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Togo

La difficile facilitation

La mission des «facilitateurs» européens a tourné court. Venus pour relancer le dialogue inter-togolais, ils se sont heurtés à l’intransigeance des uns et des autres, avant d’afficher au grand jour leurs propres divergences. Et les Togolais d’ironiser: «comment voulez-vous que ça aille, quand ceux qui sont chargés de nous réconcilier se disputent aussi ?».
Les quatre «facilitateurs» du dialogue intertogolais, le français Bernard Stasi, l’allemand Paul Joachim Von Stulpnagel, Idé Oumarou pour la francophonie et Georg Reich, pour l’Union européenne, sont repartis du Togo, après une semaine de mission sans pouvoir, ni renouer le dialogue entre l’opposition et la mouvance présidentielle, ni relancer le processus électoral. Même si ce dernier point ne fait pas partie de sa mission première, son objectif après tout est de remettre le Togo sur la voie d’une démocratie apaisée, par des élections transparentes. Les facilitateurs qui n'en sont pas à leurs premières tentatives devaient aider à lever des points de désaccord sur l’organisation des élections législatives anticipées, initialement prévues le 10 mars 2002, mais qui avaient déjà subi deux reports.

Le contexte politique était d’autant plus délicat qu’un leader de l’opposition, Yaovi Agboyibo président du CAR (Comité d’action pour le renouveau), condamné à six mois ferme de prison pour diffamation contre le Premier ministre Agbéyomè Kodjo, a vu toute la procédure judiciaire annulée par la cour de cassation de Lomé pour vice de forme, mais est maintenu en détention pour d’autres chefs d’accusation, dont un pour association de malfaiteurs. Mais dans la perspective des élections législatives, dans un cadre apaisé, les facilitateurs ne désespéraient d’obtenir dans ce dossier, une grâce présidentielle. La libération de ce leader politique était un point essentiel dans les discussions. Par ailleurs l’organisation technique des élections qui semblaient recueillir d’adhésion de toutes les parties, est subitement redevenue la pierre d’achoppement qui remet tout en cause. La mouvance présidentielle après avoir rejeté l’offre de la France, sur proposition de l’opposition, de fabriquer les cartes d’électeurs, par l’imprimerie nationale française, a finalement abandonné sa contre proposition de faire imprimer lesdites cartes au Bénin. Une avancée sensible, selon les facilitateurs qui ont obtenu en contre partie de l’opposition, l’abandon de ses revendications sur un certain reéqulibrage du nombre des élus entre zones rurales et urbaines.

A ce jeu des compromis, les obstacles sont levés les uns après les autres. Mais la consensus tant espéré n’a pu être obtenu parce que la CENI (Commission électorale nationale indépendante) qui comprenait autant de membres de l’opposition que de la mouvance présidentielle, s’est retrouvée au cœur des disputes menées par les sympathisants du pouvoir. Les parlementaires du RPT (Rassemblement du peuple Togolais, ex-parti unique), et majoritaires à l’Assemblée nationale (l’opposition ayant boycotté les législatives de 1998), ont prononcé, le 22 janvier, la dissolution de la CENI, la jugeant incapable de conduire à bon escient les élections. «Si après plusieurs mois, ses membres n’ont pas été capables d’organiser des élections législatives anticipées malgré les nombreux rappels à l’ordre du président de la République, on voit mal comment ils pourraient, à présent s’acquitter de leur tâche».

Vers une réforme de la constitution

Ce rebondissement qui a anéanti tous les efforts de rapprochement, font dire au facilitateur allemand Paul Joachim Von Stulpnagel, que les partisans du pouvoir ont manifesté beaucoup de mauvaises volontés dans le règlement de la crise togolaise. «Notre mission n’est pas un échec, je suis tout simplement triste pour le peuple togolais» en disant sa plus grande réserve quant à la tenue effective dans des conditions normales, des prochaines élections législatives. En effet la loi électorale confie l’organisation des élections à la CENI, qui doit être installée au moins cinq semaines avant la tenue effective du scrutin. Or, dans le même temps, ces parlementaires demandent au gouvernement de «prendre toutes les mesures afin d’éviter le maintien du blocage constaté et d’organiser les élections législatives anticipées le plus rapidement possible». Par ces actes et communiqués le parlement vient d’ouvrir la voie à l’organisation d’un scrutin en dehors du cadre légal prévu par la constitution. Il faudrait donc la modifier, une éventualité à laquelle s’attendent l’opposition et certains observateurs de la vie politique. Cette possibilité avait déjà été soutenue par les «mouvanciers» qui souhaitent offrir au général Eyadema de briguer un autre mandat présidentiel.

Les facilitateurs qui ont des lectures différentes de la crise togolaise, vont néanmoins présenter, début février, leur rapport à Bruxelles devant les instances de l’Union européenne. Bernard Stasi jugeant les propos de son homologue allemand un peu excessif, ne désespère de pouvoir relancer le dialogue inter-togolais. Mais pour l’heure, tous les liens sont rompus. Les partis de l’opposition qui multiplient les réunions, s’accordent le temps de trouver une parade «aux intelligences du pouvoir». Le président de l’Union des forces pour le changement (UFC), Gilchrist Olympio, juge cette «partie de ping-pong préjudiciable pour le Togo et le peuple togolais». En effet le Togo connaît une situation économique difficile depuis que l’Union européenne a suspendu son appui financier, suite aux violences qui ont émaillé le processus de libéralisation politique au Togo depuis 1990. La banque mondiale et le Fonds monétaire international, dont une délégation conjointe évalue actuellement au Togo, la situation économique, subordonnent dans tous les cas la reprise de leurs aides à l’engagement de l’Europe. L’Union européenne devrait bientôt publier une déclaration sur la situation politique au Togo, dont elle attend toujours des assurances politiques.



par Didier  Samson

Article publié le 25/01/2002