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Proche-Orient

Le discret anniversaire du Hamas

Le Hamas, organisation islamiste intégriste, célébrait ce vendredi son quatorzième anniversaire. Le mouvement a en effet été créé le 14 décembre 1987 au début de la première intifada palestinienne, par la confrérie des frères musulmans. Bien qu’au zénith de sa popularité chez les Palestiniens, le Hamas a fêté cet anniversaire dans la plus grande discrétion. Reportage à Gaza.
De notre envoyée spéciale à Gaza

Comme tous les vendredis, les fidèles se pressent devant la mosquée Palestine à Gaza. Il n’y a pas de place pour tout le monde et plusieurs dizaines de croyants doivent poser leur tapis de prière sur un carré de pelouse devant l’édifice. La mosquée Palestine est l’un des fiefs du Hamas à Gaza, et les prêches y sont d’habitude virulents. L’imam n’hésite pas en temps normal à fustiger l’attitude de l’autorité palestinienne et de Yasser Arafat, jugés trop conciliants avec les israéliens. Mais ce vendredi, l’imam évite soigneusement tout sujet politique, et ne parle que de charité. A l’issue de la prière, chacun rentre chez soi. La grande manifestation prévue par le Hamas pour célébrer son quatorzième anniversaire a été annulée par l’autorité palestinienne. Une décision que pas un militant islamiste n’ose contester «Nous avions prévu de nous retrouver tous dans un stade. Mais nous y avons renoncé : ce serait offrir une trop belle cible aux avions chasseurs israéliens» commente simplement un barbu à l’issue de la prière.

Une union de circonstance

A Gaza ces jours-ci, les islamistes font profil bas. Devant le domicile du cheikh Yassine, chef spirituel du Hamas, c’est le calme absolu. Le vieil homme se plie de lui même à l’assignation à résidence ordonnée par l’autorité palestinienne. Il ne reçoit aucun journaliste, et ses prêches prônant la destruction pure et simple de l’Etat d’Israël ne sont plus diffusés. Les policiers palestiniens censés le surveiller sont postés à plus de 500 mètres de là. «Nous nous sommes arrangés avec lui. Notre présence devant sa maison était vécue comme une provocation par ses militants» explique un policier. Arrangement récent : il y a dix jours, lorsque les policiers de l’autorité palestinienne se sont présentés pour arrêter l’inspirateur du Hamas, les militants islamistes avaient bloqué l’accès, et les affrontements s’étaient soldés par la mort d’un membre du mouvement islamiste. Assis au soleil au centre d’une place sablonneuse du quartier Radouan, Saïd Siam, porte parole du Hamas explique : «Nous sommes tous fils de la Palestine. Nous n’avons rien contre l’autorité palestinienne ni contre Yasser Arafat. Notre ennemi commun, c’est Israël» Et quand on lui demande si les arrestations effectuées au sein de ses troupes par l’autorité palestinienne ne constituent pas un frein à cette union sacrée, il rétorque, imperturbable «Ce n’est pas la première fois que nos frères nous jettent en prison. Mais nous comprenons parfaitement les pressions que subit Yasser Arafat de la part d’Israël et des Etats Unis.» Et il répète : «Nous Palestiniens, nous sommes tous unis contre Israël.» La fermeture des bureaux du Jihad et du Hamas ordonnée par Yasser Arafat ne semble pas non plus perturber le responsable du mouvement islamiste. «Nous n’avons pas de bureaux» explique-t-il simplement. Dans le quartier Nasser, un peu plus loin, l’organisation Jameya el Islamia, qui distribue de l’aide humanitaire aux plus défavorisés, ne se sent pas non plus concernée par l’annonce de la fermeture de tous les bureaux du mouvement islamiste. Jameya el Eslamia est pourtant l’une de ces associations de bienfaisance qui ont fait la popularité du Hamas dans la bande de Gaza. Abou Mahmoud, l’un des responsables, conteste : «Nous existons depuis 1977, soit dix ans avant la création du Hamas.» explique-t-il. Et il ajoute «Nous ne faisons pas de politique, notre vocation est purement sociale, nous nous occupons des pauvres, c’est tout.» Mais dehors, juste devant le bâtiment de l’association, c’est bien le drapeau vert du mouvement islamiste qui flotte au vent.



par Anne  Corpet

Article publié le 14/12/2001