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Société

Le mariage forcé

Le mariage sans le consentement des jeunes filles est aujourd’hui porté sur la place publique, grâce à une très forte médiatisation de certains cas en France. A la faveur de la journée internationale de la femme, le 8 mars, plusieurs manifestations de sensibilisation et de mobilisation sont organisées par des associations à Paris pour aider à faire lever certains tabous.
Le mariage forcé, ou sans le consentement des jeunes est une pratique assez courante dans certaines sociétés traditionnelles. Dans la communauté africaine, certaines nationalités se retrouvent au cœur de ces pratiques. Chez les Maliens, les Sénégalais et les Mauritaniens vivant en France qui ont souvent recours à cette méthode pour «caser» leurs filles, la rébellion commence par s’organiser et s’inspire souvent de l’expérience des femmes dans les communautés maghrébines et turques où le phénomène est aussi récurrent. Dans toutes ces communautés le statut de la femme défini par la religion, correspond à une position de «mineur sous tutelle». De fait, le choix d’un chef de famille ne peut être que pour le bien de «ses protégés». C’est pourquoi toutes les associations qui combattent aujourd’hui ces pratiques reconnaissent les bons sentiments dont procède au départ, le choix des parents.

Les sociétés traditionnelles qui ont toujours vécu sur ce modèle, reproduisent les mêmes comportements à l’étranger avec d’autant plus de convictions, qu’ils constituent à leurs yeux le dernier rempart contre «l’assimilation». «Organiser ces mariages dans le cercle communautaire contribuerait à pérenniser l’existence culturelle et humaine des différents groupes». La peur de «l’assimilation-disparition» est apparue avec la génération des enfants nés en France, Français donc, arrivés à l’âge de se marier, mais dont les choix amoureux ne vont pas forcément vers leurs semblables. L’autorité des parents s’exercent donc dans les unions arrangées, dont la plupart finissent dans «la violence faite aux femmes et par le divorce», comme le souligne, dans le journal «le Parisien», Gaye Petek-Salom, directrice de l’Association Elélé migrations et cultures de Turquie.

Comment dire non ?

C’est sur ce terrain de la violence faite aux femmes, que les associations consacrent aujourd’hui leurs efforts. Elles s’opposent à la déscolarisation des jeunes filles, renvoyées contre leur gré dans le pays de leurs parents. Nées en France, elles n’ont que des relations distantes et de vacances avec «le pays», qui n’est plus le leur. Et dans ce pays, elles seront contraintes de vivre avec un inconnu. L’association Femmes solidaires, part de ce constat pour expliquer les souffrances des femmes qui sont victimes du mariage forcé. Catherine Eudeline, secrétaire nationale de Femmes solidaires, fait remarquer que « le manque de liberté est une torture faite aux femmes et de surcroît leur imposer des relations sexuelles, est ni plus ni moins du viol organisé». C’est pourquoi son association oriente son travail d’abord vers les populations immigrées qui ont souvent recours à ses pratiques.

Mais du travail de sensibilisation et d’explication des lois, les associations se retrouvent dans un autre rôle de médiation, lorsque le processus de mariage est déjà engagé. Elles tentent de faire changer d’avis aux parents, avant d’envisager, le cas échéant, de mettre à disposition des victimes, tout un arsenal juridique et social. Mais la difficulté pour les jeunes filles, élevées dans le strict respect des parents, c’est de s’opposer à leurs parents. Comment dire non ? Fatoumata Konta, dont l’histoire avait ému toute la France, séquestrée par sa famille au Sénégal, promise à un mariage alors qu’elle devait passer son baccalauréat, est aujourd’hui à la tête de l’Association Fatoumata pour l’émancipation des femmes (AFEF), qui prône le dialogue et la prise de parole par les jeunes filles.

De sa rupture totale avec sa famille, elle a tiré une leçon: le dialogue avant la confrontation. Les familles savent aussi que les lois en France interdisent de telles pratiques, c’est aussi pourquoi le prétexte des vacances est utilisé pour soustraire les filles, souvent mineures, à leur milieu français. Les conseils prodigués par l’AFEF, consistent à dire aux jeunes filles de dire à un maximum de personnes qu’elles voyagent en donnant des adresses et dates éventuelles de retour, dans leurs établissements scolaires, auprès des amis et à des associations susceptibles de «déclencher des alarmes».

La mairie de Paris a prêté ses locaux, le 8 mars, aux différentes associations parisiennes qui s’intéressent à la question pour qu’elles se fassent mieux connaître, pour aider à la dissipation du secret qui cache beaucoup de drame.

Voici quelques adresses d’associations qui apportent secours aides et assistances aux personnes victimes des mariages forcés. Femmes solidaires: 25, rue du Charolais, 75012 Paris. Téléphone: 01 40 01 90 90. Association Fatoumata pour l’émancipation des femmes, AFEF, Lycée Colbert, 27 rue du Château Landon 75010 Paris. Courriel: afef@free.fr. Elélé migrations et cultures de Turquie : 20 rue de la Pierre-Levée, 75011 Paris, téléphone : 01 43 57 76 28.



par Didier  Samson

Article publié le 08/03/2002