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Russie

Les dix bougies de la CEI

Ce vendredi, s’ouvre à Moscou un sommet de la Communauté des États indépendants, en présence des représentants des 12 républiques qui composent la CEI, dont l’existence remonte à dix ans. Que souhaite Vladimir Poutine, dont la Russie est l’un des trois membres fondateurs de cette Communauté ?
C’est en ordre dispersé et avec des bilans contrastés que la Russie et ses autres partenaires de la Communauté des États indépendants abordent, à une semaine près, le 10ème anniversaire de l’éclatement de l’URSS. La CEI regroupe douze états, aussi disparates les uns que les autres. Son acte de naissance remonte au 13 décembre 1991, soit quelques jours après la spectaculaire dislocation de l’empire de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, lors du traité signé à Minsk, en Biélorussie, par les présidents de la Russie, alors Boris Eltsine, et ceux de la Biélorussie et de l’Ukraine, complété par un autre traité : celui d’Alma-Ata, au Kazakhstan. On sait que les quinze républiques qui composaient l’URSS devinrent indépendantes, et que douze d’entre elles tentèrent, au fur et à mesure, de bâtir une sorte de communauté économique. Seuls trois états baltes refusèrent d’y adhérer : la Lettonie, l’Estonie et la Lituanie. Au terme d’une décennie de bouleversements socio-économiques, politiques et stratégiques considérables, force est de constater que l’espace post-soviétique est de plus en plus fragmenté et que les espoirs que l’on attendait de cette communauté ont déçu.

Dès le départ, rien n’a été facile. Bien que le rouble demeurait la monnaie commune et que les frontières des républiques étaient maintenues, la citoyenneté commune disparaissait et bien des divergences subsistaient. Au début de sa création, bien des luttes intestines sont venues paralyser le bon fonctionnement de la CEI. Théoriquement, cette communauté avait pour but de favoriser la transition vers une économie pluraliste des anciennes républiques soviétiques et coordonner les politiques dans certains domaines, tels que la protection de l’environnement et les affaires étrangères. Mais les difficultés ne tardèrent pas à surgir. L’unité économique et politique se révélèrent difficiles à construire et le refus de certains membres d’accepter les textes fondateurs, tel que l’accord de sécurité mutuelle, n’a fait qu’aggraver la situation. Progressivement, l’objectif de la CEI sépare les États en deux groupes, ce qui n’a fait que contribuer à compliquer encore un peu plus son bon fonctionnement.

Relancer le processus d’intégration

L’un des groupes, mené par la Russie, considère la CEI comme étant le moyen de parvenir à une intégration politique et économique plus poussée, alors que l’autre groupe, mené par l’Ukraine, estime que la CEI doit servir à préparer l’indépendance totale de cette Communauté. Raison pour laquelle, par exemple, en 1993, le Kirghizistan émet sa propre devise monétaire et encourage du même coup les autres États à abandonner le rouble. Bilan : dix ans après, la CEI, principalement à cause de ses luttes internes, de la politique économique de la Russie sur les autres États membres et du désir de certaines républiques de se séparer, n’a pas su être à la hauteur dans le domaine économique et n’a pas réussi à s’imposer sur le plan international. Et ce qui n’est pas sans inquiéter Vladimir Poutine, ancien membre du KGB, mis en selle par Boris Eltsine, puis devenu le «patron» de la Russie en mars 2000.

Très vite, Vladimir Poutine a compris que, plutôt que de s’enfermer dans la logique des «blocs», il était temps pour lui de se joindre au camp occidental pour mieux y défendre ses intérêts, et donc de se forger une stature internationale. Mais ce n’est pas avec des «voisins» dont certains sont peu crédibles aux yeux des Occidentaux qu’il pourra atteindre pleinement ses objectifs. Lors du sommet de Moscou de vendredi, on prête l’intention de la Russie de relancer le processus d’intégration, et de faire évoluer, sur tous les plans, les pays qui composent la Communauté des États indépendants. Un tâche pas facile pour le maître du Kremlin, qui s’il a enterré la hache de guerre avec le président Bush, doit mettre un terme au bras de fer russo-américain qui date depuis le printemps 1999, et qui concerne l’affaire de l’oléoduc reliant Bakou (Azerbaïdjan) au port de Soupsa (Géorgie) sur la mer Noire et qui, en théorie, met fin à l’hégémonie russe sur l’exportation des hydrocarbures de la Caspienne. Avec l’effondrement de l’URSS, les États-Unis ont voulu, à cette occasion, faire reculer l’influence russe dans le Caucase. Mais bien d’autres problèmes attendent Vladimir Poutine : ils ont trait à tout ce qui touche au domaine militaire. Reste à savoir en particulier si le démantèlement de certaines bases russes en Géorgie, décidé à l’époque par Boris Eltsine, malgré les réticences de l’état-major russe va se poursuivre et s’étendre à d’autres régions. Sans doute, les pays membres de la CEI vont-ils jouer des partitions différentes, et chacun comptera ses alliés au sein de l’espace ex-soviétique.

En fait, la question principale est de savoir de quelle manière Moscou entend rétablir son influence dans la région. Une majorité des États de la CEI est déterminée à s’opposer à toute tentative du Kremlin de leur dicter quoi que ce soit. Visiblement, dans un premier temps, les Russes vont redéfinir leurs relations avec les membres avec la CEI. Mais, de quelle manière ? Pour les observateurs, il semble que se dessine une volonté de reprise en main, non pas dans le sens d’une reconstitution de l’Empire, mais plutôt dans le sens d’une reconstruction de relations sur des bases autant que possible plus solides. Il faudra voir quelles seront les méthodes employées, avant de se prononcer sur un éventuel regain «d’agressivité» ou pas de la diplomatie russe.



par Pierre  DELMAS

Article publié le 29/11/2001