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Centrafrique

L’affaire Bozizé n’existe plus

«La poursuite de la procédure contre François Bozizé et autres est inopportune». Cette déclaration du président de la Commission mixte d’enquête judiciaire, Joseph Bondoumi, est l’aboutissement des différentes concertations régionales organisées par la Libye et le Gabon. Les conditions posées par les bailleurs de fonds pour un climat apaisé en Centrafrique, ont aussi forcé la décision d’abandon des poursuites contre l’ancien chef d’état-major, toujours réfugié au Tchad.
Le président de la Centrafrique, Ange-Félix Patassé affichait encore, il y a peu, une fermeté quant au maintien des poursuites contre son ancien chef d’état-major, le général François Bozizé. Echaudé par six tentatives de coup d’Etat depuis son élection à la tête de l’Etat en 1993, Ange-Félix Patassé avait exclu toute idée d’amnistie en faveur de ceux qu’il qualifie de «terroristes centrafricains et étrangers». Et pourtant les deux sommets, Khartoum les 2 et 3 décembre et Libreville les 4 et 5 décembre, avaient fait des recommandations, pour une loi d’amnistie en faveur des «pustchistes» et la mise sur pied d’une commission chargée de réunir tous les acteurs politiques et militaires impliqués dans «l’affaire Bozizé» du 2 novembre 2001. Ces mêmes sommets de la Communauté des Etats sahélo-sahariens et de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, avaient envisagé la création d’un fonds de solidarité avec la Centrafrique. Mais l’intransigeance du président Patassé refroidissait les ardeurs du colonel Kadhafi et du président Bongo, qui faisaient de la loi d’amnistie un passage obligé vers une paix durable en Centrafrique dont ils se porteraient garants, ce qui rassurerait les bailleurs de fonds.

Mais le président Patassé avait choisi la fermeté parce que les services de son Premier ministre Martin Ziguélé avaient publié des données plutôt encourageantes pour l’économie du pays. La faiblesse des recettes aurait été contrée par une maîtrise des dépenses publiques. Mais ces résultats n’ont pas convaincu les organisations financières de se lancer dans des programmes de soutien de l’économie centrafricaine. En l’espace de quelques semaines, le Premier ministre a rencontré des experts de la Banque africaine de développement, le Club de Paris, le Fonds koweïtien, la banque européenne d’investissement, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Sans oublier les fréquentes visites auprès des autorités françaises, des Etats-Unis et des Nations unies. Mais les signes «positifs» d’une économie asphyxiée ont suscité beaucoup de réserves de la part des interlocuteurs de la République centrafricaine. Une solution politique serait pour eux une meilleure réponse aux problèmes de ce pays. La récente visite du secrétaire du comité populaire général libyen (ministre) chargé de l’Union africaine, Ali Triki porteur d’un message du guide libyen, devenu un allié très précieux du pouvoir centrafricain, a aussi aidé le président Patassé à infléchir sa position d’intransigeance absolue. Les bonnes nouvelles de la Libye ont été l’annonce par Ali Triki de l’ouverture d’un compte au profit de la Centrafrique sur lequel une importante somme serait déjà versée et l’invitation faite «aux autres frères de suivre la Libye en participant à la constitution de ce fonds, dont la RCA a besoin pour son développement social et économique».

La Libye rassure tout le monde sauf François Bozizé

Par ailleurs l’émissaire libyen est allé à Bangui chercher «une solution négociée» à la crise entre la Centrafrique et le Tchad qui s’accusaient mutuellement de mouvements de troupes à leurs frontières respectives. Le gouvernement tchadien qui avait refusé de donner une suite favorable à la demande d’arrestation et d’extradition formulée par Bangui à l’encontre du général Bozizé, réfugié dans la métropole du sud du Tchad, Sarh, s’était attiré les foudres du pouvoir centrafricain. Les dizaines de soldats qui organisé la fuite de leur chef ont également trouvé refuge au Tchad pour qui le général Bozizé n’est un putschiste mais plutôt un réfugié politique. Et, usant des relations privilégiées qu’elle entretient avec le Tchad, la Libye a donné des assurances à la Centrafrique sur sa présence militaire à Bangui pour sécuriser le régime. Elle y entretient déjà un détachement militaire de 200 hommes. Ces engagements ont décrispé les positions du président Patassé qui a finalement accepté les concessions qui lui ont été suggérées.

Les poursuites contre le général Bozizé sont désormais «inopportunes» et le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bangui, rendra leur liberté aux personnes arrêtées et considérées comme des auteurs et co-auteurs dudit putsch du 2 novembre 2001. Mais, la main tendue des autorités centrafricaines ne précise pas si le général recouvrera ses droits d’officier supérieur. Il a été dégradé et n’est désormais qu’un soldat de 2ème classe de l’armée centrafricaine. Les largesses du pouvoir Patassé ne précisent pas non plus si le coup d’Etat, objet de tous ces tumultes qui ont secoué le pays, n’en était plus un. D’ailleurs, le pouvoir tout en souhaitant le retour du général Bozizé, se réserve le droit de le poursuivre à nouveau s’il lui arrivait de commettre une nouvelle faute. Ce droit discrétionnaire inquiète le général qui pose des conditions à son retour au pays. Selon lui les conditions pour un dialogue avec le pouvoir ne sont pas réunies. La volonté affichée par le pouvoir politique de son pays lui paraît «floue et confuse». Il demande également que les «troupes étrangères quittent son pays». Il vise directement ici, les Libyens, soupapes de sécurité du pouvoir centrafricain. Tout porte à croire donc que le général Bozizé restera en exil. La bonne opération aura été ainsi réalisée par le président Patassé qui montre à la communauté internationale son ouverture. Il tirera les bénéfices politiques de son attitude, déjà saluée par le Tchad. Elle lui profitera aussi sur le plan économique parce que maintenant les bailleurs de fonds accorderont un crédit à sa volonté d’apaisement des tensions en Centrafrique.



par Didier  Samson

Article publié le 26/12/2001