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Monnaie unique européenne

Les comptes laborieux de l’euro

Mercredi 2 janvier, au deuxième jour de la mise en circulation de la monnaie unique, clients et commerçants éprouvaient quelques difficultés à s’y retrouver dans les conversions et les rendus de monnaie.
«Comment ça, je dois faire comme si j’étais à l’étranger ? Moi, je suis jamais sorti de Paris !», peste un client sexagénaire, faussement offusqué. Son voisin de comptoir, amusé, replonge le nez dans son café. Le patron en profite pour sortir sa blague favorite. «Ben ouais, c’est comme si t’étais en vacances dans un autre pays. Sauf que là, t’es pas près de revenir !». Et la discussion reprend de plus belle, dans cette brasserie de la banlieue parisienne, au deuxième jour de l’arrivée des pièces et des billets en euros. Malgré l’affluence modeste («Beaucoup de gens sont encore en vacances»), la file d’attente est d’une longueur inhabituelle à la caisse du tabac. «Heureusement que j’ai la machine qui affiche le rendu de monnaie en euros, explique la patronne. Pour notre première journée d’ouverture, j’avoue que ça ne se passe pas trop mal. Il faut dire qu’hier et avant-hier, on est resté fermé pour tout préparer».

Non loin de là, dans une supérette de Levallois dont c’est aussi le premier jour d’ouverture, les clients sont encore rares. Une seule des quatre caisses est affectée à la double circulation. Une vieille dame s’y présente et tend un billet de 100 francs. Elle regarde, un brin circonspecte, les pièces en euros que lui rend la caissière, vérifie que cela correspond bien au rendu affiché. «Ca fait un drôle d’effet. C’est plus compliqué qu’avec les nouveaux francs. Je suis un peu triste, quand même».

On traque l’erreur

Bon gré, malgré, les commerçants et les consommateurs parisiens semblaient s’adapter correctement à la nouvelle monnaie. Tandis que la grève dans les banques paraissait peu suivie, des clients se pressaient dans les agences et devant les distributeurs automatiques pour retirer des euros. Premier souci : faire attention au montant choisi. Une mère de famille se veut vigilante. «J’ai pris 40 euros, mais ça fait déjà plus de 250 francs. Des gens vont se faire avoir, c’est sûr».

L’atmosphère générale est en effet à la prudence. Au marché de la rue Poncelet, dans le XVIIe arrondissement, les commerçants veulent rassurer, à grands renforts de double affichage. «Ca fait un peu fouillis sur les étiquettes, concède le marchand de légumes. Mais comme ça, les gens voient bien qu’on n’a pas augmenté nos prix. Enfin, il a quand même fallu arrondir un peu...». A la hausse ou à la baisse ? «Ah moi, j’ai essayé d’équilibrer. Mais avec leur taux de conversion...(1 euro = 6,55957 FF, ndlr) C’est un truc de technocrate !».

Ici et là, on recompte sa monnaie, on fait le tri dans sa caisse, on joue de la calculette. Ne pas se tromper, ne pas se faire avoir. On traque l’erreur. Parfois avec le sourire, parfois sans. Au kiosque à journaux, en bas de l’avenue de Wagram, pas question de rendre la monnaie en euros à un client qui paye en francs. «Sinon, plaide le vendeur, je n’aurais déjà plus de pièces en euros. La trappe à francs, c’est pas notre travail, c’est celui des banques. Et en plus, aujourd’hui, elles sont en grève...».



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 02/01/2002