Attentats
La peine de mort requise contre Moussaoui
Le ministère américain de la Justice va requérir la peine de mort contre le Français d'origine marocaine Zacarias Moussaoui, inculpé dans l'enquête sur les attentats du 11 septembre. Paris a regretté cette décision et ne transmettra à la justice américaine aucun document susceptible de contribuer à l’obtention de la peine capitale.
De notre correspondant à New York
Sans grande surprise, le département de la justice américain a décidé de requérir la peine capitale contre Zacarias Moussaoui, 33 ans. Le Français d’origine marocaine est pour l’instant le seul inculpé soupçonné par les autorités américaines d’avoir participé au complot qui a abouti aux attentats du 11 septembre. «Dans cette affaire, nous restons déterminés non seulement à rendre justice mais aussi à faire pleinement respecter les droits des victimes», a expliqué le ministre de la justice John Ashcroft, par ailleurs un fervent supporter de la peine de mort. Dans un document de 9 pages communiqué au tribunal d’Alexandria, en Virginie où se tiendra le procès début octobre, les procureurs justifient cette décision par le «manque de remords» de Zacarias Moussaoui et l’impact des attentats du 11 septembre sur les familles des victimes, les blessés, le Pentagone et l’économie de New York
Selon la justice américaine, le Français né à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques), aurait été le «vingtième» homme (celui qui aurait normalement dû rejoindre les 19 autres terroristes aux manettes des avions qui se sont écrasés le 11 septembre), s’il n’avait pas été arrêté le 17 août dernier pour violation des lois sur l'immigration. Il avait tenté de prendre des cours de pilotage dans le Minnesota où il avait éveillé les soupçons des instructeurs en se montrant intéressé uniquement par les manœuvres en vol, et non par les procédures de décollage et d’atterrissage. Pour sa formation, il a payé des sommes considérables en liquide. Chez lui, les enquêteurs ont retrouvé des manuels de pilotage de Boeing 747-400, un simulateur de vol et des informations sur les techniques d'épandage de pesticide. Il avait également acheté des vidéos sur le pilotage de Boeing dans le même magasin que deux des pirates de l'air présumés : Mohammed Atta et Nawaf al-Azmi.
Le grand jury fédéral d’Alexandria avait inculpé Moussaoui de six chefs d’accusation pour avoir conspiré avec Oussama Ben Laden et les 19 terroristes du 11 septembre. Quatre de ces chefs d’inculpation peuvent entraîner la peine de mort, notamment pour terrorisme international et utilisation d’armes de destruction de masse. Toute la difficulté pour les procureurs sera de prouver qu’un homme qui était derrière les barreaux le 11 septembre doit être exécuté pour avoir participé aux attentats qui ont fait près de 3 000 morts. La loi prévoit en effet que la peine de mort ne s’applique que si l’accusé a commis un acte qui a directement provoqué la mort d’une victime. Ce choix est peut-être tout simplement tactique. Une fois la peine de mort requise, le jury qui décidera du sort de Moussaoui ne pourra être composé que de personnes qui sont favorables à la peine de mort, traditionnellement plus sévères que les opposants à la peine capitale.
La collaboration des autorités françaises en débat
Paris a «regretté» la décision américaine. Mais le gouvernement français ne va pas mettre un terme à sa coopération judiciaire avec les États-Unis, comme une convention de décembre 1998 l’y autoriserait. «La France est prête à poursuivre ses consultations dans un esprit de coopération, mais elle fera en sorte que les pièces ne soient pas utilisées comme fondement d'une réquisition de peine de mort, d'un verdict ou d'une sentence en ce sens», a expliqué le ministre des affaires étrangères Hubert Védrine. «Il n'est pas dans notre esprit d'arrêter la coopération car vous comprenez bien que les réseaux terroristes mis en place qui ont oeuvré de manière terrible aux Etats-Unis, étaient implantés sur notre territoire et le sont peut-être» toujours, a pour sa part affirmé la ministre de la justice Marylise Lebranchu. Selon les services de renseignement français, Zacarias Moussaoui avait adhéré à des thèses islamistes radicales avant son départ au Royaume-Uni. En 1998, il aurait suivi un entraînement dans un camp d’Al Qaïda en Afghanistan. En 1999, la DST l'avait inscrit au fichier des personnes recherchées pour des liens possibles avec le groupe terroriste du Djihad islamique.
