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Centrafrique

Bangui inquiète ses voisins

La Centrafrique est l’objet de toutes les attentions, depuis la nouvelle crise consécutive à l’arrestation ratée de l’ancien chef d’état-major, le 2 novembre. Après le sommet restreint de Khartoum, puis celui de Libreville, celui des chefs d’Etat membres de la CEMAC, du 7 au 9 décembre à Yaoundé, devait à nouveau aborder le dossier.
Les dirigeants d’Afrique centrale sont décidés à calmer le jeu en Centrafrique. La crise qui secoue ce pays a été au coeur de discussions régionales, ces derniers jours. La RCA a beau peser peu économiquement, elle constitue un verrou important, dont la déstabilisation durable inquiète sérieusement ses voisins. Pas question toutefois de régler ces nouveaux soubresauts par les armes. En début de semaine, une première réunion à Khartoum, sous l’égide la Communauté des Etats sahélo-sahariens (COMESSA), une organisation d’inspiration libyenne, avait bien décidé l’envoi d’une force de «maintien de la paix». Mais cette option a été écartée, lors d’un sommet de la Communauté économique et monétaire des Etats d’Afrique centrale (CEMAC*), à Libreville les 4 et 5 décembre, en présence du secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), Amara Essy.

Depuis le 2 novembre, la Centrafrique est à nouveau dans la tourmente, après une tentative d’arrestation de l’ancien chef d’état-major des armées qui a tourné en épreuve de force. Ancien proche du président Ange-Félix Patassé, le général François Bozizé, accusé de complot par le régime, a fui vers le Tchad, où il est pour l’instant réfugié. Embarrassée par cet invité-surprise, N’Djamena a, jusqu’ici, refusé la voie de l’extradition, mais appelle de ses vœux une solution à l’amiable pour éviter l’apparition d’un foyer d’instabilité à ses frontières et une brouille inutile avec Bangui.

La solution libyenne écartée

La solution proposée à Khartoum était toutefois loin de satisfaire le président Idriss Deby. Bien qu’officiellement en très bons termes avec la Libye, après des années de tension, le Tchad apprécie peu que Tripoli, dont près de 200 hommes sont déjà présents en Centrafrique, s’installe davantage chez son voisin du sud. «Les Libyens avaient dans l’idée d’envoyer des forces ougandaises et on sait ce que cela a donné en République démocratique du Congo», ajoute un proche du chef de l’Etat tchadien.

Sauvé une première fois par son «ami» Mouammar Khadafi, après la tentative de coup d’Etat du 28 mai dernier, Ange-Félix Patassé penchait pour l’option militaire, retenue dans la capitale soudanaise. Elle lui permettait de consolider son amitié avec son nouveau protecteur et offrait à un guide de la révolution libyenne en quête de réhabilitation internationale l’occasion d’apparaître comme un faiseur de paix, tout en élargissant son influence dans une zone stratégique.

Visiblement peu enthousiaste à l’idée de voir Tripoli renforcer sa présence à leurs portes, les participants au sommet de Libreville ont mis un coup d’arrêt au plan libyen. Ils ont opté pour une solution politique avec la création d’un comité ad hoc regroupant tous les chefs d’Etat de la sous-région; l’objectif étant de réunir tous les acteurs politiques et militaires de la crise pour parvenir à un règlement négocié. Ils ont, néanmoins, retenu l’idée avancée à Khartoum d’une aide financière de la CEMAC à la RCA. Les chefs d’Etat de l’organisation, qui devaient à nouveau évoquer le sujet du 7 au 9 décembre à Yaoundé au cours de leur sommet ordinaire, sont donc décidés à poursuivre leurs efforts. Même le Cameroun, qui se tient généralement à l’écart des soubresauts politiques de ses voisins, s’y est associé. Le président Biya a ainsi envoyé un émissaire à Bangui, mi-novembre, et a dépêché, cette semaine, son ministre des Affaires étrangères dans la capitale gabonaise.

A Libreville, le président Bongo, déjà impliqué dans le règlement des mutineries de 1996 et 1997, n’a cependant pas caché sa lassitude face aux errements du régime centrafricain. Et il a adressé un message on ne peut plus clair à Ange-Félix Patassé, qu’il connaît fort bien: «Si on veut être chef, on doit toujours dialoguer pour déceler les erreurs qu’on a peut-être été amené à commettre». Jusque-là, ce dernier s’accrochait à l’idée d’un procès du général Bozizé, suivi d’une amnistie présidentielle. A l’évidence, ses homologues attendent beaucoup plus qu’une solution cosmétique.



par Christophe  Champin

Article publié le 07/12/2001