Argentine
Reculer pour mieux sauter ?
Le nouveau président Adolfo Rodriguez Saá a suspendu le paiement de la dette argentine et annoncé une série de mesures destinées à apaiser la colère de la population. Cette décision entérine de facto la faillite du pays mais elle ne règle pas ses problèmes.
L’Argentine, qui croule sous une dette fédérale de 132 milliards de dollars (46% du PIB), a suspendu le paiement d’échéances qu’elle ne parvenait plus à honorer. «Le pays est en faillite», a résumé laconiquement Nestor Kirchner, l’un des gouverneurs péronistes les plus en vue. Le président Saa a tenu à préciser qu’il ne «répudiait pas la dette extérieure» mais il n’a pas donné d’indication sur la durée de ce moratoire, le plus important de toute l’histoire.
Adolfo Rodriguez Saá, ancien gouverneur péroniste de la province de San Luis, tout juste élu en remplacement de Fernando de la Rua, contraint à la démission après deux jours d’émeutes, cherche avant tout à apaiser la colère de la population. «L’urgence sociale est le problème le plus important de l’Argentine», a-t-il affirmé devant le Congrès argentin, renouant ainsi avec un péronisme traditionnel.
Pour lutter contre le chômage, il a lancé un plan de création de près d’un million d’emplois, grâce à une politique de grands travaux. Pour redonner un peu de pouvoir d’achat à une population privée de liquide, il a également annoncé l’introduction d’une troisième monnaie, l’argentino (après le peso et le dollar). Les risques d’inflation devraient rester limités, le pouvoir d’achat des Argentins étant tombé à un niveau exceptionnellement bas. Cet argentino devrait peu à peu remplacer les bons à court et moyen terme déjà utilisés comme moyens de paiement dans tout le pays (lecops ou patacones). Mais d’ores et déjà, ces bons ne sont plus honorés à leur valeur nominale par les banques, ce qui devrait conduire, à terme, à une perte de valeur de la monnaie.
Les nouvelles autorités cherchent à gagner du temps
Pour autant, le président Saá se refuse toujours à toute dévaluation du peso et s’accroche, «pour le moment», à la parité entre le dollar et le peso. Le coût politique d’une dévaluation (des milliers de personnes seraient ruinées dans la mesure où la majorité des crédits sont souscrits en dollars) serait énorme pour le nouveau président, alors que des élections anticipées ont été fixées au 3 mars prochain. Au contraire, Alfredo Rodriguez Saá s’accroche toujours à la parité entre le dollar et le peso, alors que cette politique est largement responsable de la faillite du pays. Il s’est également prononcé contre une «dollarisation» en bonne et due forme de l’économie argentine, solution pourtant préconisée pour ramener la confiance des investisseurs.
Pour le moment, le Fonds monétaire international n’a pas encore réagi à ces mesures. Accusé d’être responsable de la banqueroute argentine en encourageant envers et contre tout l’austérité budgétaire et la parité peso-dollar, le FMI avait du reconnaître lui-même, la semaine dernière, par la voix de son économiste en chef, que cette politique n’était pas soutenable. Mais on peut douter que le Fonds avance de nouveaux prêts tant qu’une politique claire ne sera pas définie. En suspendant le paiement de sa dette, le président Saá a gagné du temps pour renégocier la dette argentine avec ses créanciers, mais cette politique ne sortira pas le pays de l’impasse.
A écouter également
Le rendez-vous de la rédaction (Dominique Thierry)
Un pays peut-il se mettre en faillite ?
Analyse de Sophie Malibeaux (24/12/2001)
Adolfo Rodriguez Saá, ancien gouverneur péroniste de la province de San Luis, tout juste élu en remplacement de Fernando de la Rua, contraint à la démission après deux jours d’émeutes, cherche avant tout à apaiser la colère de la population. «L’urgence sociale est le problème le plus important de l’Argentine», a-t-il affirmé devant le Congrès argentin, renouant ainsi avec un péronisme traditionnel.
Pour lutter contre le chômage, il a lancé un plan de création de près d’un million d’emplois, grâce à une politique de grands travaux. Pour redonner un peu de pouvoir d’achat à une population privée de liquide, il a également annoncé l’introduction d’une troisième monnaie, l’argentino (après le peso et le dollar). Les risques d’inflation devraient rester limités, le pouvoir d’achat des Argentins étant tombé à un niveau exceptionnellement bas. Cet argentino devrait peu à peu remplacer les bons à court et moyen terme déjà utilisés comme moyens de paiement dans tout le pays (lecops ou patacones). Mais d’ores et déjà, ces bons ne sont plus honorés à leur valeur nominale par les banques, ce qui devrait conduire, à terme, à une perte de valeur de la monnaie.
Les nouvelles autorités cherchent à gagner du temps
Pour autant, le président Saá se refuse toujours à toute dévaluation du peso et s’accroche, «pour le moment», à la parité entre le dollar et le peso. Le coût politique d’une dévaluation (des milliers de personnes seraient ruinées dans la mesure où la majorité des crédits sont souscrits en dollars) serait énorme pour le nouveau président, alors que des élections anticipées ont été fixées au 3 mars prochain. Au contraire, Alfredo Rodriguez Saá s’accroche toujours à la parité entre le dollar et le peso, alors que cette politique est largement responsable de la faillite du pays. Il s’est également prononcé contre une «dollarisation» en bonne et due forme de l’économie argentine, solution pourtant préconisée pour ramener la confiance des investisseurs.
Pour le moment, le Fonds monétaire international n’a pas encore réagi à ces mesures. Accusé d’être responsable de la banqueroute argentine en encourageant envers et contre tout l’austérité budgétaire et la parité peso-dollar, le FMI avait du reconnaître lui-même, la semaine dernière, par la voix de son économiste en chef, que cette politique n’était pas soutenable. Mais on peut douter que le Fonds avance de nouveaux prêts tant qu’une politique claire ne sera pas définie. En suspendant le paiement de sa dette, le président Saá a gagné du temps pour renégocier la dette argentine avec ses créanciers, mais cette politique ne sortira pas le pays de l’impasse.
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Un pays peut-il se mettre en faillite ?
Analyse de Sophie Malibeaux (24/12/2001)
par Nicolas Sur
Article publié le 24/12/2001