notamment les Etats-Unis qui sont aidés du Japon, de la Suisse et du Canada pour faire obstruction à une prise en compte des besoins des pays en développement. L'Union européenne a fait un pas en avant. Elle est d'accord aujourd'hui, sur certains points, avec ce que demandent les pays en développement. Mais l'UE subit une pression énorme pour faire adopter l'accord.

RFI : Redoutez-vous des situations comme par exemple le procès qui a opposé, il y a quelques mois, le gouvernement sud-africain aux firmes pharmaceutiques ?

C.C. :
C'était une grande victoire lorsque les firmes ont abandonné leurs poursuites. Mais il ne faut pas oublier que l'Afrique du sud est un grand pays qui représente un marché important pour les industries pharmaceutiques. Si demain, un pays aussi petit qu'Haïti a le même problème, il n'est pas sûr qu'il soit en position de force pour faire face à la pression des Etats-Unis et des firmes. Au contraire, on imposera à ce pays, sous la menace de lui suspendre l'aide, d'appliquer les accords commerciaux.

RFI : Que pensez-vous des accords spéciaux entre certains Etats africains et des firmes pour diminuer les prix des anti-retroviraux ?

C.C. :
C'est une des solutions lorsque les prix négociés sont réellement à prix modiques. On constate malheureusement que les prix obtenus sont généralement plus élevés que ceux des génériques. Si l'accord de l'OMC permet au contraire un accès aux génériques, cela va aider les Etats africains à négocier des prix plus avantageux. Les Etats pourront dire aux firmes « si vous ne nous fournissez pas des médicaments moins chers, on ira acheter des génériques en Inde ou au Brésil. » Nous voulons qu'un pays qui est dans le besoin puisse être libre de fabriquer les médicaments essentiels génériques. Mais surtout qu'il soit libre d'en importer d'où il veut.



par Alpha  Barry

Article publié le 10/11/2001