Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Proche-Orient

La ré-occupation de Beit Hanoun

Au cours de la nuit de vendredi à samedi, des tanks israéliens sont entrés dans la bande de Gaza, soutenus par des hélicoptères. Ils ont avancé sur plusieurs kilomètres et ont isolé la ville de Beit Hanoun. Une opération officiellement menée pour capturer des responsables d’attentats. C’est la plus longue incursion jamais menée dans la bande de Gaza depuis le début de cette intifada.
De notre envoyée spéciale à Gaza

«J’étais à Erez, le point d’entrée de la bande de Gaza, à attendre des clients, quand j’ai vu les chars israéliens entrer» raconte Kamal, un chauffeur de taxi. «Je n’en n’avais jamais vu autant d’un coup. Une quinzaine au moins, appuyés par des hélicoptères». Kamal, qui habite à proximité de la ville de Beit Hanoun, n’a pas demandé son reste et s’est enfui chez lui. «Toute la nuit, nous avons entendu les tirs, à la mitrailleuse lourde, et aussi des tirs d’obus de chars, explique-t-il visiblement fatigué, Mes enfants n’ont pas dormi. Nous ne savions plus quoi faire pour les calmer.» Selon le témoignage d’un habitant de Beit Hanoun joint samedi matin par téléphone, les soldats ont par haut parleur annoncé la mise en place d’un couvre-feu. Ils ont également donné les noms des personnes qu’ils venaient arrêter en leur demandant de se rendre, des membres du Hamas pour la plupart. Au même moment, les hauts parleurs de la mosquée ont appelé à la résistance. «Bien sûr, personne ne s’est rendu, raconte encore cet habitant de la ville. Du coup, les soldats sont sortis à pied, couverts par un tir nourri de mitrailleuses lourdes et d’obus de chars. Ils ont arrêté plusieurs personnes, et au moins quatre maisons ont été démolies».

Des gamins face aux blindés

Dès huit heures le samedi matin, quatre chars ont pris position sur la route principale de la bande de Gaza, à l’une des quatre sorties de Beit Hanoun. Devant les tanks, des gamins ont dressé une dérisoire barricade, avec quelques carcasses de voitures. Certains n’ont pas dix ans, et exhibent fièrement leurs mitraillettes en plastique, tandis que les adolescents jettent des pierres sur les blindés en invoquant le nom d’Allah. Mais la riposte est bien réelle.

A intervalles réguliers toute la journée, les tanks tirent sur la foule, suscitant à chaque fois une vague de panique, et un ballet d’ambulances. Mais toujours, les gamins reviennent provoquer les soldats. Cachés dans une orangeraie à proximité, les combattants palestiniens tirent quelques coups de feu, sans entrain. «A quoi cela sert de tirer sur ces engins blindés ?» interroge l’un d’entre eux. Une épaisse fumée noire, dégagée par des dizaines de pneus en feu obscurcissent l’horizon. A l’hôpital Adwan situé à proximité, on compte déjà plus de trente blessés à la mi-journée. La plupart sont des civils, la moitié touchés par des éclats d’obus de chars, l’autre par des balles. «Les ambulances n’ont pas le droit d’entrer dans Beit Hanoun» se désole le docteur Fadel Jouda, le directeur de l’établissement. Et il ajoute : «Il y a pourtant sûrement là-bas des blessés qui ont besoin d’être hospitalisés.» De son appartement situé sur une colline qui surplombe Beit Hanoun, Lima Abou Hassam entend distinctement les tirs. «La nuit dernière est la pire que nous ayons jamais vécu» assure d’une voix douce cette professeur de français. Et le regard sombre elle ajoute : «C’est le type d’action qui suscite des vocations de terroristes. J’en suis sûre, il y aura d’autres attentats en Israël. Avant j’étais opposée à la terreur aveugle, mais maintenant, je la soutiens. La violence engendre la violence, l’oppression engendre la brutalité. Nous avons le droit de défendre nos terres

A 19 heures heure locale, la sécurité préventive palestinienne annonce le départ des chars israéliens. Le retrait s’effectue en quelques minutes, et sans encombre. Mais le bilan de la journée est lourd : soixante dix blessés, et quatre morts, dont un enfant de douze ans. A Beit Hanoun et aux alentours, on se souviendra longtemps de cette dernière journée de ramadan.



par Anne  Corpet

Article publié le 16/12/2001