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Guerre d''Algérie

Il y a 40 ans, les Accords d'Evian

Au terme d’une guerre qui ne dit pas son nom, les Accords d’Evian, du 18 mars 1962, viennent conclure un cessez-le-feu entre le Front de libération nationale de l’Algérie et la France. Ces accords sont aussi le point de départ du processus d’indépendance qui entraîne le départ massif de plusieurs milliers de Français d’Algérie, les «Pieds noirs». Ces accords pousseront aussi les «Harkis», soldats algériens ayant combattu dans l’armée française, à faire des choix cornéliens.
«Au nom du Gouvernement provisoire de la République algérienne, mandaté par le Conseil national de la révolution algérienne, je proclame le cessez-le-feu, sur tout le territoire algérien à partir du 19 mars 1962 à douze heures. J’ordonne, au nom du Gouvernement provisoire de la république algérienne, à toues les forces combattantes de l’Armée de libération nationale l’arrêt des opérations militaires et des actions armées sur l’ensemble du territoire algérien». Benyoucef Ben Khedda, président du GPRA faisant cette déclaration sur les antennes de Radio Tunis, met fin officiellement à huit années de guerre et rend effectifs les accords qui permettent cette paix négociée en Algérie. Ces accords signés à Evian sont considérés par les uns, Français, comme le début de la fin de leur présence en Algérie, et pour les autres, les Algériens, comme l’amorce d’une nouvelle ère, celle de l’autodétermination et de la fin de la colonisation.

Les Accords d’Evian ont été l’aboutissement d’âpres négociations qui opposaient les défenseurs de thèses diamétralement opposées. Les différents gouvernements de la Quatrième république en France, n’avaient pas mesuré toute la profondeur des revendications des populations arabes, assimilant d’ailleurs les actes de rébellion à des mouvements insurrectionnels qui appelaient une ferme répression de la République. Des réponses inadéquates qui ont entraîné de graves crises politiques et conduit au retour du général de Gaulle aux affaires. Lorsqu’en 1957, Claude Cheysson, alors chef de cabinet du président Conseil, Pierre Mendes-France, a évoqué l’idée d’une Algérie indépendante, la classe politique dans sa grande majorité considérait ses propos déplacés parce qu’ils constituaient à ses yeux un appel à la sécession. Or les revendications du FLN, Front de libération nationale et de l’ALN, Armée de libération nationale, constitués en 1954, étaient déjà très claires. Ces différents mouvements réclamaient l’indépendance et ont marqué le début de l’insurrection armée par des attentats le 1er novembre 1954.

L’autodétermination

Le général de Gaulle, en admettant le principe de l’autodétermination, en septembre 1959, ouvrait la voie à des négociations, mais divisait l’opinion française sur «la question algérienne». L’Algérie algérienne et non plus française devenait une évidence lorsqu’en décembre 1960 l’Assemblée générale de l’ONU reconnaissait au peuple algérien le droit à l’indépendance. Le référendum du 8 janvier 1961, en France métropolitaine et en Algérie, donnait un caractère légitime à cette option à plus de 75% de «Oui». Mais c’est aussi pendant cette période où devaient s’opérer des choix irréversibles, que les «événements d’Algérie» par leur intensité ont été considérés comme une guerre véritable à laquelle il fallait apporter une solution politique.

Quatre généraux, Challe, Jouhaud, Zeller et Salan s’opposaient à cette résolution du conflit en créant l’OAS, l’Organisation de l’armée secrète qui s’est illustrée dans un combat de défense de la nation unitaire contre le FLN mais aussi contre le gouvernement français et les ressortissants français soupçonnés de «trahison». C’est à Oran, ville «française» par excellence d’Algérie, que l’OAS installe son «QG». Dans cette ville les populations européennes dépassaient en nombre la population musulmane et arabe. Les «pieds noirs» y ont très largement adhéré au combat de l’OAS, considérant toute forme de pouvoir aux mains des Arabes comme une défaite et un «lâchage» de la république française. Ailleurs se sont les «Harkis» qui s’inquiètent de leur sort, eux qui ont combattu le FLN. Mais dans le problème algérien, le gouvernement n’avait pas seulement une question humaine à gérer. Il y avait aussi d’importants intérêts économiques et stratégiques qui tenaient une place prépondérante dans les négociations de sortie de crise.

C’est pourquoi l’indépendance de l’Algérie, aux yeux des politiques français négociant la sortie de crise ne semblait pas être une disparition totale de l’Algérie. Les Accords d’Evian en sont une bonne illustration puisque de nombreux chapitres, tout en instaurant une politique de coopération, ne marquent pas moins la dépendance du futur Etat vis à vis de la France. Les uns sont satisfaits de s’affranchir d’un état de soumis, alors que les autres préservent leur présence en délégant des pouvoirs. L’unité du peuple et l’intégrité du territoire sont admises, contrairement à certaines velléités de maintenir le Sahara hors de l’autorité centrale du gouvernement algérien pour des raisons évidentes d’exploitation du pétrole et du gaz, et pour garder les sites d’essais nucléaires dans le désert. Le compromis dégagé des Accords d’Evian a été par exemple la création de l’Organisme saharien. «Un Etat dans le nouvel Etat» comme le qualifie son directeur général Claude Cheysson, nommé au lendemain des Accords.

Cette même sortie «honorable» au niveau des populations est volontairement restée vague, ce qui a poussé le «pieds noirs», en plus de l’insécurité menée par l’OAS, à choisir de rentrer en France. Les négociateurs à Evian ont fermement rejeté, au sujet du statut de la ville d’Oran, une idée soutenue par Alain Peyrefitte, plusieurs fois ministres sous de Gaulle, qui disait, «si le FLN se refusait à transiger, la garantie suprême pour les Européens, ce serait le droit de sécession».

A l'émancipation de l'Algérie, deux conceptions de l'avenir se sont opposées. Les Algériens français n'avaient aucune raison de renoncer à l'appartenance à la mère patrie, alors que les Algériens arabes eux, se voulaient davantage ancrés dans la nation Arabe. Des liens très forts, du sol et du sang, tissés par plus de 130 années de présence française qui n’ont pu trouver dans les Accords d’Evian les termes d'une séparation à l'amiable. En ouvrant la voie à l’indépendance, du 3 juillet 1962, les Accords d'Evian ont à la fois réussi à mettre fin à une guerre «passionnelle», et causé des drames humains qui alimentent encore des rancœurs.

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par Didier  Samson

Article publié le 18/03/2002