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Proche-Orient

Les doutes palestiniens

Les Palestiniens émettent de sérieux doutes sur la volonté d'Ariel Sharon de parvenir à un cessez-le-feu, tant que les blindés israéliens resteront stationnés autour des principales villes de Cisjordanie situées en zone A. Pour eux, seuls les Etats-Unis détiennent les clés d'une solution de retour au calme.
De notre envoyé spécial à Ramallah

Pour les analystes palestiniens, un éventuel échec de la mission de l'envoyé spécial américain, le général Anthony Zinni, serait catastrophique. «Dans les deux prochaines semaines, nous saurons s'il a réussi ou non sa mission, explique Ali Jerbaoui, politologue à l'Université de Birzeit. Soit un cessez-le feu entre en vigueur, accompagné d'un agenda politique, soit nous pourrions assister à une réoccupation totale de la Cisjordanie dans les prochains mois. Tout dépend du sérieux des Etats-Unis.»

Comme le rappelle, dans un éditorial, le journal Al-Qods, les Palestiniens ont besoin de garanties pour que ne se reproduisent plus les récentes opérations de réoccupation israéliennes. Qualifiant la mission du général Zinni de «compliquée et de difficile», le journal palestinien note cependant que seule «l'administration américaine dispose des clés d'une solution permettant de contraindre le gouvernement israélien à respecter la légalité internationale.»

Pour le moment, la direction palestinienne conditionne toute nouvelle rencontre sécuritaire avec les Israéliens, au retrait de leurs blindés et leurs troupes de la périphérie des grandes villes palestiniennes situées en zone A, c'est-à-dire sous contrôle exclusif de l'Autorité de Yasser Arafat. «L'essentiel, ajoute Moustapha Bargouthi, analyste politique à Ramallah, est que la mission d'Anthony Zinni ne soit pas l'otage des manoeuvres d'Ariel Sharon. L'écrasante majorité des Palestiniens soutient le principe des négociations, mais elle veut que les sacrifices qu'elle consent se traduise en gains politiques.» Pour lui, la visite de l'émissaire américain constitue au mieux «une trêve au milieu de la guerre.»

L'option d'une réoccupation totale

Pour les analystes politiques palestiniens, la récente réoccupation totale de Ramallah par 150 blindés israéliens, la plus vaste opération militaire de l'Etat hébreu menée en Cisjordanie depuis 1967, pourrait bien constituer un galop d'essai, prélude à une réoccupation totale de ce territoire. Ali Jerbaoui en est convaincu, si Anthony Zinni n'arrache pas un cessez-le-feu à l'issue de ses navettes entre Ariel Sharon et Yasser Arafat : «L'option de la réoccupation de la Cisjordanie dans les trois mois à venir est logique et très probable, commente-il. Ariel Sharon la présentera comme un plan temporaire, indispensable à l'éradication de ce qu'il appelle les infrastructures terroristes.»

Dans ce scénario, Ali Jerbaoui estime que «Yasser Arafat restera confiné dans son QG de Ramallah et que l'armée israélienne ratissera la Cisjordanie, placée alors sous couvre-feu, à la recherche d'armes et d'activistes palestiniens et tentera d'éliminer les éléments radicaux de l'Autorité Palestinienne.»

Mais, pour mettre à exécution ce plan, poursuit-il, «Ariel Sharon aura besoin d'un prétexte, qui pourrait être une campagne d'attentats-suicides particulièrement meurtriers de kamikazes palestiniens en Israël». Bloqué dans Ramallah depuis la réoccupation de la ville, le gouverneur de Jénine, Zouheir Al-Manasreh, n'est guère optimiste, lui non plus, et considére que le conflit est arrivé à un point critique. «Il faut absolument que les Américains ramènent Ariel Sharon sur le chemin de la raison, explique-t-il. Il n'y a pas d'option médiane : soit nous réenclenchons une dynamique de paix, et les Palestiniens y sont favorables, soit nous entrons dans une dynamique de guerre.»

Si la deuxième option prévaut, Zouheir Al-Manasreh, prévoit non seulement une explosion de violence dans les Territoires Palestiniens et en Israël mais également dans toute la région.



par Christian  Chesnot

Article publié le 17/03/2002