Angola
Jonas Savimbi est mort
Jonas Savimbi est tombé sous les balles gouvernementales. La mort du leader des rebelles l'UNITA, en guerre depuis 25 ans contre le pouvoir de Luanda, est un événement majeur dans la plus vieille guerre d'Afrique.
Jonas Savimbi est donc mort. Sa disparition a été annoncée tant de fois par les autorités de Luanda, ces dernières années, qu'on ose à peine y croire. Pourtant le gouvernement angolais est cette fois sûr de son fait, alors que des images du corps du leader des rebelles de l'UNITA (Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola) ont été diffusées à la télévision portugaise. En lutte depuis plus de vingt-cinq ans contre le régime du MPLA (Mouvement populaire de libération de l'Angola), il a été tué vendredi lors de combats avec l'armée dans la province de Moxico, dans le centre-est du pays. Selon un officier commandant l'attaque, il est mort les armes à la main avec vingt et un rebelles chargés de sa protection.
La disparition du leader charismatique de l'UNITA est un événement majeur dans la guerre civile qui secoue l'Angola depuis 1975. Agé de 67 ans, Savimbi avait consacré sa vie à l'opposition armée au pouvoir de Luanda. Né le 3 août 1934, dans la province de Bié, d'un père chef de gare, il devient brillant élève d'une mission protestante. Si brillant qu'il sera l'un des rares Angolais noirs, pendant la colonisation, à aller faire ses études de médecine au Portugal, grâce à l'aide de missionnaires américains.
Du maoïsme à la guérilla anti-marxiste
Un temps membre du Front national de libération de l'Angola (FNLA) de Roberto Holden, il fonde son propre mouvement l'UNITA, en 1966. Savimbi revient alors de Chine, où il a reçu une formation politique et militaire de plusieurs mois. A l'indépendance, c'est pourtant dans le camp des anti-marxistes qu'il se rangera. Après la révolution des œillets, intervenue au Portugal en avril 1974, Lisbonne tente de mettre en place un gouvernement d'union nationale comprenant les trois principaux partis, MPLA, FNLA et UNITA. Mais l'entente est impossible. En pleine guerre froide, le Mouvement populaire de libération de l'Angola, soutenu par l'URSS et Cuba, prend le contrôle Luanda en juillet 1975. Après une brève alliance avec le FNLA, rapidement marginalisé, l'UNITA gagne définitivement le maquis. Savimbi devient l'homme des Etats-Unis et du régime d'apartheid sud-africain, qui lui offre armes et experts militaires, et a ses entrées au Portugal et en France.
En 1988, les premières négociations de paix s'ouvrent toutefois à New York. Elles aboutissent à un cessez-le-feu, en juin 1989, qui ne tiendra que quelques semaines. Dans la décennie qui va suivre, le chef rebelle apparaîtra ainsi rapidement comme le fauteur de guerre, d'autant que la fin de l'affrontement Est-Ouest lui aliène progressivement ses soutiens traditionnels. En septembre 1992, alors qu'il est devancé par le président Eduardo Dos Santos et le MPLA aux élections présidentielle et législatives, il conteste les résultats et reprend les armes. Il faudra deux années d'intenses négociations pour parvenir à un nouvel accord de paix, en novembre 1994, à Lusaka, en Zambie. Malgré l'envoi de troupes onusiennes, les combats éclatent à nouveau l'année suivante. Savimbi accepte néanmoins de rencontrer Eduardo Dos Santos à Lusaka, en juillet. Une révision constitutionnelle crée spécialement pour lui un poste de vice-président. Les opérations de casernement de l'UNITA commencent. Et malgré des combats sporadiques, un accord est conclu pour la formation d'un gouvernement d'unité nationale en mars 1997, suivi de l'entrée au Parlement des 70 députés du mouvement élus en 1992. Mais la guerre reprend de plus belle en 1998.
Bien qu'il ne bénéficie plus du soutien des Etats-Unis, et malgré les sanctions onusiennes qui frappent de plus en plus fortement son mouvement depuis 1993, Savimbi continue à financer une armée de plusieurs dizaines de milliers d'hommes grâce à l'exploitation du diamant dans les zones qu'il contrôle. De son côté, le régime de Luanda, fort de la montée en puissance de l'extraction pétrolière off-shore et de la commercialisation du diamant, se lance dans une "stratégie totale" visant à éliminer l'UNITA et son leader. Lâché par certains de ses proches, lassés de son entêtement qui ont formé l'UNITA Rénové, Savimbi n'entend toutefois aucunement lâcher prise. L'année dernière encore, ses hommes avaient multiplié les attaques à proximité de la capitale. Cette fois pourtant, l'armée gouvernementale a eu raison de cet habile stratège, dirigeant son mouvement d'une main de fer, et qui aura provoqué la poursuite inutile d'une des guerres civiles les plus meurtrières de l'Afrique contemporaine. Au moins 500 000 personnes en ont été les victimes directes, plus de 100 000 autres ont été blessées, des millions déplacées. Les infrastructures du pays sont entièrement détruites, le territoire couvert de mines. Eldorado pétrolier produisant 700 000 barils par jours, dont le sous-sol regorge de diamants, l'Angola va-t-il pour autant connaître la paix? Certains analystes estiment que la disparition de son leader devrait affaiblir l'UNITA, mais ils restent prudents quant à l'espoir que ses guérilleros rendent les armes.
