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Sida

Le fléau chinois

Longtemps niée, la présence du sida en Chine est aujourd'hui reconnue officiellement par les autorités. Les derniers chiffres avancés par l'Agence Chine nouvelle font état de 850 000 porteurs du virus dans le pays. Mais cette estimation est encore certainement largement sous-évaluée.
Il a fallu attendre le mois d'août 2001 pour que le ministre chinois de la Santé reconnaisse officiellement que le pays était «très sérieusement touché» par l'épidémie de sida. Jusque-là, le gouvernement ne prenait pas du tout en compte les dangers inhérents à la propagation du virus que tous les experts signalaient depuis plusieurs années et les malades étaient socialement exclus.

La première étape franchie, la Chine s'est engagée rapidement sur la voie de la lutte contre ce qui pourrait devenir un véritable fléau. Tout d'abord en organisant au mois de novembre une Conférence nationale sur le sida à laquelle ont participé de nombreux experts internationaux parmi lesquels le directeur exécutif d'Onusida, Peter Piot. A cette occasion, des mesures ont été annoncées et des fonds débloqués (120 millions de dollars) pour «nettoyer l’approvisionnement en sang», mais aussi lutter contre le trafic et la consommation de drogue, les deux principales causes de contamination dans le pays. L'objectif étant de ramener le taux de progression de la maladie sous la barre des 10 % et de contenir le nombre de séropositifs à 1,5 million en 2010. Les autorités chinoises ont aussi engagé des négociations avec certains groupes pharmaceutiques fabricants de molécules anti-sida (Merck et GlaxoSmithKline) pour obtenir des réductions du prix des médicaments, condition sine qua non pour diffuser largement les traitements auprès de la population.

Dix millions de séropositifs en 2010 ?

Dans le même temps, les évaluations chiffrées ont été revues à la hausse. Les dernières estimations publiées par l'Agence Chine nouvelle font état de 850 000 personnes contaminées. Soit une augmentation de 250 000 personnes par rapport aux chiffres avancés l'année dernière. Environ 200 000 Chinois auraient déjà contracté la maladie et la moitié d’entre eux seraient décédés. Mais pour le moment, le ministère de la Santé ne parle toujours officiellement que de 30 736 séropositifs dont 1594 ont développé la maladie et 684 sont morts.

Ces chiffres, même s’ils deviennent plus réalistes, ne rendent pas compte de l'ampleur de la contamination réelle. Le phénomène sida reste officiellement sous-évalué. Même si la collecte des données dans le pays est difficile et désordonnée, les experts estiment qu’il y a aujourd’hui en Chine aux alentours de 1,5 million de personnes contaminées soit presque le double du chiffre avancé par l’agence Chine nouvelle. Le rythme moyen de progression de l’épidémie pourrait se situer à 30 % par an. Les autorités ont même reconnu qu’il y avait eu 67,4 % d’augmentation au cours du premier semestre 2001. Tant et si bien que si des mesures efficaces et rapides ne sont pas prises, le pays pourrait aller droit à la catastrophe sanitaire. On pourrait, en effet, compter 10 millions de personnes contaminées d’ici 2010. Peter Piot a ainsi estimé que «ce qui se passera en Chine durant les deux prochaines décennies, sera déterminant pour le fardeau global que représentera le sida».

Cette sous-estimation est due en grande partie à une mauvaise évaluation par les autorités des effets de la contamination engendrée par la grande campagne de don du sang organisée au début des années 1990. A cette époque, en effet, des milliers de Chinois ont participé à une collecte de sang réalisée dans des conditions déplorables et illégales. En échange d’une somme modique, les villageois étaient appelés à vendre leurs sangs qui étaient mélangés avant que le plasma n’en soit extrait, puis réinjectés aux donneurs. Ce système a eu pour conséquence d'entraîner la contamination de 500 000 à un million de personnes dans la seule province du Henan, l’une des plus touchée. Dans certains villages, les taux d’infection dépasseraient même les 70 %. Malgré l’énorme scandale provoqué par la découverte de ces pratiques, les autorités n’ont reconnu pour le moment qu’un maximum de 100 000 contaminations consécutives à ces collectes de sang non sécurisées. La principale cause d’infection serait, selon elles, constituée par l'usage de seringues contaminées par les drogués (68,7 %). Viendraient ensuite les relations sexuelles et le trafic de sang. En fait, huit cas sur dix de séropositivité seraient dus à ce commerce d’hémoglobine ou à des contacts non protégés avec du sang contaminé.



par Valérie  Gas

Article publié le 11/04/2002