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Togo

Le 13 janvier: jour de deuil ou de fête

Le 13 janvier est une importante date dans l’histoire du Togo. Elle est célébrée sous le signe de la tristesse pour les uns et représente pour les autres le jour de la libération. Le 13 janvier 1963, l’Afrique francophone, au lendemain des indépendances connaissait son premier coup d’Etat militaire perpétré au Togo, avec l’assassinat du président de la République Sylvanus Olympio. C’est également le 13 janvier 1967 que le général Eyadema s’emparait du pouvoir. Trente-cinq après, le Togo est toujours aux prises avec des soulèvements politiques.
Le 13 janvier 1963, le premier président du Togo Sylvanus Olympio était assassiné à Lomé, suite à un mouvement insurrectionnel mené par des soldats de la toute jeune armée togolaise. Le régime qui semblait bien établi, était conduit par Sylvanus Olympio, un homme issu du secteur privé, qui voulait appliquer à son pays ses expériences acquises dans le monde des affaires. Après de brillantes études à Londres en sciences économiques, il intégrait assez rapidement le groupe international Unilever qui avait d’importants intérêts sur la côte occidentale de l’Afrique. Une fulgurante carrière l’avait propulsé au poste de directeur du département Afrique du groupe, United african company. Mais il avait donné sa démission en 1951 pour se consacrer uniquement à la politique.

D’une grande culture, parlant aussi bien le français, l’anglais que l’allemand, on le dit imprégné de culture britannique, faite de rigueur et d’autoritarisme religieux, lui le métisse descendant d’aristocrates brésiliens installés au Togo depuis le XVIIIème siècle. Mais ses qualités ne pouvaient étouffer les contradictions d’une société inégale, où l’appartenance ethnique justifiait encore un certain rang social, ce qui renforçait d’autant le sentiment d’exclusion dont se sentaient victimes les populations du nord du pays. Sans grandes formations scolaires, elles s’engageaient dans l’armée, au Bénin (ex-Dahomey), pour le compte du Togo qui ne disposait que d’une seule compagnie. Le refus du président Olympio de créer un deuxième corps, ajouté aux intrigues de politique locale, était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase.

Le retour

Le 13 janvier 1963 le président Olympio fut tué par un groupe de soldats qui avaient à leur tête le sergent Etienne Eyadema. Mais ils n’ont pas gardé le pouvoir, préférant le confier à un civil, opposant, Nicolas Grunitzky. Quatre années plus tard, date pour date, Eyadema devenu lieutenant-colonel et chef d’état major, à la faveur d’un nouveau coup d’Etat reprenait le pouvoir et bâtit autour de cette date, le mythe d’un pouvoir qu’il n’a plus jamais quitté. Pour la première fois au Togo, un gouvernement était composé majoritairement de ressortissants du nord du pays. Ils occupaient également d’importants postes dans la hiérarchie de l’Etat. Au fil des années la commémoration de cette date du 1er janvier est passée du simple anniversaire à la célébration d’une fête nationale de «salut public». C’est également le jour choisi par le chef de l’Etat pour faire le bilan de son œuvre, toujours en comparaison avec les premières années d’indépendance.

Cette année encore le 13 janvier a donné lieu à des manifestations grandioses. Un défilé militaire et civil devant l’ancien président du Nigeria Ibrahim Babangida, les ministres ghanéen et béninois et burkinabé de la Défense et le ministre comorien des Affaires étrangères. Un détachement des forces armées ghanéennes dont une fanfare a aussi participé aux manifestations. Dans son discours à la nation le président Eyadema a dit que «l’insuffisance de démocratisation que l’on se plait à avancer pour justifier la suspension de la coopération avec le Togo, est plutôt une accusation scandaleuse non fondée et réductrice de la réalité». Il s’est également félicité du travail accompli par la Commission nationale de lutte contre la corruption et le sabotage économique, qui aurait déjà récupéré plus de 2 milliards de franc Cfa au profit de l’Etat. Il faut rappeler que depuis 1993 le Togo fait l’objet de sanctions économiques suite à des malversations électorales et aux répressions des manifestations qui s’en sont suivies.

Mais le volet politique de son intervention bien que bref a retenu toutes les attentions. Le président souhaite la transparence et l’équité pour les prochaines élections législatives des 10 et 24 mars 2002. C’est justement pour débloquer une crise née de la procédure de commande des cartes d’électeurs que des «facilitateurs» de l’Union européenne, de la France, de l’Allemagne et de l’Organisation de la Francophonie sont arrivés à Lomé. L’opposition dans sa grande majorité souhaite que les cartes d’électeurs soient fabriquées par l’imprimerie nationale française, seul gage de sécurité à leurs yeux, contre l’avis du gouvernement. Par ailleurs les «facilitateurs» s’intéresseront au cas Yaovi Agboyibo, président du Comité d’action pour le renouveau, le CAR, parti politique d’opposition, condamné le 3 août 2001 à six mois de prison ferme pour diffamation envers le Premier ministre Agbéyomé Kodjo. La cour de d’appel de Lomé vient de casser cette condamnation, mais Yaovi Agboyibo est maintenu en détention pour une autre affaire de «complicité de groupement de malfaiteurs».

Gilchrist Olympio, fils de Sylvanus , opposant de toujours au régime Eyadema, célèbre aussi son 13 janvier. Journée de deuil pour sa famille. Une messe en la mémoire de son père a été dite le dimanche 13 janvier en l’église de la Madeleine à Paris. Il a profité de cette occasion pour reprocher au président Eyadema de continuer de célébrer cette date comme une fête nationale alors qu’il prône la réconciliation et la paix retrouvée.



par Didier  Samson

Article publié le 14/01/2002