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Sida

Des médicaments plus chers en Afrique francophone

Les pays d’Afrique francophone risquent de se voir privés d’accès aux médicaments génériques en raison des «accords de Bangui» sur la propriété intellectuelle qu’ils ont signé et qui entrent en vigueur ce 1er mars.
De notre correspondant au Burkina Faso

On croyait pratiquement réglée la question de l’accès aux médicaments essentiels génériques pour les pays pauvres. Dans sa déclaration adoptée en novembre 2001 à Doha, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) autorisait, en effet, les Etats en développement à passer outre les brevets pour fabriquer ou importer des médicaments génériques en cas de nécessité d’urgence. Mais voilà qu’on apprend que 16 pays africains dont 12 sont parmi les moins avancés (PMA) risquent de ne pas pouvoir bénéficier de ces avantages: le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, le Congo-Brazzaville, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée Bissau, la Guinée équatoriale, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo.

Ces pays sont regroupés au sein de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) qui leur délivre les brevets des médicaments. Et c’est au sein de cette institution qu’ils ont signé des accords (qui ont valeur de lois nationales) qui pourraient les empêcher d’accéder aux génériques produits par un pays tiers. Selon un groupe de 150 associations et ONG dont Médecins sans frontières (MSF), engagées dans une campagne d’accès aux médicaments, les accords dits de Bangui signés en 1977 et révisés en 1999 imposent d’une part aux Etats membres que les licences obligatoires (octroi par des autorités nationales de la licence de production ou d’importation à un autre opérateur que le détenteur du brevet) soient réservées à des opérateurs capables de produire dans la région OAPI. Or, aucun de ces Etats ne semble en mesure de produire les médicaments concernés notamment ceux requis pour les soins du sida. D’autre part, les importations parallèles de traitements sous brevet sont limités aux échanges entre membres de l’organisation. «Cela veut dire concrètement qu’un pays comme le Burkina Faso ne peut pas aller acheter du Fluconazol de Pfizer dans un pays extérieur à la zone OAPI où il serait vendu meilleur marché», explique Catherine Gavin, conseiller juridique à MSF et du Réseau d’accès aux médicaments (Rame).

Les «accords de Bangui» constituent un piège

Les Etats concernés ont-ils conscience du problème ? En tout cas, onze d’entre eux ont déjà ratifié les «accords de Bangui» qui sont entrés en vigueur le 28 février 2002. Les associations et ONG appellent au plus vite à un «moratoire sine die» et demandent «que toutes les dispositions adoptées en 1999 qui font obstacle à l’accès à la santé soient modifiées à la lumière de la déclaration de Doha». Elles ont initié à cet effet une pétition qui sera remis aux chefs d’Etat et de gouvernement. En attendant, elles leur ont déjà adressé une lettre ouverte dans laquelle elles évoquent les dangers de ces dispositions pour la santé des millions de malades du sida en Afrique. «Les produits disponibles, déjà hors de portée des populations seront encore plus inaccessibles parce que plus chers par le simple fait que parmi les Etats membres de l’OAPI, aucun d’eux ne disposent d’une industrie capable de produire des anti-retro viraux rapidement», prévient la lettre du Réseau.

Pour les associations et ONG, l’accès aux génériques est d’autant plus urgent que les prix négociés ça et là par les Etats avec les firmes pharmaceutiques restent encore hors de portée pour la majorité des malades du sida en Afrique. «Le coût actuel du traitement du sida au Burkina Faso qui se situe entre 70000 et 80000 francs CFA par mois pourrait être divisé par près de quatre avec les génériques pour ne coûter que 23 000», estime Rosine Jourdain, chef de mission de MSF au Burkina. «Au Burkina, on considère que 8% de la population adulte est infectée. Ce qui représente environ 800 000 personnes sur les 12 millions d’habitants que compte le pays. Si on considère que seulement 10% d’entre eux connaissent leur statut sérologique, on se retrouve avec 80 000 personnes qui sont en droit d’attendre les traitements. Or, il n’y a que seulement 300 qui peuvent être servis», se plaint la représentante de MSF.

Les organisations qui disent avoir obtenu un soutien du ministère français du Commerce appellent alors à une forte mobilisation contre ces accords de Bangui qualifiés d’assassins pour les millions de séropositifs africains.



par Alpha  Barry

Article publié le 01/03/2002