Un collectif regroupant notamment le syndicat de la magistrature (SM), l'Association des chrétiens contre la torture (ACAT) et la Ligue des droits de l'Homme a demandé au gouvernement français «de ne pas transiger sur les principes qui sont les leurs» tout en rappelant que «la lutte contre la peine de mort ne souffre aucune exception ni aucun compromis». Selon eux, le «tri» des documents entre ceux qui peuvent servir de fondement à une peine capitale et les autres est illusoire. «Les autorités françaises, le gouvernement comme le président de la République, ont manifestement décidé de prendre le risque de l'exécution de Moussaoui pour ne pas s'exposer aux critiques du gouvernement américain», affirme le collectif.
Ce n’est pas la première fois que la collaboration du gouvernement français fait débat. Au début du mois, le frère de Zacarias Moussaoui Abd-Samad, avait été entendu par le procureur américain Robert Spencer dans un commissariat de Montpellier. Il avait refusé de parler, expliquant son silence par le fait qu’il «n'était pas question de répondre aux questions d'un juge qui va ensuite demander la peine de mort» pour son frère. «Je suis choqué par de telles auditions et je me demande comment le gouvernement (français) peut se prêter à cela, sachant qu'il s'agit de récolter des faits pour réclamer la peine de mort» avait alors déclaré l'avocat de Zacarias Moussaoui, Me Francois Roux. Cette convocation judiciaire avait été signifiée officiellement le 11 mars par la DST. La mère de Zacarias avait refusé de se rendre à sa convocation. Selon elle, les Américains «cherchent une tête» à couper et son fils fait office de «bouc émissaire». Le frère de Zacarias a lui estimé que l’on va «vers une vengeance, et non pas vers une justice sereine.»
Sans grande surprise, le département de la justice américain a décidé de requérir la peine capitale contre Zacarias Moussaoui, 33 ans. Le Français d’origine marocaine est pour l’instant le seul inculpé soupçonné par les autorités américaines d’avoir participé au complot qui a abouti aux attentats du 11 septembre. «Dans cette affaire, nous restons déterminés non seulement à rendre justice mais aussi à faire pleinement respecter les droits des victimes», a expliqué le ministre de la justice John Ashcroft, par ailleurs un fervent supporter de la peine de mort. Dans un document de 9 pages communiqué au tribunal d’Alexandria, en Virginie où se tiendra le procès début octobre, les procureurs justifient cette décision par le «manque de remords» de Zacarias Moussaoui et l’impact des attentats du 11 septembre sur les familles des victimes, les blessés, le Pentagone et l’économie de New York
Selon la justice américaine, le Français né à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques), aurait été le «vingtième» homme (celui qui aurait normalement dû rejoindre les 19 autres terroristes aux manettes des avions qui se sont écrasés le 11 septembre), s’il n’avait pas été arrêté le 17 août dernier pour violation des lois sur l'immigration. Il avait tenté de prendre des cours de pilotage dans le Minnesota où il avait éveillé les soupçons des instructeurs en se montrant intéressé uniquement par les manœuvres en vol, et non par les procédures de décollage et d’atterrissage. Pour sa formation, il a payé des sommes considérables en liquide. Chez lui, les enquêteurs ont retrouvé des manuels de pilotage de Boeing 747-400, un simulateur de vol et des informations sur les techniques d'épandage de pesticide. Il avait également acheté des vidéos sur le pilotage de Boeing dans le même magasin que deux des pirates de l'air présumés : Mohammed Atta et Nawaf al-Azmi.