Ecoutez également :
Charles Josselin ministre délégué à la Coopération
(24/02/2002, 1')
Arlando Barbèdos chercheur angolais au micro de Mouna El Banna (24/02/2002, 5'08")
André Thomasaozen, professeur de droit international à l'université de Prétoria au micro de Boris Fleurenceau.
La disparition du leader charismatique de l'UNITA est un événement majeur dans la guerre civile qui secoue l'Angola depuis 1975. Agé de 67 ans, Savimbi avait consacré sa vie à l'opposition armée au pouvoir de Luanda. Né le 3 août 1934, dans la province de Bié, d'un père chef de gare, il devient brillant élève d'une mission protestante. Si brillant qu'il sera l'un des rares Angolais noirs, pendant la colonisation, à aller faire ses études de médecine au Portugal, grâce à l'aide de missionnaires américains.
Du maoïsme à la guérilla anti-marxiste
Un temps membre du Front national de libération de l'Angola (FNLA) de Roberto Holden, il fonde son propre mouvement l'UNITA, en 1966. Savimbi revient alors de Chine, où il a reçu une formation politique et militaire de plusieurs mois. A l'indépendance, c'est pourtant dans le camp des anti-marxistes qu'il se rangera. Après la révolution des œillets, intervenue au Portugal en avril 1974, Lisbonne tente de mettre en place un gouvernement d'union nationale comprenant les trois principaux partis, MPLA, FNLA et UNITA. Mais l'entente est impossible. En pleine guerre froide, le Mouvement populaire de libération de l'Angola, soutenu par l'URSS et Cuba, prend le contrôle Luanda en juillet 1975. Après une brève alliance avec le FNLA, rapidement marginalisé, l'UNITA gagne définitivement le maquis. Savimbi devient l'homme des Etats-Unis et du régime d'apartheid sud-africain, qui lui offre armes et experts militaires, et a ses entrées au Portugal et en France.
En 1988, les premières négociations de paix s'ouvrent toutefois à New York. Elles aboutissent à un cessez-le-feu, en juin 1989, qui ne tiendra que quelques semaines. Dans la décennie qui va suivre, le chef rebelle apparaîtra ainsi rapidement comme le fauteur de guerre, d'autant que la fin de l'affrontement Est-Ouest lui aliène progressivement ses soutiens traditionnels. En septembre 1992, alors qu'il est devancé par le président Eduardo Dos Santos et le MPLA aux élections présidentielle et législatives, il conteste les résultats et reprend les armes. Il faudra deux années d'intenses négociations pour parvenir à un nouvel accord de paix, en novembre 1994, à Lusaka, en Zambie. Malgré l'envoi de troupes onusiennes, les combats éclatent à nouveau l'année suivante. Savimbi accepte néanmoins de rencontrer Eduardo Dos Santos à Lusaka, en juillet. Une révision constitutionnelle crée spécialement pour lui un poste de vice-président. Les opérations de casernement de l'UNITA commencent. Et malgré des combats sporadiques, un accord est conclu pour la formation d'un gouvernement d'unité nationale en mars 1997, suivi de l'entrée au Parlement des 70 députés du mouvement élus en 1992. Mais la guerre reprend de plus belle en 1998.
Bien qu'il ne bénéficie plus du soutien des Etats-Unis, et malgré les sanctions onusiennes qui frappent de plus en plus fortement son mouvement depuis 1993, Savimbi continue à financer une armée de plusieurs dizaines de milliers d'hommes grâce à l'exploitation du diamant dans les zones qu'il contrôle. De son côté, le régime de Luanda, fort de la montée en puissance de l'extraction pétrolière off-shore et de la commercialisation du diamant, se lance dans une "stratégie totale" visant à éliminer l'UNITA et son leader. Lâché par certains de ses proches, lassés de son entêtement qui ont formé l'UNITA Rénové, Savimbi n'entend toutefois aucunement lâcher prise. L'année dernière encore, ses hommes avaient multiplié les attaques à proximité de la capitale. Cette fois pourtant, l'armée gouvernementale a eu raison de cet habile stratège, dirigeant son mouvement d'une main de fer, et qui aura provoqué la poursuite inutile d'une des guerres civiles les plus meurtrières de l'Afrique contemporaine. Au moins 500 000 personnes en ont été les victimes directes, plus de 100 000 autres ont été blessées, des millions déplacées. Les infrastructures du pays sont entièrement détruites, le territoire couvert de mines. Eldorado pétrolier produisant 700 000 barils par jours, dont le sous-sol regorge de diamants, l'Angola va-t-il pour autant connaître la paix? Certains analystes estiment que la disparition de son leader devrait affaiblir l'UNITA, mais ils restent prudents quant à l'espoir que ses guérilleros rendent les armes.
Ecoutez également :
Charles Josselin ministre délégué à la Coopération(24/02/2002, 1')
Arlando Barbèdos chercheur angolais au micro de Mouna El Banna (24/02/2002, 5'08") André Thomasaozen, professeur de droit international à l'université de Prétoria au micro de Boris Fleurenceau.par Christophe Champin
Article publié le 23/02/2002
