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Droits de l''Homme

Les défenseurs dans la ligne de mire

Dans son dernier rapport, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme s’inquiète de la répression de plus en plus féroce contre ceux qui s’engagent sur ce terrain. Pour cet organisme créé par la FIDH et l’OMCT les attentats du 11 septembre ont aggravé la situation.
Défendre les droits de l’Homme n’est plus l’apanage des organisations non-gouvernementales engagées sur ce terrain. Avocats, journalistes, syndicalistes, ou même militants de l’environnement : les personnes engagées dans la lutte contre les violations des droits humains sont à la fois plus nombreuses et plus diversifiées que jamais. Mais ce dynamisme de la société civile, constaté à peu près partout dans le monde, a une contrepartie : ceux qui s’engagent sur ce terrain sont désormais les cibles privilégiées de la répression. C’est le constat de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme qui vient de publier un quatrième rapport annuel au titre évocateur : «Les défenseurs des droits de l’Homme en première ligne».

Créée en 1997 par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la Torture (OMCT), cette structure a malheureusement largement prouvé sa pertinence. Pour la seule année 2001, les deux organisations recensent plus de 400 cas de défenseurs victimes de répression à travers le monde. «Il y a un accroissement de la répression», a constaté le Sénégalais Sidiki Kaba, président de la FIDH, lors de la présentation du rapport, le 11 mars. D’après lui, la «guerre contre le terrorisme» engagée depuis les attentats, aux Etats-Unis, a empiré les choses : «Le contexte du 11 septembre a pu donner un blanc seing à certains Etats qui peuvent s’adonner à la répression, dans certains cas, systématique».

Une répression multiforme

Antoine Bernard, directeur exécutif de la FIDH renchérit en fustigeant «l’opportunisme sécuritaire» de certains dirigeants. De fait, constate l’Observatoire pour la protection des défenseurs, certains gouvernements, qui avaient déjà mis en place «de véritables stratégies pour museler tous ceux qui émettent une opinion divergente ou critique», ont vu dans les alliances constituées après les attentats du 11 septembre un véritable feu vert. C’est le cas en Asie, où nombre de pays ont pu justifier le maintien de lois anti-terroristes ou sécuritaires, qui étaient de plus en plus contestées localement. «Ces attentats viennent aggraver un contexte qui existait déjà», tempère Eric Sottas, directeur de l’OMCT. Il en veut pour preuve les cas de l’Algérie et de la Tunisie qui «ont déjà depuis longtemps mis entre parenthèses le droit, pour cause de lutte contre le terrorisme».

Attentats ou pas, dans nombre de pays, ceux qui défendent les droits humains sont considérés par les autorités en place comme des facteurs potentiels de déstabilisation, qu’il faut empêcher d’agir, voire éliminer. Selon l’Observatoire, la répression est multiforme. Les meurtres et disparitions sont monnaie courante, comme en Colombie où pas moins de 10 militants d’ONG et 150 syndicalistes ont été tués en 2001. Dans toutes les régions du monde les cas d’emprisonnement ou d’intimidations sont légions. Et ils ne sont pas seulement le fait des Etats, dans les pays où opèrent des milices privées ou rébellions armées, à l’image de la République démocratique du Congo.

Les méthodes sont parfois aussi plus subtiles, souligne Eric Sottas : «les organisations de défense des droits de l’Homme peuvent, par exemple, se voir interdire des financements externes. Depuis les attentats du 11 septembre, il faut ainsi s’assurer qu’il n’y a pas blanchiment d’argent sale à travers ces ONG. Le droits des associations à s’enregister est également l’occasion de pressions». Le directeur de l’OMCT s’inquiète par ailleurs de la difficulté pour certaines associations indépendantes d'obtenir un statut consultatif auprès du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, alors que d’autres, parrainées par des gouvernements peu recommandables, y parviennent aisément.

L’Observatoire pointe, en outre, des cibles moins évidentes de la répression, comme les défenseurs des droits des homosexuels ou ceux des populations autochtones et de l’environnement. Le rapport s’inquiète enfin de la pression accrue contre les militants «anti-mondialisation», notamment lors du sommet du G8, à Gênes, en juillet 2001.

La FIDH et l’OMCT entendent bien mettre en avant l’ensemble de ces questions, lors de la prochaine session annuelle du Comité des droits de l’homme de l’ONU, qui s’ouvre le 18 mars. Dans cette perspective, le directeur exécutif de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme a profité de la présentation du rapport de l’observatoire pour lancer un appel aux 53 Etats qui la composent à «ne pas sacrifier les droits de l’Homme et leurs défenseurs sur l’autel de la lutte contre le terrorisme». A la veille de la présidentielle française, il n’a pas manqué non plus d’égratigner les politiciens français, toutes tendances confondues, en affichant ses «doutes sur l’intérêt des candidats» pour le sort des défenseurs des droits de l’Homme.

Pour en savoir plus:

.rampport 2001 de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme.

.Organisation mondiale contre la torture



par Christophe  Champin

Article publié le 11/03/2002