Le grand jury fédéral d’Alexandria avait inculpé Moussaoui de six chefs d’accusation pour avoir conspiré avec Oussama Ben Laden et les 19 terroristes du 11 septembre. Quatre de ces chefs d’inculpation peuvent entraîner la peine de mort, notamment pour terrorisme international et utilisation d’armes de destruction de masse. Toute la difficulté pour les procureurs sera de prouver qu’un homme qui était derrière les barreaux le 11 septembre doit être exécuté pour avoir participé aux attentats qui ont fait près de 3 000 morts. La loi prévoit en effet que la peine de mort ne s’applique que si l’accusé a commis un acte qui a directement provoqué la mort d’une victime. Ce choix est peut-être tout simplement tactique. Une fois la peine de mort requise, le jury qui décidera du sort de Moussaoui ne pourra être composé que de personnes qui sont favorables à la peine de mort, traditionnellement plus sévères que les opposants à la peine capitale.
La collaboration des autorités françaises en débat
Paris a «regretté» la décision américaine. Mais le gouvernement français ne va pas mettre un terme à sa coopération judiciaire avec les États-Unis, comme une convention de décembre 1998 l’y autoriserait. «La France est prête à poursuivre ses consultations dans un esprit de coopération, mais elle fera en sorte que les pièces ne soient pas utilisées comme fondement d'une réquisition de peine de mort, d'un verdict ou d'une sentence en ce sens», a expliqué le ministre des affaires étrangères Hubert Védrine. «Il n'est pas dans notre esprit d'arrêter la coopération car vous comprenez bien que les réseaux terroristes mis en place qui ont oeuvré de manière terrible aux Etats-Unis, étaient implantés sur notre territoire et le sont peut-être» toujours, a pour sa part affirmé la ministre de la justice Marylise Lebranchu. Selon les services de renseignement français, Zacarias Moussaoui avait adhéré à des thèses islamistes radicales avant son départ au Royaume-Uni. En 1998, il aurait suivi un entraînement dans un camp d’Al Qaïda en Afghanistan. En 1999, la DST l'avait inscrit au fichier des personnes recherchées pour des liens possibles avec le groupe terroriste du Djihad islamique.
Un collectif regroupant notamment le syndicat de la magistrature (SM), l'Association des chrétiens contre la torture (ACAT) et la Ligue des droits de l'Homme a demandé au gouvernement français «de ne pas transiger sur les principes qui sont les leurs» tout en rappelant que «la lutte contre la peine de mort ne souffre aucune exception ni aucun compromis». Selon eux, le «tri» des documents entre ceux qui peuvent servir de fondement à une peine capitale et les autres est illusoire. «Les autorités françaises, le gouvernement comme le président de la République, ont manifestement décidé de prendre le risque de l'exécution de Moussaoui pour ne pas s'exposer aux critiques du gouvernement américain», affirme le collectif.
Ce n’est pas la première fois que la collaboration du gouvernement français fait débat. Au début du mois, le frère de Zacarias Moussaoui Abd-Samad, avait été entendu par le procureur américain Robert Spencer dans un commissariat de Montpellier. Il avait refusé de parler, expliquant son silence par le fait qu’il «n'était pas question de répondre aux questions d'un juge qui va ensuite demander la peine de mort» pour son frère. «Je suis choqué par de telles auditions et je me demande comment le gouvernement (français) peut se prêter à cela, sachant qu'il s'agit de récolter des faits pour réclamer la peine de mort» avait alors déclaré l'avocat de Zacarias Moussaoui, Me Francois Roux. Cette convocation judiciaire avait été signifiée officiellement le 11 mars par la DST. La mère de Zacarias avait refusé de se rendre à sa convocation. Selon elle, les Américains «cherchent une tête» à couper et son fils fait office de «bouc émissaire». Le frère de Zacarias a lui estimé que l’on va «vers une vengeance, et non pas vers une justice sereine.»
par Philippe Bolopion
Article publié le 29/03/2002