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France

La France compte <br>ses sans-abri</br>

Pour la première fois, la France dispose d’un chiffre officiel sur les sans domicile fixe. L’INSEE estime à 86000 le nombre de personnes qui dorment en centres d'hébergement. De l’aveu même de l’organisme de statistiques, ce chiffre n’est qu’un minimum.
L’enquête menée par l'INSEE a été effectuée au cours d'une semaine du mois de janvier 2001, auprès de la population rencontrée en centres d'hébergement ou lors de distributions de repas chauds. L’organisme de statistiques a ainsi recensé 63.500 adultes, accompagnés de 16.000 enfants, auxquels se sont ajouté les 6.500 étrangers hébergés dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA).

Ce chiffre de 86000 personnes est pourtant loin d’être exhaustif. Cécile Brousse, co-auteur de l'enquête, précise que les sans domicile fixe (SDF) n'ayant eu recours, durant cette semaine de janvier, ni à un centre d'accueil, ni à une distribution de repas chaud, n’ont pas été pris en compte. Ces derniers survivent avec le soutien des habitants du quartier, le produit de la manche ou la nourriture glanée sur les marchés. Certes, en plein mois de janvier, leur nombre est sans doute assez faible. Néanmoins, conscient de cette lacune, l’INSEE a lancé une enquête complémentaire auprès des associations qui effectuent une tournée dans les rues à la recherche des sans-abri.

Parmi les 86.000 personnes recensées, ne figurent pas non plus les personnes sans logement propre, mais qui vivent à l'hôtel à leur frais (51.400 selon le recensement de 1999), chez des particuliers et familles éloignées (80.000 selon une enquête de 1996-97), ou encore, ayant trouvé refuge dans des constructions provisoires ou de fortune comme des baraques de chantier, locaux agricoles reconvertis ou caravanes immobilisées (41.400 selon le recensement de 1999).

De 200 à 400.000 personnes sont sans abri

Toutefois, ce recensement de 86 000 sans abri est le premier chiffre établi et officiel. La population des sans domicile fixe est restée longtemps inconnue. Et pour cause. Le terme de SDF recouvre des situations très variables, de la jeune femme battue qui a fui et vit depuis deux jours dans la rue au vieillard depuis dix ans sans domicile, en passant par le jeune fugueur ou l'étranger demandeur d'asile.

La difficulté vient aussi de la mobilité géographique de cette population et de sa situation instable, de la rue au logement précaire avant un retour à la rue. Et encore, tous les SDF ne bénéficiant pas de centres d'hébergement provisoire ne dorment pas tous les jours dans la rue, ou dans un abri précaire comme une gare, une voiture, ou une cage d'escalier. Un tiers d'entre eux disent se faire héberger ponctuellement par de la famille, des amis, ou vont dans les centres d'accueil de nuit.

Selon Cécile Brousse, cette étude est la seule de ce type en Europe. Elle a mobilisé 350 enquêteurs qui ont reçu une formation spécifique. Ils se sont rendus dans 80 agglomérations tirées au sort parmi celles de plus de 20.000 habitants de France métropolitaine, qui regroupent 85% des aides aux sans-abri. 800 structures d'hébergement ont été visitées et 4.109 personnes sans domicile ont été interviewées individuellement du 15 janvier au 15 février 2001. Pour éviter les doubles comptes, les enquêteurs ont demandé aux sans domicile quels lieux d'hébergement ou de restauration gratuite ils avaient fréquentés pendant la semaine écoulée.

Les chiffres avancés jusqu'à présent, venant d'associations caritatives essentiellement, étaient des estimations, pouvant varier du simple au double. Selon un rapport sur la grande pauvreté rédigé en 1987, 200 à 400.000 personnes étaient alors «en difficulté de logement.» Le recensement de 1990 comptabilisait quant à lui 202.000 sans-abri, dont 98.000 SDF, alors qu’Emmaüs avançait un chiffre de 400.000 sans-abri. Par ailleurs, une enquête de l'INSEE au cours d'une nuit de l'hiver 1995 à Paris avait comptabilisé 8.000 personnes dormant dans la rue.



par Céline  Boileau

Article publié le 29/01/2002